1956 : Jean Pierre Pedrazzini : Un grand reporter devenu un mythe

1956 : Jean Pierre Pedrazzini : Un grand reporter devenu un mythe

Pedrazzini

Hommage à Jean-Pierre Pedrazzini

Jean-Pierre Pedrazzini est mort tragiquement lors de l'insurrection hongroise. (Photo d'après le livre d'Annie et Jean-Pierre Pedrazzini, «Une passion foudroyée», Éditions Michalon, 2006)

À Paris, ses amis l'appelaient «Pédra» ou Pedrazzini en mettant l'accent sur le dernier  «i» à la française...

En France, où il était très connu de son vivant, il est devenu, après sa mort, un mythe. Mais au Tessin, où les Pedrazzini foisonnent, peu de gens savent qui était Jean-Pierre Pedrazzini. À l'entrée de ce petit village près de Locarno, la vaste demeure ancestrale de la famille Pedrazzini accueille, aujourd'hui encore, la réunion annuelle des descendants de cette dynastie éparpillée aux quatre coins du globe.

Une dynastie qui a donné des magistrats, des médecins, des politiciens au Tessin. Parmi eux, le conseiller d'état Luigi Pedrazzini, directeur démocrate-chrétien du département de justice.

C'est de cette souche dont était issu, par son père, le grand reporter Jean-Pierre Pedrazzini dont les anniversaires de sa mort sont commémorés chaque année, en Hongrie, en France et en Suisse.

Dernier de trois enfants, suisse et français, Jean-Pierre Pedrazzini naît le 30 janvier 1927 à Paris.

Son père, Guglielmo était lui-même le fils d'un émigré, Giovanni, qui vers la fin du XIXe siècle, avait quitté Campo Vallemaggia et la misère des montagnes tessinoises pour le Mexique où il avait fait fortune dans les mines d'or et d'argent. Sa mère, Francine Crovetto était monégasque. La famille s'installe en Suisse en 1943 pendant la Seconde Guerre mondiale.

Jean-Pierre Pedrazzini fait ses études à Neuchâtel, Lausanne, Davos puis Genève. Adolescent, il photographie les soldats américains internés dans les hôtels de la station grisonne de Davos et leur donne les clichés, en souvenir.

Après le divorce de ses parents, sa mère regagne Monte-Carlo tandis qu’avec sa sœur Marie-Charlotte il revient à Paris.

PedrazziniIl effectue son service militaire dans les parachutistes en devançant l’appel puis entre à Paris Match en 1948 et où il devient l’assistant du photographe Walter Carone.

Le 11 juin 1955, alors qu’il est en reportage pour Paris-Match, il échappe de peu à la mort lors de l’accident des 24 Heures du Mans.

ll photographie les personnalités importantes de l’époque comme Charlie Chaplin, Maurice Chevalier, Sofia Loren, Brigitte Bardot, Edith Piaf, Marlène Dietrich, Vittorio de Sica, Grace Kelly et le Prince Rainier de Monaco. Grâce à sa mère, monégasque, il a ses entrées au Palais et fera le reportage du Mariage Princier, le 19 Avril 1956.

Le 10 novembre 1955, il épouse Annie Falk à Paris. Il voyage en Europe de l'Est, notamment au cœur de l'Union soviétique de Khroutchev qu'il traverse en juillet 1956 avec son ami le journaliste Dominique Lapierre et en compagnie de leurs femmes. Le récit et les photographies de ce voyage seront publiés à Lausanne en 1957, après la mort de « Pédra » sous le titre « En liberté sur les routes d'URSS ».

Pedrazzini

En octobre 1956, Jean-Pierre Pedrazzini est envoyé par Paris Match avec le journaliste Paul Mathias pour couvrir l’insurrection de Budapest en Hongrie.

Alors qu'il photographie l'assaut lancé par les insurgés contre le Q.G. du parti communiste, place de la République, le 30 octobre 1956, il est atteint de trois rafales de mitraillette au ventre, à la colonne vertébrale et aux jambes. Le tireur avait pris le téléobjectif de Jean-Pierre pour un lance-roquettes.

PedrazziniRapatrié en France avec l’aide de Thomas Schreiber envoyé spécial du Monde et de la R.T.F., dans la nuit du jeudi au vendredi 2 novembre, à bord d'un avion spécial, Jean-Pierre Pedrazzini meurt à l’âge de 29 ans, le 7 novembre 1956 dans une clinique de Neuilly-sur-Seine.

Ses obsèques ont lieu le 9 novembre en l’église Saint-Philippe-du-Roule en présence du secrétaire d'État à l’Information, Gérard Jacquet. En 1957, sa sœur, Marie-Charlotte Vidal-Quadras Pedrazzini, fait transférer sa dépouille dans le caveau familial au cimetière de Locarno.

 « C’était un magnifique garçon aux yeux clairs, beau, sportif, ancien « para», plein d’allant et de droiture ».  - Le Monde, 8 novembre 1956.

