La musique baroque française à l’honneur sur la scène de Budapest : Rameau, Boismortier, Clérambault, Blamont (1)

La musique baroque française à l’honneur sur la scène de Budapest : Rameau, Boismortier, Clérambault, Blamont (1)

Gwendoline Blondeel

Du chef hongrois György Vashegyi, nous avons déjà évoqué son souci de présenter au public hongrois des compositeurs pratiquement méconnus, principalement dans le domaine de la musique baroque, son domaine de prédilection, plus particulièrement de la musique baroque française qu’il semble connaître et apprécier particulièrement (2). Tel était le cas du concert donné ce soir par son ensemble Orfeo avec des extraits d’œuvres de Rameau, Boismortier, Clérambault et Blamont. Pour les accompagner, la soprane belge Gwendoline Blondeel. Pour la présenter en deux mots: formée à Namur et lauréate de l’Académie du Théâtre de La Monnaie à Bruxelles, Gwendoline Blondeel (30 ans), qui a intégré ensuite le Jeune Ensemble du Grand Théâtre de Genève, a remporté dès 2019 à l’âge de 24 ans le Premier Prix du Concours de Froville. Ce qu’en dit la critique : „Si la pureté et la remarquable précision de la voix font d’elle une interprète très recherchée dans les musiques des XVIIe et XVIIIe siècles, le répertoire de Gwendoline s’avère très large, avec des rôles tels que le rôle-titre de Lakmé de Delibes, Olympia des Contes d’Hoffmann ou encore Eurydice dans Orphée aux enfers d’Offenbach. En atteste la diversité des partitions abordées avec des chefs renommés, tels William Christie ou Diego Fasolis.”

Quatre compositeurs quasi contemporains nés sur la fin du XVIIe siècle et ayant œuvré dans la première moitié du XVIIIe siècle. De Rameau, le plus célèbre d’entre eux, nous étaient servis la Suite de Dardanus et l’air de la folie extrait de Platée. De Clérambault, une cantate „Le soleil vainqueur des nuages”. De Blamont, sa cantate Circé. Enfin, de Boismortier trois sonates (en sol, mi et do mineur) en guise d’intermèdes.

Première remarque : un programme habilement conçu, parfaitement équilibré, présentant une grande unité de style. Aucun des quatre compositeurs ne pouvant être mis en avant, nous offrant tous, chacun dans son genre, des pièces de grande qualité. Le tout servi par un orchestre sonnant merveilleusement sur instruments d’époque, offrant une grande clarté, le tout produisant une agréable sensation de luminosité. Un ensemble qui se présentait ce soir en formation de chambre où les cordes jouaient toutes à l’unisson, mais où l’on retiendra également les bois, notamment la flûte au son délicieux.

Mais c’est surtout de la soliste qu’il nous faut parler ici. Gwendoline Blondeel nous a offert ce soir une prestation tout simplement admirable. A la voix puissante, mais d’une grande pureté et parfaitement nuancée, mais d’une grande précision et surtout expressive à souhait. A cet égard, nous citerons la scène de la folie donnée en fin de concert (Platée), où la chanteuse, littéralement déchaînée, a stupéfié son auditoire, alternant avec brio les sautes d’humeur de son personnage. Nous ne l’avions encore jamais entendue jusqu’ici, c’est une grande chanteuse que nous découvrions ce soir.  („Par mon chant, je voudrais pouvoir exprimer toute la passion d’une âme envoûtée”

Pour en revenir au programme, une parfaite unité de style, mais chaque partie conservant son caractère propre. De la suite de Rameau (Dardanus) où airs et danses alternaient de façon plaisante à la cantate de Blamont (Circé) offrant une ambiance tragique à souhait, en passant par la cantate de Clérambault (écrite pour la guérison du roi) où alternaient moments de désespoir et sursauts de joie. Chaque morceau séparé d’un bref intermède, les sonates de Boismortier en quatre mouvements (andante, presto, adagio, allegro) fort bien tournées (qui faisaient, dit-on, l’admiration de Telemann).

A noter enfin que chaque pièce était précédée d’une présentation par le chef qui nous en rappelait en détail le contexte, ce qui nous permettait de mieux l’aborder.

Une soirée à retenir dans les annales en attendant la suite (3).

Pierre Waline

(1): Académie de musique, salle Solti.

(2): signalons au passage que Vashegyi coopère étroitement avec le Centre de Musique baroque de Versailles.

(3): le 16 mai:  „L’opéra français sous la Révolution” avec Cyril Dubois en soliste.

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