François Desagnat : « Plus on va loin, mieux le film est reçu »

François Desagnat : « Plus on va loin, mieux le film est reçu »

Honoré par le Prix Spécial du Jury au Festival de l’Alpes d’Huez en 2016, le réalisateur François Desagnat était invité pour présenter l’avant-première d’Adopte un veuf à la 7e édition des Journées du Film Francophone, du 1er au 10 mars au cinéma Urania. Cette comédie présente une rencontre entre un homme âgé et solitaire depuis qu’il a perdu sa femme, et une étudiante pétillante qui vient bousculer son quotidien en transformant son domicile en une colocation bien animée. Alors que le film est projeté à partir de ce jeudi devant le public hongrois, son réalisateur a partagé son expérience et son avis sur le cinéma français.

Le Journal Francophone de Budapest : Que pensez-vous de l’idée de promouvoir le cinéma français à l’étranger (grâce à l’Institut français de Budapest par exemple) ?

François Desagnat : Je trouve que c’est une idée formidable, c’est une chance incroyable d’avoir ce genre d’événements à travers le monde grâce aux alliances et instituts français, notamment en partenariat avec Unifrance. Aussi, c’est l’occasion de rencontrer un nouveau public dans les salles. Maintenant à l’heure du numérique, tout le monde a accès aux films (légalement ou pas, d’ailleurs). Mais aller voir les films au cinéma est une expérience unique, et avoir la possibilité pour nous d’aller à la rencontre d’autres publics dans d’autres salles est une manière de savoir si notre film est à la fois universel ou au contraire offre une autre lecture aux gens qui le voient. En tout cas c’est un grand plaisir et nous sommes très chanceux de participer à ce genre d’événements.

JFB : Adopte un veuf débarque ce jeudi dans les salles hongroises. Comment appréhendez-vous la réaction du public magyar ?

F.D. : Je l’appréhende comme n’importe quelle réception du public. Par exemple, la première fois que j’ai montré le film à un public, c’était juste après l’avoir complètement terminé à des exploitants de salles françaises et je ne savais pas du tout comment les gens allaient réagir. Je dois avouer que j’étais complètement sonné de voir à quel point ça marchait bien, d’entendre les rires. J’ai la sensation que plus on va loin, mieux le film est reçu. C’est assez curieux, mais je n’attends pas grand-chose et en même temps beaucoup. Je suis juste heureux que ce soit possible de le montrer, et si le public est ravi je le suis aussi.

JFB : Pour évoquer les rires et la comédie, pensez-vous que la comédie française, qui est un genre très spécifique, peut traverser les frontières ?

F.D. : Je sais que beaucoup de gens disent que ce n’est pas possible et que c’est assez rare que cela plaise au public étranger. Pourtant dans ce film on retrouve des sujets qui sont assez universels, qui j’imagine peuvent plaire. C’est sûr que ce qui tient au rire se trouve beaucoup dans la rythmique, le langage, et peut-être que l’on perds parfois en subtilités avec la traduction. Mais j’ai l’impression que c’est en train d’évoluer.

JFB : Revenons-en à l’origine du film : comment vous est venue cette idée de faire vivre en colocation un vieil homme et trois jeunes ?

F.D. : L’idée vient d’un des producteurs, qui à force de voir des annonces sur Facebook évoluer de « je cherche un logement » à« je cherche une colocation » s’est dit qu’il y avait un sujet à traiter. Mais il s’est vite rendu compte que le sujet d’une colocation entre étudiants était assez classique. Il a donc cherché une manière originale de traiter le sujet. Et puis lui est venue l’idée de mettre un sénior avec des jeunes, et très vite l’envie de voir André Dussolier l’incarner est arrivée. Pour le choix de Bérengère Krief, c’est en passant devant une colonne Morris et en voyant l’affiche de son spectacle que les producteurs se sont dits qu’elle serait super également.

JFB : Elle est en effet très énergique et pétillante !

F.D. : Surtout l’idée d’associer André, qui est un comédien installé et très charismatique avec la grande carrière qu’on lui connaît, et Bérengère qui est une jeune comédienne avec un one woman show mais qui n’avait encore rien fait au cinéma, est un peu une mise en abyme de ce que l’on raconte dans le film. On a donc ce personnage qui débarque en déboulant, et résume un peu leur rencontre.

JFB : A l’écran l’on perçoit une vraie complicité entre les acteurs. Comment était l’ambiance sur le tournage ?

