Gábor Király : „Je suis goal, pas top-model”

Gábor Király : „Je suis goal, pas top-model”

Maintenant ou jamais ! Jeudi et dimanche, la Hongrie défie la Norvège dans l’espoir de décrocher l’un des derniers tickets pour le championnat d’Europe des Nations 2016 de foot en France. Titulaire régulier en sélection depuis 1998 malgré quelques turbulences, adoubé à Berlin, adoré à Londres et porteur d’un éternel jogging dans un job où le short règne en maître, Gábor Király s’exprime…en jean.

 

JFB : Le foot, chez les Király, c’est presque une dynastie…

Gábor Király : Oh oui ! (rires). Mon père Ferenc était milieu au Haladás FC, mon club de coeur (celui de Szombathely, ville de Gábor, ndlr), où il a joué de 70 à 84 et fini libéro. Il m’emmenait aux entraînements à la sortie de l’école. J’allais à tous ses matchs. Et Mátyás, mon fils, veut suivre la même trajectoire que moi. Il a commencé à trois ans et demi et porte une tenue strictement identique à la mienne. Il a envie d’être gardien pro, comme son papa. Je lui ai dit que ce n’était pas un monde facile mais il est hyper motivé.

JFB : Tu t’es toi aussi mis au ballon rond très jeune…

G. K. : J’ai débuté à 5 ans, ce qui est assez jeune, tu as raison. Je voulais déjà être dans les cages. La première saison, on m’a mis attaquant car mon entraîneur pensait que j’étais trop petit pour le poste. Mon tout premier coach s’appelait Zoltán Szarka, un ancien gardien de but qui a remporté le titre olympique en 1968 à Mexico avec la sélection hongroise. Il m’a appris les automatismes : relance rapide, plongeon, contre-attaque. Quand j’étais pré-ado, je pratiquais environ 2 à 3 fois par semaine.

JFB : Toutes tes idoles étaient dans les buts ?

G. K. : La plupart d’entre elles ! J’admirais la niaque, la rage de Peter Schemichel à Manchester United et en équipe nationale danoise. La folie du Colombien René Higuita, qui dribblait hors de sa surface. L’agilité du soviétique Lev Yachine (surnommé l’araignée noire, ndlr) et du néerlandais Hans Van Breukelen. La longévité de l’Italien Dino Zoff, qui parvient à rafler le Mundial 1982 en Espagne à 42 piges. La solidité des Argentins Nery Pumpido et Sergio Goycochea. Ou l’impact du Français Joël Bats.

JFB : Tu joues en jogging alors que tes „collègues” ont adopté le short. Pourquoi ce choix ?

G. K. : C’est essentiellement une question de confort. Tu sais, j’ai fait mes gammes sur des terrains en terre battue ou avec du gazon gelé en hiver. Le genre qui fait super mal aux jambes quand tu tombes. Enfiler un jogging m’a paru évident. Je prends toujours une taille au-dessus histoire de faciliter les mouvements. J’ai essayé le short au Haladás ou lors de mes aventures allemandes ou britanniques, mais ça ne me convenait pas. Je suis goal, pas top-model. Le résultat final compte plus que ton look.

JFB : J’ai cru comprendre qu’il y avait une histoire de machine à laver derrière.

G. K. : Oui, c’est ça ! (rires). Il y avait deux tenues disponibles au Haladás : une noire, une grise. La noire étant au sale, je choisis l’autre et on sauve de justesse notre fauteuil en première division lors de la saison 1995-1996 en restant invaincus huit ou neuf journées de suite. Personne ne pariait sur notre survie dans l’élite. J’ai conservé cette teinte de survêtement depuis. J’assume ce côté superstitieux ! Je le suis tout autant en ce qui concerne le choix de mes chaussures ou la façon dont j’enfile mes bagues.

