Reprise en mains!

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21,2% de MOL rachetés par la Hongrie

 

La Hongrie a récupéré la part de 21,2% de la société pétrolière et gazière MOL, détenue depuis 2009 par le russe Surgutneftegas, pour 1,88 milliard d’euros, a annoncé mardi 24 mai le gouvernement.

"Ce mardi, la Hongrie a récupéré de la Russie sa part de 21,2% dans MOL", a annoncé le Premier ministre Viktor Orbán devant des journalistes à Budapest. "Cette transaction est plus qu'un achat, c'est un accord qui a été couronné de succès après une série de négociations qui a duré un an", a ajouté M. Orbán. "Nous avons réussi à mettre en sécurité une de nos compagnies d'importance stratégique", a-t-il souligné, alors que l'Etat hongrois est désormais l'actionnaire le plus important de la société.

"La transaction a coûté 1,88 milliard d'euros et aura encore besoin de l'accord du parlement", a indiqué le ministre du Développement national, Tamás Fellegi, à la presse mardi, ajoutant que le gouvernement soutenait "la stratégie comme la direction" de MOL. Afin d’éviter toute forme de perturbation boursière, le titre MOL a été suspendu le jour de l’annonce. Il faut dire que cette part fait l’objet de beaucoup de négociations depuis au moins cinq ans. Détenue par le pétrolier autrichien OMV jusqu’en mars 2009, puis cédée à Surgutneftegas pour 1,4 milliard d’euros, cette part du capital social de MOL est aujourd’hui entre les mains de l’Etat hongrois.

Cette initiative s’inscrit dans la volonté de l’actuel gouvernement hongrois de privilégier l’Etat pour la gestion de ce qui est considéré comme le fleuron de l’économie nationale. Déjà, à l’automne dernier des pourparlers avaient été engagés avec plusieurs investisseurs concernant la capitalisation de MOL. Au cours de ceux-ci, M. Tamás Fellegi avait indiqué que la ligne du gouvernement était claire : il ne veut pas voir de gros intérêts dans une société hongroise d’une importance stratégique dans des mains étrangères. A ce moment précis, le ministre avait fait savoir qu’il serait avantageux que l’Etat puisse augmenter sa participation dans le capital de MOL. C’est donc chose faite. Il est vrai que ces dernieres années, les intérêts russes ayant pris de l’importance dans la société MOL, la question de la diversification de l’apport énergétique à la Hongrie, notamment en gaz, se posait de plus en plus. En effet, MOL est partisane du projet Nabucco et actionnaire de Nabucco Gas Pipeline International GmbH, société dirigeant le projet alternatif à l’approvisionnement quasi-exclusif de la Hongrie en gaz russe. Deux aspects sont à noter dans cette entreprise du gouvernement. Le premier est celui qui consiste à vouloir se détacher de l’autorité d’une puissance étrangère sur des questions qui concernent ce que la nouvelle Loi fondamentale appelle «les membres de la nation hongroise». Le deuxième est l’aspiration du gouvernement à plus d’indépendance énergétique. Pour se conformer à ces deux aspects, le gouvernement ne pouvait que s’en prendre aux détenteurs russes d’une part de MOL, étant donné que la Russie est la principale cause de l’immense dépendance énergétique dont souffre la Hongrie. Lorsqu’on connait les accointances entre les gaziers et certains investisseurs russes et le pouvoir politique russe, il est sûr que le rachat de cette part par l’Etat hongrois participe bien d’une recherche de davantage d’indépendance en matière énergétique. Il s’agit de la même politique que celle de prolifération nucléaire que le gouvernement hongrois a décidé récemment de mener. Toutefois, si cette initiative permettra à terme peut-être de réduire la dépendance vis-à-vis de Moscou, elle ne fera qu’augmenter la dépendance envers une autre puissance, notamment celles à la tête du projet Nabucco. Plus qu’un pas vers l’indépendance énergétique, cet événement marque une diversification de la dépendance.

L’opposition politique oppose quant à elle principalement deux griefs au gouvernement. Le premier concerne le prix de rachat de la part qui serait 40% plus élevé que celui de mars 2009, selon le député MSZP Szanyi Tibor. Il y aurait là un aspect douteux dans la transaction. Les russes auraient-ils fait excessivement pression sur le gouvernement hongrois ? Le gouvernement hongrois se serait-il conduit de manière trop timorée dans les négiociations ? Ces questions sont légitimes, étant donné l’importance qu’accorde les investisseurs russes à la capitalisation des gaziers d’Europe centrale et donc leur réticence à céder un part du capital d’un gazier. Deuxièmement, comment se fait-il que le gouvernemet hongrois soit à ce point en mesure de dépenser cette somme lorsque des tirades sur la rigueur à mener sont entonnées chaque jour ? Le prêt accordé par le FMI à la Hongrie a-t-il permis cette dépense ?

Yann Caspar

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