Grèves à la hongroise

Grèves à la hongroise

 

Les Hongrois font rarement grève et les syndicats sont faibles en Hongrie. Bien que les salariés du MÁV et les professeurs aient été en grève plusieurs fois depuis le changement de régime, la plus mémorable reste la grève des taxis de 1990.

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Après l’arrêt du travail des conducteurs de locomotive, deux heures durant le 25 octobre dernier, les salariés du MÁV se sont de nouveau mis en grève le 7 novembre à cause de l’abandon des lignes de chemin de fer secondaires. Les trains ont alors de nouveau été arrêtés pendant deux heures, de 6 à 8 heures du matin. Si les grèves sont considérées comme efficaces par les syndicats et inutiles par le ministère de l’économie et des transports, personne ne voit encore quels seront les résultats de ces grèves, désormais de plus en plus fréquentes.

Si les conducteurs de locomotive ont fait grève deux fois en quinze jours, en général «les salariés hongrois font grève plus rarement que ceux des autres pays européens», peut-on lire dans l’étude réalisée à ce sujet par la Fondation Hans Böckler, proche des syndicats allemands. Outre les Hongrois, les Allemands, les Néerlandais, les Polonais et les Suisses sont parmi les salariés se mettant le plus rarement en grève en Europe.

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Selon l’opinion des experts, il y a peu de grèves en Hongrie, parce que, d’une part, les Hongrois n’ont pas «la culture de faire grève », d’autre part, les syndicats y sont faibles, car très peu de salariés sont prêts à adhérer à un syndicat : il n’y a aujourd’hui en Hongrie que 550 000 syndicalistes et, selon les statistiques, dix grèves par an en moyenne. De plus, il est difficile de mobiliser les gens autour d’une grève : c’est pour la dernière fois en 2001 que le nombre de grévistes avait dépassé les 20 000 personnes. «En Hongrie, il n’y pas de grande solidarité et en général les gens ne font pas grève parce que la plupart des salariés ont peur pour leur emploi», souligne Péter Pataky, le président de la MSZOSZ, la plus grande fédération syndicale du pays.

Ce n’est donc pas étonnant que la première manifestation de masse de l'ère démocratique, la grève des taxis de 1990, n’ait pas été organisée par les syndicats. Dans ce cas, il ne s’agissait pas d’un arrêt du travail traditionnel, mais d’un blocus du pays. En effet, pour protester contre l'augmentation du prix du carburant (de 65% !), les chauffeurs de taxi avaient bloqué les ponts de Budapest et les voies d'accès des grandes villes pendant trois jours. C'était un événement particulier à double titre : pour la première fois une grève s'était généralisée dans tout le pays; de plus, elle avait été largement médiatisée et les gens avaient en général éprouvé une certaine sympathie pour les chauffeurs de taxi.

Depuis la grève des taxis, aucune grève n’a pris une telle ampleur et connu un tel succès, et, ce, bien que les professeurs (en décembre 2006 par exemple) et les salariés du MÁV aient souvent fait grève ces dernières années. Ces derniers ont à plusieurs reprises entamé des actions pour obtenir une augmentation de salaire. Le plus long arrêt de travail (329 heures!) a été observé en 2000, du 1er au 14 février. Durant cette grève, les trains internationaux, les Intercity, ne fonctionnaient pas et seulement deux trains rapides partaient par jour.

Depuis plusieurs mois, différents syndicats protestent en permanence contre les réformes du gouvernement (le «paquet de Gyurcsány»), mais la question de la grève n’a occupé le centre de l’attention qu’en août 2007 après que les salariés du BKV eurent annoncé leur arrêt de travail pour le 4 septembre. Les Budapestois ont craint que la grève ne paralyse les transports de la capitale mais, après de nombreuses menaces et insultes, le patronat et les salariés ont enfin réussi à s’entendre sur l’augmentation des salaires réclamée (6000 forints cette année, 7100 l’année prochaine). Bref, la grève n’a pas eu lieu.

On dit que l’influence des syndicats hongrois est plus grande que leur force. C’est-à-dire que les leaders des organisations syndicales ont de bonnes relations politiques et une certaine influence, bien que les syndicats comptent trop peu de membres pour pouvoir mobiliser en vue d’une grève.

Szabolcs Dull

Une brève présentation des organisations syndicales de la Hongrie post-communiste s’impose pour mieux comprendre la situation actuelle des syndicats.

L'actuelle structure du secteur syndical hongrois a émergé au cours de l'été 1990. Le taux de syndicalisation de la population active est passé de 90% dans les années 80 à 30% environ au début des années 90. Après le changement de régime, le mouvement syndical est devenu pluraliste : trois grands groupes syndicaux peuvent être distingués.

- La Fédération Nationale des Syndicats Hongrois (MSZOSZ) a hérité seulement d'une petite partie de la base de la Fédération Nationale des Syndicats (SZOT), mais a conservé son infrastructure, ses biens, et toute son équipe de dirigeants et de bureaucrates, avec à sa tête, Sándor Nagy. La MSZOSZ s'est alliée au Parti socialiste hongrois (MSzP), puis Sándor Nagy est devenu le dirigeant de la fraction socialiste au Parlement.

- Un deuxième groupe rassemble les «satellites» de SZOT qui n’ont pas voulu adhérer à la MSZOSZ : le Rassemblement des Syndicats des Intellectuels Ouvriers (ÉSZT), La Confédération des Syndicats Autonomes et le Forum de Réconciliation des Syndicats (SZEF).

- Un troisième groupe est constitué de trois nouveaux syndicats issus du processus de transformation du pays: la Ligue Démocratique des Syndicats Indépendants (LIGA), l'Alliance de Solidarité des Travailleurs, et le Conseil des Travailleurs.

Il y a de grandes différences entre ces groupes et organisations dans leurs stratégies, leurs intérêts, et surtout leurs orientations politiques.

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