La culture au village

La culture au village

Cserszegtomaj

Expositions et présentation d’une colonie d’artistes à Cserszegtomaj

Une colonie d’artistes se réunit chaque année à Cserszegtomaj sur les collines proches du lac Balaton. Cette année, l’exposition d’ouverture a été consacrée à Marcelle Vallon Basilides en lui rendant un hommage émouvant à travers ses dernières aquarelles et son portrait sculpté par Bara Barnabás.

CserszegtomajSur l’invitation une œuvre emblématique de Marcelle Vallon Basilides : Sur le chemin – La traversée du désert biblique –recréé sous la forme d’une belle tapisserie de Livia Takács-Szencz une des fondatrices de la colonie d’artistes. Bel exemple de comment une artiste peut reprendre le flambeau – par ces temps où la culture même doit traverser le désert.

Dans leur magnifique jardin, le couple d’artistes Ferdinánd Takács et Livia Takács-Szencz ont invité une cinquantaine d’artistes : plasticiens, musiciens et poètes qui ont participé aux activités de MŰSZAK - Association artistique indépendante qui existe depuis 13 ans sous cette forme. Ils sont libres, ils vivent par leurs propres moyens. En réalité, ils avaient lancé la Fondation Cserszegtomaj il y a 33 ans, celle-ci, hélas a été dissoute par le nouveau maire élu en 2010. Les artistes n’ont pas baissé les bras : ils ont continué de se réunir - sous cette nouvelle forme - plus libre et pleine d’idées. On sent une effervescence créatrice - c’est un événement qui a séduit des artistes venant des quatre coins du monde, de Los Angeles et de New-York, de Singapour, d’Argentine, de toute l’Europe y compris de Suisse. Ferdinánd Takács avait des projets de grande envergure - un lieu, une galerie avec une exposition permanente et des expositions temporaires à partir des œuvres peintes et sculptées à Cserszegtomaj pour l’Association.

Après l’exposition rétrospective en souvenir de Marcelle Vallon Basilides en Suisse dans sa ferme natale, c’est à Cserszegtomaj que l’on a inauguré une nouvelle expo dédiée à son art, en adaptant le thème de la colonie de cette année : « Dans une nature fragile, une humanité fragile » – c’est en fonction de ce thème qu’une trentaine de ses toiles ont été choisies.

Cserszegtomaj

Quand j’aperçois ses toiles, alors viennent les souvenirs de nos rencontres lors de plusieurs de ses expositions en Hongrie. Le plus souvent c’étaient des œuvres croisées – des approches différentes et qui se complètent en pleine harmonie – de Marcelle et de Valentin, c’est-à-dire de Marcelle et Bálint Basilides, son mari, son compagnon durant ses années en Suisse, puis en Hongrie. Au-delà de ses expositions dans des musées et dans des galeries d’art, je me rappelle de ce moment de grâce dans la vie de la Maison de la presse, habillée en entier par leurs œuvres accrochées dans la salle des fêtes. Dès l’entrée, les aquarelles nous accueillaient et nous accompagnaient d’un étage à l’autre. Une exposition orchestrée avec beaucoup de goût – pour laquelle les artistes et l’ambassade de Suisse se sont investis. Notre journal a publié à plusieurs reprises des papiers, sur ce sujet cher aux amateurs d’arts comme à nos lecteurs francophones.    

C’est dans le plus grand quotidien hongrois de l’époque – Népszabadság - qu’Iván Bächer a écrit de Marcelle qu’elle „ peint de beaux paysages un peu flous, des peintures oniriques, des maisons bizarres qui émergent du vert, des paysages féeriques qui se cachent dans le brouillard, des objets de fantaisie, des escargots, des brins d’herbe un peu de tout selon ses envies du moment. »

Cserszegtomaj

Fin juillet, deux expositions ont été inaugurées autour des préoccupations environnementales des artistes : d’un côté la désertification, d’autre part la montée du niveau des mers. Sur la scène, la toile recréée en tapisserie : la traversée du désert par une colonne de femmes, à l’image de la fuite biblique d’Égypte. Hommage rendu à Marcelle Vallon Basilides également par Géza Cséby, poète, historien littéraire et grand amateur de l’art de Marcelle – retraçant sa vie, sa carrière depuis son enfance dans une ferme de Suisse romande jusqu’aux apprentissages et vagabondages à travers le monde, son installation en Transdanubie et sa disparition survenue en octobre dernier. Dans son discours d’inauguration il a évoqué tout l’œuvre de Marcelle. Cet univers bien à elle qui nous attire et avec lequel, paradoxalement, il faut savoir prendre ses distances. Il y a l’infini des perspectives, hauteurs et profondeurs présentées par l’ombre et les lumières.  Représentation de la nature et représentation du paysage urbain – on dirait des HLM envahies par la verdure – énigmatique.  Les maisons et les gens dépendants de la technique contemporaine – tout en escapade vers un monde onirique avec des couleurs très fortes, chaudes. Les pierres et la végétation vivent en harmonie. Son inspiration va du monde existant vers de nouveaux mondes fantastiques. Pourra- t-on réaliser ces nouveaux mondes un jour ? Dans l’art très certainement - en réalité cela dépend de chacun de nous – saurions-nous adopter ces nouveaux mondes sans retomber dans l’esprit éternel de belligérance ? Marcelle Vallon Basilides a essayé de nous aider et de nous en faire sortir...  a conclu Géza Cséby.

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Pour nous aider, il y avait les oiseaux qui volent vers la liberté – improvisés sur une toile par deux artistes de la colonie : Melinda Horváth et Livia Takács-Szencz :  – et d’une manière interactive, à l’unisson avec le public et accompagnés au tuba par les improvisations de Jens Christian Clausen – musicien danois installé en Hongrie – et par une multitude d’oiseaux peints, y compris l’oiseau bleu et l’oiseau de feu volant vers la liberté.

C’était en prélude à un récital littéraire où l’oiseau bleu évoquait le retour dans le poème de Bálint Basilides.  La présentation de l’anthologie poétique de Antal Robert Nagy a été très bien accueillie comme tous les protagonistes de la soirée poétique. Peintres et sculpteurs participants à la colonie de vacances de l’été 2023 ont reçu également un accueil chaleureux.

CserszegtomajChaque poème lu était présenté avec une illustration originale de Livia Takács-Szencz

Voici deux exemples emblématiques du récital. Je citerai un extrait du poème de Géza Cséby où il parle de grenouilles en pensant aux êtres humains et au destin de l’humanité : 

« Elles sont si fières,/ car elles croient/ qu’elles sont l’alpha/ et l’oméga,/ le passé, le présent/ et l’avenir leur appartiennent./ S’envoler donc dans l’infini,/ sig itur ad astra /parmi les étoiles. »

Géza Cséby, (écrivain hongrois et consul honoraire polonais) remonte aux meilleures traditions de la poésie hongroise, jusqu’à János Arany et Attila József pour exprimer son désir de changement.

Et puis nous sommes repartis aux sons de cette très belle « Sérénade de fin d’été » de István Péter Németh, nostalgique et profondément humaine évoquant la figure de sa maman et les sons d’antan d’un vieux piano Bösendorfer, avec nostalgie, depuis le lac Balaton vers les côtes du sud de l’Italie et leur musique. 

Éva Vámos

https://cserszegtomaj.hu/hu/esemenyek/2023/7799-xiii-muszak-muveszek-szabad-alkoto-kozossege-cserszegtomajon

Voici tout le poème adapté en français par Bálint Basilides :

Cserszegtomaj 

 

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