La Hongrie pointée du crayon par l’exposition ARC

La Hongrie pointée du crayon par l’exposition ARC

A quelques mètres de Hősök tere (la Place des Héros) se dressent trente affiches où se côtoient traits d’esprits mordants et coups de pinceaux incisifs sur l’actualité. Suivez le guide.

 

Toutes dénoncent, interpellent, font parfois rire ou choquent, avec comme dénominateur commun d’emmener le visiteur à s’interroger sur la société hongroise dans laquelle il vit. A mesure du parcours, différents thèmes sont abordés. A côté d’un clin d’œil à l’histoire du bus qui s’est retrouvé en travers du pont Elisabeth et d’une affiche promouvant la légalisation du cannabis beaucoup d’autres iconographies condamnent les choix politiques du gouvernement et les dérives antirépublicaines de Viktor Orbán dans un pays où la démocratie encore jeune semble avoir du mal à résister à l’actualité récente.

La mise en scène du virage autoritaire du Premier Ministre par les posters est éloquente. Ce dernier est représenté au milieu d’un attrape-rêves ou encore sourcils froncés avec le slogan « Az álom én vagyok »(1) , référence sans équivoque à la personnalisation du pouvoir opéré par l’homme fort du pays que la presse américaine compare d’ailleurs à un « Mussolini danubien ». L’image de la Grande Hongrie pré-traité de Trianon (1920) qualifiée de rêve hongrois alerte sur les dangers du nationalisme expansionniste.

Une autre illustration dénonce les failles du système de santé et le manque de moyens déployés pour l’éducation dans le pays. Dans une mise en scène du Monopoly, la case « santé » est remplacée par « je préfère organiser les Jeux Olympiques» et celle « université » par « nem kell egyetem ! »(2). Triste réalité dans un Etat où la part du PIB consacrée aux dépenses de santé est deux fois moins importante que dans les autres pays de l’OCDE et où la réforme de l’enseignement supérieur de 2012 a réduit le nombre de bénéficiaires de la gratuité universitaire.

L’image lauréate du concours condamne, à l’instar de nombreuses autres, le mur à la frontière serbo-hongroise. Un visiteur qualifie de « géniale » la représentation d’une réfugiée sautant par-dessus la clôture sur un fond jaune vif sobrement accompagné d’un « Budapest 2024 » sous des anneaux olympiques en barbelés. Une jeune femme souligne aussi qu’ « il s’agit réellement de deux sujets vraiment d’actualité : les migrants et la candidature pour l’organisation des JO de la Hongrie cette année-là». « C’est ce qui fait la force de cette affiche » poursuit-elle.

Les contours du pays que l’on distingue au milieu d’un grillage sur une autre image nous rappellent que la Hongrie se ferme de plus en plus. Après avoir menacé d’emprisonner les réfugiés qui franchiraient illégalement la frontière et placé un militaire tous les vingt-cinq mètres pour la garder, Viktor Orbán a annoncé la construction d’une nouvelle barrière pour endiguer l’afflux de migrants entrant par la Croatie.

Dans le contexte actuel, l’exposition ARC pourrait presqu'être assimilée à un outil démocratique qui cherche à mettre en garde les citoyens hongrois. Elle est une véritable invitation à la réaction. Présenté jusqu’à ce dimanche, elle est le rendez-vous incontournable du week-end.

Elayïs Bandini

(1)«  Le rêve, c’est moi » jeu de mots avec « l’état c’est moi de Louis XIV ».

(2) « Pas besoin de la fac ! »

 

 

 

 

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