Hongrie : le „Haydneum”

Hongrie : le „Haydneum”

Haydneum

Ouverture d´un Centre dédié à la mémoire de Haydn pour la recherche et promotion d´œuvres du répertoire national

Né en Autriche (à deux pas des plaines hongroises) et Autrichien dans l´âme (1), Joseph Haydn passa une grande partie de sa vie au service d´une famille princière hongroise, les Esterházy. Raison suffisante pour que les Hongrois le considèrent comme faisant un peu partie des leurs. Certes, c´est à Vienne qu´il finit ses jours et c´est à Vienne que furent créés ses deux chefs d´œuvre que sont les Saisons et la Création. Mais il n´en demeura pas moins sensible à la musique populaire hongroise (et tzigane) sur laquelle il nous a laissé de fort belles partitions. Et, inversement, ayant influencé les musiciens hongrois de son temps.

Il était donc naturel que son nom fût retenu pour désigner un centre de recherches et de promotion des musiques anciennes (baroques et classiques) qui vient d´ouvrir en Hongrie sous la dénomination „Haydneum, Centre de musique ancienne hongroise”. Nous devons cette initiative au chef et président de l´Académie des Arts György Vashegyi.

Haydneum

S´inspirant du Centre de Musique baroque de Versailles, cette institution s´est fixé pour but, au-delà de ses activités centrées autour de la personnalité de Haydn et de son entourage, la découverte ou redécouverte, et promotion d´œuvres inédites en rapport avec la Hongrie (d´auteurs hongrois ou d´origine hongroise, ou étrangers ayant œuvré sur le sol hongrois). De l´époque baroque aux préromantiques en passant par l´école classique viennoise, ce qui couvre une période de deux siècles allant de 1630 à 1830. A quoi s´ajoutent des compositeurs et œuvres en provenance d´autres régions d´Europe, sachant l´interaction exercée à l´époque entre eux par-dessus les frontières. Constitution et conservation d´un fonds appelé à faire l´objet de publications, voire de concerts et d´enregistrements. Un projet que le chef hongrois mûrissait depuis longtemps, déjà, ressentant un vide à combler. Et Dieu sait que le travail ne manquera pas, quand on sait que des milliers de manuscrits non encore exploités dorment dans les bibliothèques hongroises (dont un important fonds légué par la famille Esterházy). Avec le but à terme de révéler au public des œuvres jusque-là jamais entendues. Tâche à laquelle le chef hongrois, avec ses musiciens de l´orchestre Orfeo et du chœur Purcell, s´était déjà en partie attelé, inscrivant au programme de ses concerts ou enregistrements des opéras français de la période baroque ou œuvres religieuses hongroises de la période classique jusqu´ici totalement inconnus du grand public. Mais avec le nouveau Centre, cette tâche sera réalisée de façon rationnelle et systématique, à grande échelle, au plan national, voire international, puisque ses animateurs seront appelés à coopérer avec des institutions de l´étranger. Également au nombre des activités du futur Centre : l´attribution de bourses, la tenue de masters et le montage de festivals.

Pour célébrer l´événement, György Vashegyi vient de monter, sous le titre de „Festival d´ouverture”, trois journées de concerts organisées autour du nom de Haydn (4-6 octobre). Cinq concerts pour lesquels il a fait appel à des chefs, ensembles ou solistes de renom. Tel Christophe Rousset et les Talents lyriques (Haydn, Werner) ou encore l´orchestre de Musique baroque de Fribourg (Haydn, Hummel, Weber). Pour notre part, nous avons assisté au premier concert inaugural donné par l´orchestre Orfeo et le chœur Purcell placés sous la baguette de Vashegyi. Accompagnés par une brochette internationale de solistes (2).

Au programme, des œuvres de Joseph Haydn, de son frère Michael et de Johann Georg  Albrechtsberger (3), ami du premier, compagnon d´études du second. Pour commencer, un Te Deum que Haydn composa en l´honneur de l´impératrice Marie-Thérèse. Œuvre de maturité, une des dernières créations religieuses du maître, le Te Deum est une pièce relativement brève pour chœur et orchestre (sans soli) marquée d´un profond souffle et empreinte de majesté. Ici merveilleusement servie. Suivait un Miserere qu´Albrechtsberger composa en 1780. Avec chœurs et soli. Une fort belle pièce, servie par d´excellents solistes, où l´on retrouve tout l´art d´Albrechtsberger, maître du contrepoint et de la polyphonie. Mais c´est dans la seconde partie que nous attendions la véritable révélation de la soirée avec la Messe de Saint François que Michael Haydn composa en 1803. Une œuvre de plus longue haleine, digne de l´aîné, probablement l´une des plus réussies que nous aura laissées le compositeur. Et ici encore, admirablement servie par l´ensemble : chœur, solistes et orchestre (sur instruments d´époque).

Que dire de plus ? Sinon que nous attendons avec curiosité de faire de nouvelles découvertes (dont certaines, telle la messe de Michael Haydn, nous avaient déjà été révélées par le disque). 

Pour terminer, un mot à l´attention du lecteur francophone. Il faut savoir, comme nous le révèle György Vashegyi, que le prince Nicolas Esterházy, grand amateur et mécène, racheta un fonds important de manuscrits français, de sorte que nombre d´œuvres de nos compatriotes figurent aujourd´hui parmi les manuscrits conservés en Hongrie. Par ailleurs, c´est à un Français qu´il fera appel pour assurer la direction artistique du nouveau Centre : Benoît Dratwicki, directeur du Centre de Musique baroque de Versailles. Une bonne nouvelle, donc.

Pierre Waline

(1): auteur de l´hymne impérial autrichien.

(2): Hélène Guilmette (soprane), Marianne Beate Kielland (mezzosoprane), Bernhard Berchtold (ténor), Stephan MacLeod (basse).

(3): Albrechtsberger, entre autres professeur de Beethoven (et ami de Mozart), passa plusieurs années en Hongrie (Győr). On conserve de lui à la bibliothèque Széchényi de Budapest 400 manuscrits non encore publiés….

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