Budapest : Mozart et le jeune Mendelssohn réunis le temps d´une soirée

Budapest : Mozart et le jeune Mendelssohn réunis le temps d´une soirée

Mozart Mendelssohn

Une touche de fraîcheur bienvenue

Décidément, la vie musicale à Budapest aura rarement été si fournie qu´en cette période de pandémie. Un paradoxe. Et pourtant… Un, voire plusieurs concerts retransmis chaque soir sur le réseau. Certes, cela ne vaut pas la présence sur place, mais voilà qui est malgré tout bien commode. Tel un concert récemment retransmis depuis le Palais des Arts (Müpa) consacré à des œuvres de Mozart et du jeune Mendelssohn. Une originalité : concert donné sans chef et exclusivement consacré à des œuvres concertantes. Pour reprendre une comparaison suggérée par ses organisateurs : „Tel un repas où chacun des trois plats principaux serait constitué d´une fine pâtisserie, chacune d´un parfum différent”.

Au programme : le troisième concerto pour violon en sol, K 216 de Mozart et son 24ème concerto pour piano en ut K 491. Pour terminer :  de Mendelssohn, le double concerto pour piano et violon, qu´il composa à l´âge de quatorze ans. En solistes, le violoniste Kristóf Baráti et le pianiste Dénes Várjon.

Composé à Salzbourg en septembre 1775 (Mozart n´avait que dix-neuf ans), le concerto pour violon en sol marque un nouveau départ dans l´œuvre du compositeur. Sans se démarquer totalement du style galant des deux précédents, le jeune compositeur y soigne davantage son orchestration, plus „colorée”, et nous offre des moyens d´expression que nous n´avions guère connus jusque-là. C´est ainsi qu´en sa partie centrale, on y trouve déjà cette profondeur de sentiments qui caractérisera par la suite ses grands concertos. „Un style galant que Mozart transcende par une invention mélodique inépuisable et une profondeur d'expression maîtrisée” (wikipédia). Un concerto également apprécié pour son séduisant rondeau final, potpourri d´airs français, dont une mélodie populaire dite „strasbourgeoise” qui lui vaudra par la suite son appellation „concerto de Strasbourg”. Une œuvre idéalement servie par un Kristóf Baráti dont on admirera au passage la finesse du son. Il est vrai que le violoniste, actuellement le plus en vue sur la place de Budapest, n´est pas le premier venu. „Tenu en grande estime par des chefs comme Gergiev, Dutoit, Saraste et Janowski, Baráti maîtrise une technique parfaite et offre une gamme expressive étincelante” (biographie)

Suivait le 24ème concerto en ut mineur, par le pianiste Dénes Várjon. Un concerto qui, dit-on, figurait parmi les favoris de Beethoven. Composé au printemps 1786, alors que Mozart achevait ses Noces de Figaro.  A l´opposé de l´œuvre précédente, certains y voient „l´expression des épreuves qu´affrontait alors le jeune maître” (Jean & Brigitte Massin). Einstein, non sans exagération, en relevant le „côté révolutionnaire”.  Œuvre que l´on compare parfois par son climat au 20ème en ré mineur. ”Un moment de perfection après lequel plus rien ne reste à désirer. Ensuite, on fera sans doute aussi bien, mais jamais mieux” (Georges Beck). Alors ? Servi en soliste par Dénes Várjon. Un pianiste que nous avions déjà entendu par le passé, mais diversement apprécié. Qui s´est montré ce soir inspiré, à la hauteur de l´œuvre rendue avec clarté, soutenu par des musiciens inspirés. Seule réserve : pourquoi cette mimique - un tantinet agaçante -, le regard en extase, tourné vers le ciel, comme pour y puiser son inspiration ?

L´entracte terminé, nous attendions beaucoup de l´œuvre suivante, le double concerto de Mendelssohn. Une œuvre de jeunesse pratiquement inconnue du public et rarement jouée. Et pourtant… Ici servie par les deux solistes entendus auparavant. Que l´on dit, malgré leur différence d´âge, bons amis, ce qui s´entendait, tous deux parfaitement en phase, malgré un côté plus réservé chez le cadet (Baráti). Un mot sur l´œuvre. „Composé à l´âge de quatorze ans, trois ans avant l´ouverture du Songe d'une nuit d'été, Felix Mendelssohn nous livre cet étonnant Concerto construit sur le modèle classique mais qui regorge d'idées nouvelles sinon iconoclastes.” (critique anonyme). Une œuvre sur laquelle plane l´esprit de Mozart que le jeune Félix admirait tant, mais offrant tout en même temps un souffle de passion romantique. A noter, pour la petite histoire que le jeune Félix et sa sœur Fanny avaient été formés au piano par Marie Bigot, celle-là même qui avait été amie de Beethoven. L´interprétation ? Les deux solistes parfaitement en phase, suivis par un orchestre (cordes) au diapason.  Pour terminer la soirée fut donnée en bis (… sans public ! ...) la sonate piano-violon en ré majeur.

Au-delà de l´interprétation proprement dite, ce que nous retenons de cette soirée est sa forme et son programme peu coutumiers. Un orchestre se produisant sans chef, prenant la forme d´un ensemble de chambre auquel les deux solistes n´en étaient que mieux intégrés. Et le programme : trois concertos d´affilée, ce qui ne nous est pas donné tous les jours. De plus idéalement choisis. Avec cette parenté de style entre le concerto de violon et l´œuvre de Mendelssohn, marquée par l´esprit du maître de Salzbourg. Séparés par une œuvre de maturité empreinte de majesté, ce qui conférait au tout un parfait équilibre.

Nombre de chefs considèrent l´art de monter un programme comme aussi important que l´interprétation des œuvres choisies. Pour le coup, ce fut ce soir une réussite tant dans le choix des œuvres programmées que dans leur interprétation.

En attendant la suite…

Pierre Waline

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