Les fonds de pension «privés» d’existence

Les fonds de pension «privés» d’existence

La loi sur les retraites a bouleversé récemment le système de retraite hongrois. Julianna Baba, présidente de l’association Stabilitas, qui regroupe les fonds de pension privés, nous donne son avis sur ces changements et leur impact.

 

JFB: Pouvez-vous évoquer l’histoire des fonds de pension dans le pays ? Pourquoi et par qui ont-ils été créés ? 

Julianna Baba: Les fonds de pension privés ont été lancés en 1997 en Hongrie. Leur création s‘est faite sur recommandation de la Banque Mondiale, pour de multiples raisons liées à l’évolution de la société hongroise après la chute du communisme, la baisse constante des naissances, aux besoins des nouvelles générations. Ce problème des retraites n’est d’ailleurs pas spécifique à la Hongrie, mais touche la grande majorité des pays de l’UE.

La Hongrie s’est inspirée du modèle chilien dont le système de retraite est basé sur la diversification des risques. C’est pourquoi 3 piliers ont été constitués : le 1er pilier regroupe le système de retraite par répartition de la sécurité sociale, le 2ème pilier est un régime obligatoire de retraite par capitalisation pour les salariés, le 3ème pilier est une couverture complémentaire individuelle facultative, par capitalisation, à laquelle l’employeur peut décider de contribuer. Le 3 ème pilier est aujourd’hui très peu développé.

Les contributions obligatoires payées par les employeurs et employés sont réparties entre les deux premiers piliers : la contribution des employeurs représente 24% et celle des employés 9,5%.

L’Etat doit payer 70% des retraites. Les 30% restant sont financés par le 2nd pilier. Les fonds de pension privés, facultatifs, ont été conçus pour compléter les pensions d’Etat. Les cotisations au régime de retraites privées sont d’ailleurs encouragées par des avantages fiscaux depuis la fin des années 90. Au moment où le gouvernement a décidé de mettre fin au deuxième pilier, environ 3 millions de personnes avaient de l’argent dans les fonds privés.

JFB: Quel est l’impact de la loi sur les fonds de pension ? sur les citoyens et salariés des fonds de pension ?

J.B.: La loi demande aux membres des fonds de transférer leurs avoirs dans les caisses de l’Etat, sous peine de perdre leurs droits à la retraite par répartition. Il a voulu ainsi trouver une solution à très court terme pour couvrir le déficit budgétaire des Administrations. Il récupère ainsi 13 années de cotisation de tous les salariés, soit près de 3000 milliards de forints (11milliards d’euros), qui vont réduire le déficit budgétaire et la dette publique et payer le régime public de retraites (en déficit).

La modification du système de retraite va rendre le financement des retraites très difficile rapidement, tandis que les gains à court terme tels que la réduction de la dette publique et du déficit seront illusoires, si l’économie reste faible. En effet, dans les prochaines années de plus en plus de personnes vont partir en retraite et il y aura de moins en moins d’actifs pour financer le système de retraite. De fait, les futures retraites sont compromises.

Aujourd’hui la suppression du 2ème pilier prive les hongrois de toute garantie sur leur niveau de retraite à l’avenir.

Concernant la situation des salariés de ces caisses privées, force est de constater que sur les 18 fonds de pension existant en Hongrie, 6 à 8 d’entre eux seulement pourront être maintenus. Les répercussions sur l’emploi se font naturellement sentir : 2000 employés sont touchés directement et 10 000 indirectement.

Enfin, sur la totalité des membres des fonds de pension privés, environ 100 000 ont fait le choix de rester dans ces fonds. Globalement ce sont des personnes d’âge moyen, avec un niveau de cotisation important.

JFB: Des recours ont été introduits contre le transfert forcé des membres des fonds vers le régime public. Auprès de qui ? Que peut on espérer ?

J.B. : Un recours a en effet été engagé par notre association auprès du Conseil Constitutionnel visant à annuler la loi pour motif d’inconstitutionnalité. La décision de cette instance devrait être rendue publique fin avril.

Les motifs évoqués dans ce recours se fondent sur la contradiction de la loi avec pratiquement tous les paragraphes de la Constitution, ainsi qu'avec les valeurs fondamentales de l'Union européenne : interdiction d’établir des discriminations, assurer la protection sociale des individus et celle de la propriété ainsi que la dignité humaine.

Les membres des fonds de pension n’ont pas eu d’autre choix que le transfert de leur épargne vers le système de retraite publique. Rester dans un fonds de pension privé signifie en effet de perdre leurs acquis dans le régime de retraite public, et continuer paradoxalement à payer des cotisations pour ce même régime. Par ailleurs, pour rester dans les caisses privées, il faut que les citoyens fassent une déclaration auprès d’un des 33 bureaux affectés à cet effet dans le pays. Autant dire que la complexité de ces démarches favorise le départ implicite des membres des fonds privés.

Nous souhaitons vraiment, si la cour constitutionnelle annule cette loi, qu’une nouvelle loi soit élaborée, que le gouvernement relance le débat sur les retraites, de manière plus juste et en laissant un choix plus large aux cotisants.

JFB: Que conseillez-vous aux membres des fonds de pension ?

J.B. : Si le conseil constitutionnel décide que la loi est conforme à la constitution, je conseille aux citoyens qui se sentent lésés dans leurs droits à la retraite de saisir la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg.

Pour l’instant, nous restons confiant dans la décision prochaine du conseil constitutionnel. Les jeux ne sont pas encore faits !

Gwenaëlle Thomas

 

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