Hommages

*Une plaque à sa mémoire a été apposée sur l'immeuble de la Köztárszaság tér N°25 (Place de la République)[1] dans le 8e arrondissement de Budapest, lieu où il reçut ses blessures mortelles à la suite d'une rafale de mitraillette. Une statue y a également été érigée et inaugurée lors de la commémoration du cinquantième anniversaire des évènements de 1956.

*Un buste a été installé sur la place de la République à Budapest en 2006, à l’occasion de la commémoration du 50e anniversaire des évènements de 1956.

Pedrazzini

*   Une salle de l’Institut français de Budapest porte son nom.

*   À l’occasion du 60e anniversaire de l’insurrection de Budapest, une plaque mémorielle a été inaugurée au lycée français Gustave Eiffel de Budapest le 10 novembre 2016

    *En France, Une voie de la ville de Perpignan qui accueille chaque année le festival international de photojournalisme « Visa pour l’Image », porte son nom.

Distinction :

Citation à l'Ordre de la nation le 7 novembre 1956 - Légion d’Honneur à titre posthume –

    « M. Jean-Pierre Pedrazzini, reporter photographe aux qualités professionnelles unanimement reconnues et appréciées, entièrement dévoué à son métier, toujours volontaire pour les reportages les plus difficiles et les plus dangereux, a été mortellement blessé à Budapest pendant les journées de l'insurrection nationale dans l’accomplissement de son devoir de journaliste ; est tombé le 30 octobre 1956 en prenant sa dernière image. »

Et cet hommage paru en 1990 par le Directeur de Paris Match de l’époque :

« Jean-Pierre, nous t’avons perdu il y a trente quatre ans, mais tu as gagné, puisque la liberté a gagné.

Tu étais parti pour Budapest avec tes appareils, ton légendaire imperméable, ton sourire, ton courage et ta foi. Tu étais parti pour un reportage, et tu as trouvé un destin. Affreuse pour tes proches, tes parents, tes amis, ta disparition dans la fleur de l’âge, est exemplaire pour les autres.  Pour les journalistes d’abord. Et les circonstances mêmes de ta mort, révélées aujourd’hui, nous éclaire mieux sur notre profession. Avant de tomber sous les balles d’un milicien, tu avais porté secours à un enfant affolé sous la mitraille. Tu avais répondu au cas de conscience qui interroge chacun de nous : au cours d’un reportage, poursuivez-vous votre travail ? ou vous portez-vous au secours de personnes en danger ? Tu as su répondre par deux actes : celui du cœur et celui du devoir professionnel. Pour vous, amis hongrois, Jean-Pierre porte aussi cette image de celui qui est mort parmi vos propres morts. Son combat fut de témoigner pour eux, au milieu d’eux, pour nous faire savoir à nous, Occidentaux, à la fois si proches de vous et si mal informés, que vous aviez allumé, derrière le rideau de fer, la flamme de la colère ... »

Discours de Roger Thérond, Directeur Général de Paris Match, lors de la pose de la plaque du Souvenir,   Place de la République,   Budapest - Novembre 1990

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Publications

  Pedrazzini  «  Il était une fois l'URSS » avec Dominique Lapierre - Le fantastique raid auto mobile de deux jeunes couples français sur les routes interdites du pays des Soviets (livre sorti en 2005 à partir de leur voyage et des photos de Jean-Pierre Pedrazzini auquel l'auteur rend hommage)

    « Une passion foudroyée » (éditions Michalon), un livre publié en 2006 qui rassemble les lettres d'amour échangées entre le photographe et sa femme Annie Pedrazzini, depuis leur rencontre au printemps 1955 jusqu'à la mort de Jean-Pierre en novembre 1956.

    « Une passion hongroise », de Danièle Georget (Plon 2008)

 

Documentaire

« Pédra. Un reporter sans frontières », documentaire de Villy Hermann, Lugano, Imagofilm, 2006, 60 min.

Sur les traces de «Pédra», Villi Hermann a recueilli des témoignages touchants. Comme celui du journaliste italien Mario de Biasi qui travaillait à l'époque pour « Epoca », le pendant italien de Paris-Match, blessé aux côtés de Pedrazzini, ou encore celui de sa sœur Marie-Charlotte qui a raconté comment Jean-Pierre s'était lancé, en autodidacte, dans la photographie durant la Seconde Guerre mondiale à Davos.

PedrazziniDocumentaire réalisé par Villi Hermann. Projeté en avant-première à Chiasso, le film a retracé les derniers jours du photographe en Hongrie.

Film (long-métrage)

    « En liberté sur les routes d'URSS », film de Dominique Lapierre et Jean-Pierre Pedrazzini, commentaire d’Yvan Audouard, Société Nouvelle de Cinématographie, 1957, (1h11).

 

 

Mireille Tóth 

[1] (Aujourd’hui rebaptisée II János Pál pápa tér (place du pape Jean-Paul II)

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