Budapest : la soprane Klára Kolonits de retour sur la scène de l´Opéra  pour un répertoire inédit

Budapest : la soprane Klára Kolonits de retour sur la scène de l´Opéra  pour un répertoire inédit

Kolonits

Récital de bel canto

„Bien qu´ayant choisi de présenter des airs de bravoure, ce n´est pas tant la performance physique qui m´attire, que mon souci de restituer le lyrisme, le drame et la passion que recèlent ces morceaux qui offrent des valeurs uniques au plan musical.”

Récemment tombée gravement malade, la soprane colorature hongroise Klára Kolonits avait dû pour un temps quitter la scène. Sans renoncer toutefois à se vouer à son art, nous offrant, tout au long de la pandémie, des récitals à domicile, diffusés sur son site. Soirées de lieder, accompagnées au piano par son mari, genre vers lequel elle a choisi d´élargir sa palette. Une chanteuse que nous avions déjà eu maintes fois l´occasion d´entendre et d´apprécier par le passé. Sans nul doute l´une des plus en vue sur la scène hongroise (1).

KolonitsSon retour ce soir était donc plus que bienvenu. Retour en force pour un récital consacré à des extraits des répertoires italien (Bellini, Donizetti, Rossini, Verdi) et français (Massenet, Meyerbeer, Charpentier). Entourée de ses partenaires et amis, la mezzosoprano Atala Schöck et le ténor Szabolcs Brickner. Atala Schöck qui figure parmi les meilleures mezzos actuelles en Hongrie et Szabolcs Brickner qui a été à plusieurs reprises son partenaire, notamment dans la Traviata. Le tout, pandémie oblige, accompagné au piano par son mari, le chef et compositeur Dániel Dinyés.

Réputée pour ses interprétations des grands rôles du répertoire, de la Reine de la Nuit à la Traviata en passant par Fiordiligi ou encore Gilda, Mimi, Dona Anna, Luisa Miller, la Norma ou Constanze, sans compter le répertoire contemporain (2), Klára Kolonits a choisi de nous présenter ce soir des morceaux inédits rarement donnés, voire, pour certains, donnés en première à Budapest. Visant, dans le choix de ses héroïnes, à présenter une palette aussi large que possible des sentiments que peut éprouver une femme, de la tendresse à la cruauté.

Morceaux précédés d´une présentation par le jeune musicologue Dániel Mona. Petits topos richement documentés, présentés de façon détaillée, mais jamais ennuyeuse, et non dépourvus par moments d´une petite note d´humour.   

C´est par Bellini que débutait la soirée, avec l´air de Juliette du premier acte des Capulets et Montaigus. (Dont nous apprenons que le livret est inspiré, non du Roméo de Shakespeare, mais d´une œuvre qui l´avait précédé.) Suivait un duo extrait du Sémiramide de Rossini (Sémiramide et Arsace) en couple avec Atala Schöck. Deux voix (soprano colorature et mezzo-soprano) qui s´accordaient idéalement et nous ont enchantés.  Pour passer ensuite au Lucrèce Borgia de Donizetti (air de Lucrèce) directement enchaîné sur un air de la Favorite (Léonore) par Atala Schöck. Puis ce fut la Norma, non le trop connu Casta diva, mais le duo Norma-Pollione du deuxième acte avec le ténor Szabolcs Brickner, parfait dans le rôle de l´amant dépité. Et, pour terminer en beauté sur le répertoire italien, l´air de Giselda extrait du IVe acte des Lombards de Verdi.

KolonitsVenait ensuite le répertoire français pour lequel la chanteuse semble avoir une prédilection. A commencer par le Manon de Massenet, avec le duo dit „de Saint Sulpice” extrait du IIIe acte, en partenariat avec Szabolcs Brickner. Le ténor qui allait prendre le relais avec l´air de Vasco de Gama extrait de l´Africaine de Meyerbeer. A noter une parfaite diction de notre langue, léger - mais charmant - accent mis à part. Entre temps Klára Kolonits nous avait servi un air du rôle-titre („Depuis le jour...”) extrait du Louise de Charpentier, une révélation. Et pour terminer, un opéra-comique qui eut son heure de gloire, tombé aujourd´hui dans l´oubli „L´Étoile du Nord” de Meyerbeer, la soprane (air de Catherine) étant ici accompagnée, outre le piano, par deux flûtistes (János Rácz, Dóra Gjorgjevic). Pour le coup, ce fut, pour terminer en beauté, probablement un des temps forts de la soirée (avec le duo de Manon). Air virtuose où la voix s´entremêle délicieusement avec le chant des flûtes. Un air particulièrement exigeant, visiblement écrit pour mettre en valeur les talents des chanteuses, avec au passage quelques vocalises acrobatiques. Ce dont Klára Kolonits s´est tirée avec aisance et brio.

Que retenir de cette soirée ? Tout d´abord cette incroyable aisance et cette maîtrise. Impression de facilité qui n´est pas le fait du hasard, mais le résultat de nombreuses années d´un long travail au cours duquel la chanteuse s´est employée sans relâche à perfectionner son art (2). A noter encore cette pureté de la voix, une voix puissante, mais toujours servie en finesse, même dans les passages les plus forts.

Comblés par une telle soirée, il ne nous reste qu´à formuler un seul désir : celui de la retrouver au plus vite sur scène. Car, outre ses qualités de chanteuse, Klára Kolonits excelle également dans son jeu en scène.

Pierre Waline

Photos : Péter Rákossy

(1): couverte de récompenses, Klára Kolonits s´est notamment vu décerner le prestigieux prix Kossuth. Egalement connue - et reconnue -  à l´étranger où elle s´est entre autres produite à Copenhague, Amsterdam, La Haye, Weimar et au festival de Savonlinna en Finlande.

(2): Eötvös, Kurtág, Boulez et son mari pour le répertoire contemporain. Se produisant également dans le répertoire des oratorios (Haendel) et pièces religieuses (Requiem de Verdi).

(3): Klára Kolonits a suivi entre autres des masterclass auprès  d´Anna Reynolds, de Walter Berry et d´Ileana Cotrubas.

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