Deux œuvres inédites de Haydn et Hummel  pour ouvrir le festival de musique sacrée „Haydneum”

Deux œuvres inédites de Haydn et Hummel  pour ouvrir le festival de musique sacrée „Haydneum”

Haydn

Fondé l’année dernière à l’initiative du chef hongrois György Vashegyi, le Centre de Musique ancienne hongroise, à l’instar du Centre de Musique baroque de Versailles, a pour vocation de présenter et promouvoir des œuvres inédites en rapport avec la Hongrie. De l’époque baroque aux préromantiques en passant par l’école classique viennoise, ce qui couvre une période de deux siècles allant de 1630 à 1830. Son nom Haydneum est lié à la personnalité du compositeur autrichien qui passa une grande partie de sa vie au service de princes hongrois, les Esterházy. Parmi les activités du Centre : le montage de festivals, mais aussi l’attribution de bourses et la tenue de masters.

Haydneum

Au rang des festivals, signalons la tenue d’un festival de musique sacrée appelé à se tenir chaque année à Budapest (1). Pour cette année a été choisi, pour le concert d’ouverture, un programme dédié à Haydn et Hummel. Du premier, son Salve Regina en sol mineur, du second, sa Messe en mi bémol majeur. Le cadre : l'église de l´Université (Egyetemi templom), un des joyaux baroques de la capitale. Pour les interpréter : l’orchestre Capella Savaria et le chœur Purcell placés sous la direction du chef américain Nicholas McGregan. Avec en solistes Adriána Kalafszky, soprane, Viola Thurnay, alto, Zoltán Megyesi, ténor et Ákos Borka, basse.

Composé sur la fin des années soixante à Eisenstadt (Kismarton) à la cour du prince Pál Esterházy, le Stabat Mater comprend cinq parties. On le dit influencé par Porpora, compositeur alors en vogue, qui avait été son premier maître et soutien. Haydn lui-même, lors d'un point qu’il fit quelques années plus tard (alors qu’il n'avait pas encore écrit ses œuvres majeures), le cite parmi ses meilleures réalisations (2), nous laissant le commentaire suivant :Le Stabat Mater sur lequel j’ai reçu un jugement de notre grand compositeur Hasse, contenant des éloges parfaitement immérités. Je conserverai par devers moi ce jugement toute ma vie, comme un vrai trésor ; non pour son contenu, mais pour l’amour d’un homme si admirable.” Que dire ? Sinon que d’aucuns (Marc Vignal) voient en certain passage (l’introduction) l’annonce des Sept dernières paroles du Christ qui seront composées vingt ans plus tard. A signaler encore une originalité, la présence de l’orgue quasiment traité en instrument concertant. Une œuvre rarement donnée que nous allions redécouvrir ce soir.

HaydneumParmi les cinq messes que nous a laissées Hummel, la messe en mi bémol majeur op. 80, composée en 1804, est la deuxième. Date à laquelle le jeune compositeur (âgé de 26 ans) est nommé Konzertmeister à la cour du prince Nicolas II Esterházy, suivant en quelque sorte la trace laissée par son aîné. (Et sur recommandation de ce dernier.) Haydn dont il avait été un moment l’élève aux côtés de Mozart et Salieri. De la musique sacrée de Hummel, nous ne savons pas grande chose, sinon, pour les deux messes que nous lui connaissons, que nous y voyons une certaine parenté avec celles du frère de Joseph, Michael Haydn. Une occasion de la découvrir (et de nous faire un jugement plus précis).         

Le Salve Regina, tout d’abord. Dire que nous avons été séduit est un faible mot. Tout d’abord par la légèreté de l’ensemble, la formation étant ici limitée à un minimum, conférant au tout un caractère intime. Absence du chœur, réduit au quatuor des solistes. Et cette présence de l’orgue en dialogue quasi constant avec les solistes.  (Orgue auquel est confiée l’ouverture de l’œuvre en alternance avec les solistes.) Caractère intime, empreint d’un certain recueillement. A cet égard, la comparaison avec les Sept dermières paroles se justifie pleinement. Un hymne à la Vierge, certes, mais exempt de toute solennité. Si le Salve Regina, ne serait-ce que par sa dimension réduite, ne peut être classé au rang des chefs d’œuvre du maître autrichien, on peut néanmoins le considérer comme une de ses productions les plus charmantes et les plus touchantes, empreinte d’une profonde religiosité.

Toute autre allait être la suite avec la messe de Hummel. Servie, outre les solistes, par un chœur et un orchestre au complet. Œuvre, pour le coup, présentant un caractère solennel. Mais dans le bon sens, sans aucune faute de goût. Nous offrant des passages touchants, tel le charmant thème du Et incarnatus est. Et quelques trouvailles originales, tel ce long roulement de timbales qui ouvre le Sanctus.  Une œuvre, par son style, assez proche des grandes messes de Haydn. (Haydn qui fut, au demeurant, l’un des premiers à reconnaître les talents de son cadet.) 

Les interprètes, dans tout cela ?

Haydneum

Le chef, tout d’abord. Invité régulier de l´orchestre depuis sa création dans les années quatre-vingts. Donc rien à redire. Un orchestre qui sonnait de façon fort belle. Rien à redire non plus sur le chœur, égal à lui-même, c’est-à-dire au top. Quoique légèrement desservi par l’acoustique. Nous ne connaissions pas, par contre, les solistes. Excellents, bien en place, avec peut-être une très légère réserve sur la soprane, à la voix un peu jeune (confrontée. Il est vrai, à une partition exigeante).

Dans l’ensemble, ce fut une fort belle production, mettant bien en valeur les qualités, quoique différentes, des œuvres servies. Qui valaient largement la peine d’être découvertes (ou redécouvertes) ce soir. Associer Haydn et Hummel fut une heureuse idée, particulièrement bienvenue. Hummel, ami et protégé de Haydn, qui mérite bien davantage que la réputation qu’on lui fait aujourd’hui. Un malentendu en passe d’être corrigé. Grâce à cette soirée.    

Un festival qui répond bien à sa vocation, voulue par son fondateur György Vashegyi (présent ce soir dans l´orchestre). A suivre, donc…

Pierre Waline

(1): sept concerts du 3 au 12 juin.

(2): aux côtés de son oratorio Le Retour de Tobie et de son opéra l’Infedeltá delusa.

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