Tournoi de fléchettes – le Français Thibault Tricole chamboule nos plans et nos cœurs
Le JFB a assisté ce week-end au Hungarian Darts Trophy, la 12 ème étape de la saison du PDC European Tour qui s'est tenue du 19 au 21 septembre 2025. Soixante-quatre joueurs se sont affrontés devant les six mille spectateurs du MVM Dome de Budapest. Parmi les nombreuses stars de la discipline, le Breton Thibault Tricole a fait le show en créant l’une des plus grandes surprises du week-end. Immersion dans l’une des plus belles ambiances sportives de l’année en Hongrie.
En arrivant dans l’arène ce vendredi, le JFB avait prévu de rédiger un retour d’expérience et un guide pratique, comme nous aimons tant le faire. Mais le français Thibault Tricole en a décidé autrement dès le premier jour de la compétition. Nous avons été happés par les exploits du joueur tricolore et par l’ambiance unique de l’événement.
Une salle surchauffée

À notre entrée dans la salle, nous découvrons l’une des originalités de ce sport : les spectateurs ne sont pas assis sur des chaises ou dans des gradins comme dans les autres compétitions sportives, mais installés sur de longs bancs alignés autour de tables en bois. Cette disposition confère à l’événement une atmosphère proche de celle d’une fête de village ; où l’on vient certes pour le sport, mais aussi et avant tout pour partager un moment convivial entre amis, en famille ou avec des inconnus rencontrés sur place. Une ambiance particulière, authentique, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs, favorise le partage des émotions ressenties pendant toute la durée de l’évènement.
Autre aspect incontournable de ce sport : les costumes des spectateurs ! Tout le monde ou presque porte soit le t-shirt bariolé de son joueur préféré, soit un déguisement. De ce mélange de style résulte ainsi des scènes insolites. On croise alors Obélix, meneur de clapping et de chants toute la journée, pendant qu’un couple déguisé en aubergines est interviewé par la télévision hongroise, ou plus tard encore, on aperçoit un homme costumé en dauphin qui lance une chenille qui s’étendra sur plusieurs centaines de mètres. La fête est omniprésente visuellement que l’on soit assis sur notre banc ou debout au cœur d’une chenille endiablée, l'ambiance nous fait vibrer au rythme des matchs qui s’enchaînent rapidement les uns après les autres.

Nos oreilles non plus ne sont pas en reste puisque tout le week-end, les chants s’enchaînent sans interruption. Les stars comme Aspinall ou Peter Wright ont toutes leur hymne personnel, mais les spectateurs se lancent également dans des intermèdes musicaux durant les parties en reprenant en cœur Elton John, I’m a Survivor ou encore Hey Jude des Beatles. Un son rythme les respirations de la salle, celui des fléchettes atteignant la cible. Tout le monde attend de voir avec impatience quel nouvel exploit va être réalisé par le joueur.
Du côté de notre palais, rien n’est laissé au hasard : des dizaines de bars permettent aux spectateurs de se ravitailler tant bien en boisson qu’en nourriture avec un large choix et sans attente. On retrouve d’ailleurs tout près de ces derniers, différentes boutiques où l’on peut se procurer les t-shirts ou les fléchettes des joueurs, ainsi que des portes clefs ou des chapeaux hauts extravagants. Enfin, une zone d’activité propose aux spectateurs de s’entraîner aux fléchettes, de prendre une photo avec une reproduction grandeur nature de certains joueurs ou même de tenter sa chance à divers jeux pour remporter des lots variés.
Un sport à part
Un public particulier pour un sport particulier. Les fléchettes ne ressemblent à aucun autre sport professionnel, que ce soit en termes d’ambiance ou d’organisation. Dimanche, six mille personnes s’étaient réunies dans une salle destinée plus usuellement à accueillir des matchs de hockey pour assister à un sport qui se joue sur une zone plus petite qu’une table de ping-pong.
Au « darts », deux chiffres règnent en maître : le 501 et le 180.
- 501 : c’est le score de départ. Chaque joueur doit réduire ce total à zéro le plus rapidement possible pour gagner la manche.
- 180 : c’est le maximum qu’un joueur peut marquer en trois fléchettes (trois fois le triple 20).
La relation public - joueurs est elle aussi unique. Les joueurs entrent sur scène comme des rockstars entourées de deux garde du corps, au son de la musique de leur choix. Après avoir signé quelques autographes, certains apparaissent sur la scène concentrée, pendant que d’autres chantent la fin de leur morceau avec le public. Pendant le match, la salle réagit à chaque instant aux 180 bien sûr (en brandissant une petite pancarte), mais aussi aux déceptions liées à une mauvaise fléchette ou à une défaite prématurée. Cette interaction constante offre des moments de communion exceptionnels entre joueurs et spectateurs.
Un irréductible Gaulois en Hongrie

Mais ce que le JFB retiendra surtout de ce tournoi, c’est la prestation dantesque de Thibault Tricole. À 35 ans, ce Breton est le meilleur joueur français de fléchettes actuel, mais surtout le seul français à évoluer sur le circuit professionnel de la PDC. Classé 64e mondial avant le tournoi, il devait absolument marquer des points pour rester dans l’élite et garder son statut de joueur professionnel.
Et sous cette pression insoutenable, Thibault a prouvé qu’il savait briller. Vendredi, en qualifications, il s’impose 6-5 face au Néerlandais Wattimena dans un match qui lui permet d’accéder au second tour. Mais le véritable Everest l'attendait samedi en 16e de finale contre Stephen Bunting, 4e joueur mondial. Le match commence mal puisque Thibault est mené 5-2, la mission semble impossible et pourtant l’espoir subsiste. Profitant des nombreuses fléchettes de match manquées par son adversaire, Tricole va alors égaliser à 5-5 et redonner de l’espoir aux français.
Dans une atmosphère irrespirable pour les supporters venus en nombre, Thibault va décrocher une victoire aussi folle qu’inattendue, que lui-même semble avoir du mal à réaliser.
La trentaine de supporters français qui avaient fait le déplacement ont pu vibrer durant ce match fou, vêtus de marinière et de béret. Leur chant « Thibault Tricole ! » résonnait dans la salle de Budapest aussi surprise par la victoire du joueur français que par le bruit de ses quelques supporters accompagnés de drapeaux bleu-blanc-rouge. Portés par cette ferveur, nous avons perdu un peu de notre neutralité journalistique durant ce match, jusqu’à entonner une Marseillaise collective, qui sera d’ailleurs diffusée sur M6 dans un reportage consacré à Thibault Tricole et à l’intérêt montant des français pour ce sport.
Dimanche, Tricole finira par s’incliner 6-3 face à Rock, 10e joueur mondial. Mais son parcours restera un point majeur d’un week-end riche en surprises, où tous les favoris sont tombés un à un et qui a vu Niko Springer, 70e mondial, s’imposer au bout du suspense.
Le JFB ne peut que vous conseiller de vivre cette expérience unique en son genre l’an prochain. Vivre ce tournoi c’est comme prendre une bouffée d’air frais avec un sport inclusif et bienveillant, une convivialité sans pareil et des innombrables souvenirs. Mais attention : n’oubliez pas votre déguisement !
Mathilde Pinier & Paul Rabeisen