Les guides touristiques en Hongrie : grands abandonnés de la pandémie, obligés de s’adapter pour survivre à la crise

Les guides touristiques en Hongrie : grands abandonnés de la pandémie, obligés de s’adapter pour survivre à la crise

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Au chômage forcé depuis plus d’un an, sans grand espoir de retravailler à plein temps avant un long moment, les guides hongrois vivent aujourd’hui dans l’insécurité permanente sans activité ni revenus stables. Rencontre avec Gabriella Bálint, guide touristique Hongroise depuis plus de vingt ans.

Depuis plus d’un an maintenant, les touristes sont aux abonnés absents à Budapest et plus généralement en Hongrie, pourtant habituée au tourisme de masse depuis quelques années.

Pour le JFB, j’ai rencontré la pétillante guide Gabriella Bálint, bien décidée à ne pas se laisser abattre par la situation, qui a très gentiment accepté de répondre à mes questions et de me parler de sa situation professionnelle, liée à la pandémie.

JFB : Quand était la dernière fois où vous avez travaillé en tant que guide ?

GuideGabriella Bálint : Ce qu’il faut savoir c’est que j’ai mon entreprise, en tant qu’auto-entrepreneure et je n’ai pas pu travailler, ni enregistrer de facture depuis novembre 2019. En général, c’est prévu que nous n’ayons pas de travail entre novembre et mars, c’est la basse saison. Et en mars, le tourisme reprend doucement et petit à petit. Mais avec la pandémie, il n’a jamais repris.

C’est rapidement devenu très difficile de payer les 50 000 forints (environ 136 euros) de cotisations par mois aux impôts, sans aucun revenu. Heureusement, j’ai un autre diplôme, je suis professeure d’anglais. J’ai pu obtenir un contrat de 22h par semaine dans un collège avec un salaire fixe.

JFB : J’ai entendu qu’il existait des visites virtuelles de certains lieux, est ce que vous en organisez ?

G. B. : Il y a beaucoup de guides qui le font, qui se sont adaptés comme ça, mais moi je ne le sens pas. Ce n’est pas du tout pareil. Pour moi c’est assez artificiel, et ça me provoque un sentiment bizarre et donc je n’ai pas voulu le faire.

Moi ce que je vais faire plutôt c’est mettre à jour mon profil sur le site d’une compagnie avec laquelle j’ai déjà beaucoup travaillé. Elle s’occupe de touristes américains âgés qui font des croisières sur le Danube. J’avais beaucoup de clientèle avec ça avant mais je n’ai pas beaucoup d’espoir pour cette année.

JFB : Pourquoi n’avez-vous pas beaucoup d’espoir ? Vous pensez que le tourisme ne reprendra pas cet été ?

G. B. : Il est possible que l’on soit à nouveau un peu plus libre cet été, mais je ne pense pas pour autant que les touristes vont revenir comme avant, et notamment les Américains, très amateurs de guides touristiques. Vous connaissez le sziget festival, ça aussi les touristes adorent et surtout les Français. Eh bien tous les festivals viennent d’être annulés cette semaine.

C’est très triste, Budapest était devenue une des villes les plus fréquentées d’Europe, de plus en plus populaire. L’années 2019 a été incroyable en matière de tourisme d’ailleurs, c’était fantastique.

JFB : En dehors des touristes étrangers, il n’y a pas de demande venant des Hongrois ?

G. B. : Cela existe oui, il y en a de temps en temps. Mais avec les mesures contre la pandémie, il est maintenant interdit de se réunir à plus de dix personnes. Une de mes collègues, qui est vraiment très active, m’a demandé d’essayer d’organiser des petites sorties en Hongrie. Elle, elle le fait déjà une semaine sur deux. Elle arrive à remplir un minibus. Peut-être que si tout va bien, le week-end prochain je partirai avec neuf personnes. Donc ça existe mais ce n’est pas suffisant pour vivre.

JFB : Qu’en est-il y au niveau du gouvernement, y a-t-il des aides pour les guides touristiques ?

G. B. : Avant non, il n’y en avait aucune. Mais depuis le mois de mars, les guides qui sont restés actifs, n’ont pas à payer les 50 000 forints cotisations pour les mois de mars et avril. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est une aide quand même.

Pourtant, nous avons tout fait, tout essayé, pour attirer l’attention du gouvernement et des médias. Il nous a complètement laissé tomber. C’est vraiment triste. Dans tous les autres pays d’Europe il y a eu des aides. Même en Slovaquie qui n’est pas non plus un pays très riche, il me semble qu’il y avait une aide d’environ 300 euros par mois octroyée par le gouvernement pour les guides qui, comme partout, ont perdu leur travail.

L’association des guides hongrois (MIE-Magyar Idegenvezetők Egyesülete)Guide, a été très active au niveau des médias. Cette semaine on a eu une réunion et il nous a été dit que quarante-trois actions auprès de la télé, de la radio, internet etc. ont été menées pour plaider notre cause.

On a fait aussi deux flashmobs l’été dernier. Nous avons dansé devant la Basilique Saint Etienne avec notre parapluie coloré. C’était marrant ! Il y a eu plus de 200 guides qui ont dansé sur la chanson « Hello Tourist ». C’est une chanson sarcastique d’Emil Rulez. Le second était à côté de l’église Saint Matthias.

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De plus, en Hongrie il y a un très grand malentendu dans la tête des gens. Ils croient que les guides sont salariés d’une agence de voyage. Mais c’est le cas de seulement la moitié d’entre nous. Les autres, nous sommes auto-entrepreneurs, indépendants. Et eux, ils ont tout un statut différent, ils ne s’appellent pas du tout guides d’ailleurs mais « utazásszervező » en Hongrois, ce qui veut dire organisateur de voyage et c’est un travail administratif. D’ailleurs les agences de voyage et leurs salariés ont reçu des aides, mais nous non. C’est très injuste.

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Si vous souhaitez contacter Gabriella Bálint pour découvrir Budapest et la Hongrie, voici le lien de son profil Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100007772765569

Propos recueillis par Mathilde Houssay

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