F.D. : Les trois jeunes comédiens étaient à la fois excités et anxieux de travailler avec André Dussolier, c’est une chance incroyable et ils en étaient conscients. Ils avaient donc envie de travailler à fond et d’être à la hauteur face à un tel comédien. André, lui, avait bien envie de rester jeune et de se frotter à la jeune génération, et voulait à tout prix avoir leur énergie et être aussi drôle qu’eux. Il y a donc une émulation qui s’est créée entre eux de manière très naturelle et a apporté l’énergie et la bonne humeur nécessaire pour le tournage. Et puis de façon plus pragmatique nous avons fait une semaine de répétition ensemble, ce qui nous a permis de créer un effet de troupe. On se posait autour d’une table avec le scénario et on répétait des scènes, on inventait, on trouvait de nouvelles vannes. Un acteur comme Arnaud Dupré, c’est une mine d’or, il ne s’arrête jamais et trouve des blagues pour tout le monde ! Tout le monde était tellement impliqué, était tellement dans le film, dans les personnages, dans l’histoire, que chacun trouvait des idées pour les uns et les autres. En arrivant sur le plateau tout le monde se connaissait déjà et s’appréciait, et je pense que c’est cet ensemble qui a créé cette osmose et cette énergie.

JFB : Dans les scènes qui nous ont bien plu, il y en a une qui se passe dans un vivarium avec des reptiles et des insectes. Il n’y a aucun trucages ?

F.D. : C’est vrai qu’on en a rajouté en petit peu en post production, mais ils étaient bien réels et les filles étaient totalement terrorisées, elles n’ont pas joué la peur une seule seconde tant elles étaient dedans. C’était un peu compliqué à tourner car on l’a fait en une seule nuit, dans cet endroit qui est ouvert la journée au public donc il fallait faire vite. En plus le tournage se déroulait en plein été, il fallait faire avec la canicule parisienne dans ce lieu déjà très chaud. Tourner avec des animaux aussi est assez imprévisible, on a eu beaucoup de chance avec la mygale qui s’est révélée être une excellente comédienne, elle était parfaite et faisait tout ce qu’on lui disait ! L’équipe du vivarium a été très présente et nous a bien assisté (ce sont eux qui fournissent les animaux pour Fort Boyard notamment). On a donc tourné avec des serpents et des mygales, mais le plus compliqué était cet envol de criquets qui attaquent les comédiens. Pour l’anecdote, à la première prise, Bérengère a fait tomber la boîte pour libérer les criquets, mais ceux-ci ne sont pas sortis ! Il fallait exciter les criquets pour qu’ils s’envolent, et ensuite nous nous sommes amusés aussi à les récupérer aux quatre coins de la pièce pour faire une nouvelle prise.

JFB : Avez-vous eu l’occasion de présenter le film dans d’autres pays ?

F. D. : Oui, le film est sorti début décembre à Berlin, et avec l’équipe nous sommes allés le présenter dans une programmation de films français. Mais j’étais un peu frustré car il n’y avait pas de promo, pas de journalistes ni de rencontres. C’est plus agréable de pouvoir rencontrer les gens, de sentir un accueil plus bienveillant et sympathique, comme ici. Mais le film a plutôt bien marché en Allemagne. Il est aussi sorti au Canada, au Portugal, mais nous n’avons pas eu l’occasion d’y aller. Je vais aussi aller à un festival de films aux États-Unis, mais il n’y a pas de sortie prévue.

JFB : Un nouveau projet en vue, par contre ?

F. D. : Si tout va bien – et a priori tout va bien-, je vais commencer au mois de novembre à tourner une nouvelle comédie avec Kad Merad. Il s’agit d’une comédie familiale, à l’origine issue d’un scénario américain qui n’a pas pu se tourner là-bas donc on a racheté le projet et on l’a adapté, un peu dans la veine de Mon beau-père et moi ou Crazy Stupid love. Ce sera une comédie inter-générationnelle, l’histoire d’un père et ses trois filles, donc assez différent d’Adopte un veuf mais toujours pour essayer de trouver le juste équilibre entre le rire et l’émotion.

Un deuxième volet du film est en préparation. En attendant, le Journal Francophone de Budapest vous recommande d’aller voir Adopte un veuf dans les salles hongroises à partir du 16 mars 2017 pour passer un bon moment en compagnie d’André Dussolier, Bérengère Krief, Arnaud Ducret et Julia Piaton, présente également à Budapest pour le festival.

Propos recueillis par Eloïse Brugallé, Théo Cazedebat et Julie Gaubert

 

Photo 1: Crédits photo Francia Intézet/Institut Français de Budapest

 

 

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