Così contre Così...

Così contre Così...

Così fan tutte aux opéras de Budapest .... et de Lyon

Admirateur de Mozart, mais très à cheval sur les moeurs (bien qu’il fût constamment amoureux et s’en vantât..) Beethoven reprochait à son aîné le livret de Don Juan qu’il jugeait immoral (1). Mais alors, que dire de Così fan tutte, avec son histoire de couples échangistes avant l’heure ?

 

 

Une histoire farfelue due à l’imagination fertile du librettiste Lorenzo Da Ponte. Un Da Ponte génial, certes, mais pas un modèle de vertu, dont la vie mouvementée vaut largement celle de son contemporain Casanova... (2). Mais revenons à nos petits moutons, ou plutôt tourtereaux, qui se produisent actuellement sur la scène de l’opéra de Budapest.

D’emblée, j’avoue avoir aimé. Et pourtant.... Je restais encore sous le charme d’une autre représentation du même Così, retransmise l’avant-veille depuis l’opéra de Lyon (3). J’avais adoré: interprétation déjantée (transposée de nos jours dans un bar de Californie..), spirituelle à souhait, mais malgré tout de bon goût et en finesse, avec une équipe internationale jeune pleinement engagée (mention spéciale pour la délicieuse Despina de la toute jeune Russe Elena Galitskaya).

Il y avait donc sérieuse concurrence.

Et bien.... Force est de reconnaître que, bien que très différente, voire à l’opposé, de celle de Lyon, la version de Budapest fut également en tous points excellente. Avec des chanteurs tout aussi remarquables, presque aussi jeunes et tout aussi impliqués. En tête: une remarquable Fiordiligi incarnée par Mária Celeng , confrontée à la scène à un excellent Zoltán Megyesi dans le rôle de Ferrando (qui, comme Mária Celeng, je crois, remplaçait plus ou moins au pied levé un collègue indisponible - décidément, les „pied levés” nous portent bonheur!) Et puis, que ce soit ici l’occasion de dire aussi tout le bien que je pense de la cantatrice Emőke Baráth , déjà bien connue à l’étranger malgré son jeune âge, ici dans le rôle de Despina. Puisque je les ai nommés, citons les autres „belligérants”: la Dorabella de Gabriella Balga confrontée au Guglielmo de Zsolt Haja, tous deux parfaits. Mais surtout Péter Kálmán dans le rôle de Don Alfonso, convaincant et tout-à-fait dans la peau du personnage (davantage que celui du baryton belge Lionel Lhote à Lyon).

Mise en scène très classique, relativement sobre, sur fond de décor simple, mais joliment éclairé, avec de magnifiques costumes. Une légère réserve, toutefois: par rapport à la version lyonnaise, le jeu du premier acte - mise à part la merveilleuse scène finale - m’a semblé un peu trop statique, nos deux belles (Fiordiligi et Dorabella) en mal de leurs amants étant un peu trop figées dans leurs complaintes larmoyantes. Mais c’est aussi l’opéra qui veut cela: entre un début charmant et un final entraînant, Mozart nous sert de fort beaux airs, certes, mais par moments larmoyants et un tantinet longuets (pardon, Wolfgang!). Ceci dit, je n’avais pas ressenti ces petites longueurs du côté des Lyonnais (qui, soit dit en passant, n’avaient rien de lyonnais...).

Mais comme j’ai bien fait de rester ! Car, après l’entre-acte, tout s’est accéléré, et je n’ai plus vu le temps passer. A croire que les chanteurs se sont vu offrir de la vitamine à l’entre-acte! Jeu animé et, surtout truffé de petites trouvailles comiques. Le public s’est même souvent pris à rire, ce qui n’est pas évident dans un opéra.

Un bon point, donc, pour le metteur en scène tchèque Jiří Menzel dont c’était la première collaboration avec l’opéra de Budapest. Une mise en scène très classique à mille lieues du spectacle décoiffant que nous avait offert son collègue anglais Adrian Noble à Lyon. Mais un spectacle bien agréable et fort plaisant. Qui nous fit passer une bien belle soirée… Et que je recommande.

Pierre Waline

 

(1): en partie à tort, puisque Don Juan finit emporté par les flammes de l’enfer...

(2): à lire: ses Mémoires (Mercure de France – mars 2000).

(3): enregistré en 2011.

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