JFB : Tu honoreras ta 100ème sélection lors du barrage aller contre la Norvège. Qu’as-tu ressenti lors de ta première cape contre l’Autriche en mars 1998 à Vienne lors d’une rencontre amicale ?


G. K. : La Hongrie venait de rater la qualification pour la coupe du Monde en France. J’avais quitté Szombathely direction le Hertha l’été d’avant et je craignais fortement la réaction du public magyar. J’avais 22 ans, j’étais comme un gamin, surpris et fier de me retrouver titulaire. Je l’ai entendu dans le bus. Dès la quatrième minute, je sauve un penalty tiré par Toni Polster et on gagne 3-2 à l’arraché. C’était dingue. La foule scandait mon nom. J’en ai même pleuré quand on m’a interviewé. L’émotion.

JFB : Tu as officié sept saisons au Hertha Berlin (1997-2004). Une période „mémorable” à tes yeux.


G. K. : La Bundesliga était une référence pour moi. Bernd Storck, l’actuel coach de la Hongrie qui était à l’époque entraîneur-assistant du Hertha, a insisté pour me signer avec Pál Dárdai (ex-milieu défensif aujourd’hui patron sur le banc). La légende yougoslave Enver Maric m’a pris sous son aile et m’a propulsé dans une autre dimension. Grâce au Hertha, j’ai connu la Ligue des Champions. On a battu Chelsea, tenu en échec le Milan AC… Et puis les fans… Extraordinaires. Ils m’ont élu gardien du siècle et m’ont dédié une banderole en magyar lors de ma dernière apparition. Mémorable, je le confirme.

JFB : Tu t’es également distingué outre-Manche, notamment à Crystal Palace (club basé à South Northwood, au sud de Londres). En 2005, tu termines deuxième meilleur gardien du championnat.

G. K. : Après ces sept années énormes au Hertha et 244 matchs, je sentais qu’un cycle se terminait. Le club traversait une période compliquée. Les dotations de la fédération allemande faiblissaient. Des coupes budgétaires ont suivi. J’étais satisfait de cette expérience mais je voulais me lancer un nouveau défi. J’avais l’Angleterre à l’esprit depuis un bon moment. L’ambiance des stades, là-bas, c’est l’hallucination totale. La Premier League correspond à sa réputation : acharnée, engagée, intense. Dans les airs, il fallait foncer sans flipper. A Palace, à Villa, à Burnley et à Fulham. J’ai adoré Londres.

JFB : Quel conseil donnes-tu aux Gábor Király en herbe ? Pardonne-moi le jeu de mots…

G. K. : Je veux pas faire de toi un Iker Casillas (FC Porto, champion du monde 2010 avec l’Espagne), un Gianluigi Buffon (Juventus Turin, champion du monde 2006 avec l’Italie) ou un Manuel Neuer (Bayern Münich, champion du monde 2014 avec l’Allemagne). Tu peux t’inspirer de ces modèles-là qui méritent amplement leur statut et je t’y encourage. Mais à toi de donner ton meilleur et de développer tes capacités sans chercher à copier tes idoles. Il n’y a pas de n°1. Tu dois servir le collectif.

JFB : Tu es revenu au Haladás à l’approche de ton 40ème anniversaire. Ultime tour de piste ?

G. K. : Absolument pas ! Mais ça fait un bien fou de rentrer à la maison. Ma famille et ma vie sont là. Mon épouse et mes deux enfants ; le championnat hongrois avec le Haladás ; l’association sportive Király où j’aide mon père qui la préside ; l’académie de formation des gardiens de buts et le recrutement des entraîneurs dont j’ai la responsabilité ; les matchs du Viktória FC, notre équipe féminine ; le marketing et les tâches administratives… Et pour couronner le tout, j’ai les cages de la sélection à défendre et l’Euro 2016 en ligne de mire ! J’arrêterai quand mon corps dira „stop”. Pour l’instant, c’est „encore”.

Propos recueillis par Joël Le Pavous

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