La difficile voie du plein emploi

La difficile voie du plein emploi

Face aux miracles promis du capitalisme lorsque le système socialiste est tombé, la population hongroise a découvert que ce n’était certainement pas “gagné d’avance“. Depuis 1990, la Hongrie a transformé son économie, réformé ses institutions, elle est devenue membre de l’OCDE et de l’Union européenne. Mais la voie reste longue pour une frange exsangue de la population.

La croissance hongroise s’est bien portée, à l’instar d’autres économies en transition, durant les années 1990. Dynamisée par les investissements étrangers et les réformes politiques, la Hongrie a enregistré un taux de croissance de 4 à 5,5% par an entre 1990 et 1999. Mais le ralentissement de la croissance mondiale a également eu des conséquences sur les économies post-socialistes, avec pour résultat en Hongrie une baisse de 3 à 4% de la croissance. Ce n’est que depuis 2006 que la croissance est remontée au-dessus du seuil des 4%, chiffre honorable s’il s’agissait d’une économie développée, mais moins élevé que d’autres économies en transition.

Entre les turbulences de la croissance mondiale, les perturbations macroéconomiques révélées en 2006 et le report de l’entrée dans l’Eurozone, il ne faut pas oublier que l’impact réel, et d’ailleurs certainement le plus sensible politiquement, est celui de l’emploi. Comme le souligne l’étude de la situation économique de la Hongrie en 2007, menée par l’OCDE, le « faible taux d’emploi de la Hongrie reste un handicap structurel majeur pour parvenir à relever le niveau de vie. L’élargissement des coins fiscaux et la modération des dépenses découlant des mesures d’austérité entraînent un affaiblissement temporaire de la demande de main-d’œuvre. »


On peut toutefois s’attendre à ce que les mesures d’austérité mises en place par le gouvernement – et notamment vis-à-vis de la fonction publique – portent leurs fruits dans l’attraction des investissements et, par effet de balancier, que l’augmentation des investissements directs étrangers (IDE) améliore sensiblement l’offre sur le marché du travail.


Le gouvernement porté au pouvoir en 2006 a en effet prévu plusieurs mesures-phares destinées à réformer le secteur public en espérant ainsi booster le secteur privé et réduire le chômage : entre 10 et 20 000 fonctionnaires vont être écartés du service public, 20 000 postes d’enseignants ne seront plus à la charge de l’Etat, les salaires des fonctionnaires sont gelés pour 2007, ou encore le treizième mois et autres “bénéfices“ sont supprimés.

Alors que le nombre de chômeurs n’a cessé de baisser entre 1998 et 2001, il a augmenté régulièrement depuis, passant de 234 000 à 318 000. Certes la Hongrie a un taux de chômage qui reste nettement en dessous de l’UE 25 (pour 2004 et 2005), à 7,2% de la population active pour 8,7% dans l’espace communautaire. Mais comparé au voisin autrichien (5,1%) ou à la dynamique Irlande (4,3%), le score hongrois reste relativement mauvais.

En ce qui concerne les inégalités entre classes sociales face à l’emploi, le bilan est également mitigé. Si le taux d’emploi des femmes s’est stabilisé autour de 44% depuis 2002, le taux de chômage progresse lui de 5% en 2001 à 8% en septembre 2006, dépassant ainsi celui des hommes, passé de 6,3 à 7%.

Un autre plan de réforme devrait influer sur la situation de l’emploi : celui de la retraite. Les retraités partaient en effet à la retraite jusqu’en 1997 entre 55 et 60 ans. Mais le chômage touchant énormément les seniors dans l’ère immédiate post-socialiste, il aura fallu créer un plan de retraite anticipé afin de transférer les seniors sans emploi sous le régime de la retraite. Il est évident que cela a largement pesé sur l’économie, l’afflux de seniors à la retraite ou en situation d’invalidité, s’accompagnant naturellement d’une hausse des dépenses qui y étaient consacrées. Le mouvement inverse sera observé par la suite, par effet de balancier, c'est-à-dire le relèvement de l’âge du départ à la retraite, passant par exemple pour les femmes de 55 à 62 ans.

Cette question est enfin liée à une dernière : celle de la fiscalité. Si les réformes du programme de consolidation budgétaire quadriannuel mises en place par le gouvernement sont difficiles à supporter par la population, le taux déficitaire de 9,2% du PIB impose une rigueur économique. L’importance de l’économie grise dans le pays n’est par ailleurs pas sans effet sur la nécessité pour l’Etat de s’endetter pour assurer les financements nécessaires. Certains autres secteurs devraient donc se voir également réformés d’ici la fin de la mandature gouvernementale, comme par exemple les longs congés parentaux ou les aides aux jeunes parents non conditionnées à l’emploi de garde d’enfants.

Dans le creux de la vague en terme d’emploi, il est à espérer que la Hongrie jouisse bientôt des réformes qui pèsent sur sa population ; celle-ci pourra, alors, goûter les fruits de ses efforts.

Péter Kovacs

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