Quelle batterie pour l’automobile du futur ?

Quelle batterie pour l’automobile du futur ?

Rencontre avec le Professeur Tarascon

Inventeur de la batterie plastique à ions lithium pour applications véhicules électriques, Jean-Marie Tarascon est Professeur au laboratoire de réactivité et de chimie des solides à Amiens, membre de l’Académie des sciences et professeur au Collège de France. Il sera à Budapest le 10 novembre pour présenter ses recherches sur le stockage électrochimique de l’énergie à travers une journée de sensibilisation des plus jeunes au Lycée français et une conférence à l’Institut Français.

JFB : Vous êtes l'un des pères de la technologie des batteries à ion-lithium. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le stockage électrochimique de l'énergie, autrement dit comment fonctionnent les batteries de nos téléphones portables et des voitures électriques ?
Jean-Marie Tarascon : La batterie Lithium-ion transforme l’énergie chimique en énergie électrique. Cette batterie se compose de deux électrodes qui baignent dans un liquide, l'électrolyte. Lorsque ces deux électrodes sont connectées, des réactions redox se produisent en tandem à chaque électrode libérant des électrons vers le circuit extérieur (e.g, générant de l’électricité). Pour imager cet état électrochimique, on peut prendre l’exemple de l’éponge qui représente dans ce cas la structure du matériau d’électrode : la batterie va lors de chaque charge et décharge absorber et relâcher des ions lithium comme l’éponge absorbe et relâche l’eau lorsqu’elle est mise dans l’eau et qu’on la presse par la suite. L’objectif de ces matériaux est de stoker l'énergie sans déperdition

JFB : Quelle est aujourd’hui l’autonomie de ces batteries pour les voitures électriques?
J-M. T. : Elle est de 160 km et nous souhaitons la doubler. Notre objectif est que la batterie puisse stocker plus d’énergie. Nous travaillons donc sur de nouveaux types d’électrodes capables de stocker plus d’ions, mettant à profit de nouvelles technologies qui sont en cours de développement.

JFB : Y a-t-il aujourd’hui une véritable volonté tant industrielle que politique d’avancer vers la batterie automobile du futur et vers les véhicules à zéro émission ?
J-M. T. : Les industriels de l’automobile sont aujourd’hui sur les starting-blocks concernant le lancement des véhicules électriques. Force est de constater pourtant le retard pris par ces derniers pour mettre sur pied le premier modèle de voiture électrique, aucun d’eux ne voulant prendre le risque de sortir un véhicule dont les problèmes de sécurité ne sont pas maîtrisés à 100%. Le groupe Bolloré va mettre toutefois en circulation dès le 5 décembre «l’Autolib’», voiture électrique équipée de batteries Lithium Métal Polymère. Ces voitures seront en libre service, sur le modèle du Vélib, dans l’agglomération parisienne. Une soixantaine de véhicules électriques ont été mis en circulation à Paris début octobre à titre expérimental. Cette expérience montre la volonté aussi des autorités publiques de participer à l’expansion du véhicule électrique.

JFB : Qu’est-ce que le projet Store-Ex dont vous êtes à l’initiative ?
J-M. T. : Le projet Store-Ex a été créé le 2 juillet 2010. C’est un véritable réseau de recherche intégré sur les systèmes complexes tels que les batteries, qui regroupe les 7 équipes de recherche françaises les plus importantes dans le domaine du stockage de l'énergie, associées au CNRS. L’idée est de faire jouer une dynamique collective pour accélérer l'innovation et l'activité industrielle dans le domaine des batteries et supercondensateurs afin de répondre aux défis énergétiques et environnementaux. Ce projet a été labellisé "Laboratoire d’Excellence" par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche mettant à disposition de ce réseau français les fonds nécessaires pour être compétitif sur le plan international.

JFB : Justement, la recherche française est-elle compétitive dans ce secteur d’activité ?
J-M. T. : Oui, elle est une des premières au niveau mondial dans ce domaine. Les Etats-Unis sont à peu près au même stade en terme de recherche que la France. Par contre, sa position de leader est aujourd’hui remise en question par des pays comme le Japon et la Chine dont la vitesse d’action en terme de recherche est telle qu’ils pourront menacer dans un avenir proche la compétitivité française.

JFB : Vous êtes membre de l’Académie des sciences depuis 2004, vous étiez titulaire jusqu’en septembre de la chaire de développement durable, environnement, énergie et société du Collège de France, pour vous que représente le développement durable dans votre activité mais aussi de manière plus générale ?
J-M. T. : Le développement durable c’est avant tout une prise de conscience de l’être humain. Les citoyens doivent être plus responsables aujourd’hui dans l’utilisation des énergies. L’économie d’énergie est donc une vraie priorité et passe par la réduction des énergies fossiles. Les recherches en Chine vont peut être accroître l’utilisation de la voiture électrique, toutefois l’énergie primaire étant le charbon, la question écologique continue de se poser. En tant que chercheur, le stockage de l’énergie électrique « verte » est un défi, et un enjeu. La conception de nouveaux types de batteries plus performantes ou de batteries « vertes » élaborées à partir de composants végétaux apporte une réponse à ce défi. Mes travaux actuels de recherche portent sur de nouveaux concepts et de nouveaux matériaux - satisfaisant des critères de développement durable. Le lithium est en effet un matériau rare. Il faut donc anticiper et trouver une alternative au lithium, comme le sodium qui est un élément très abondant. L’autre volet de mes recherches porte sur la baisse de la température utilisée pour préparer ces électrodes qui est encore très élevée (plus de 1000 degrés). Cela engendre la mise au point de nouveaux procédés d’élaboration éco-efficaces faisant appel à la chimie du vivant voire à l’utilisation de substances végétales. Ce sont donc tous ces sujets que je présenterai à Budapest, le 10 novembre prochain.

Gwenaëlle Thomas

Le mois de l’environnement
En partenariat avec le Ministère hongrois du développement rural, le service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France en Hongrie présentera à partir du 9 novembre sa 9ème édition du Mois de l’Environnement. Ce programme s’étalera sur tout le mois de novembre et a pour vocation de sensibiliser le plus grand nombre aux questions environnementales, engager un dialogue entre experts français et hongrois sur les solutions envisagées et envisageables et assurer l’échange de bonnes pratiques environnementales.
Le 10 novembre :
9h00 – 13h00 : Journée de sensibilisation des jeunes au Lycée français de Budapest avec Jean-Marie Tarascon du Collège de France.
A L’institut français :
16h30 : Présentation de « ION », voiture électrique développée par Peugeot, suivie de courts-métrages
18h30 : Comment vivre sans les énergies fossiles? Jean-Marie Tarascon, professeur au Collège de France et spécialiste de la chimie/électrochimie du solide.

Retrouvez le reste du programme sur le site internet de l’Institut Français www.franciaintezet.hu et sur Facebook : www.facebook.com/franciaintezet

 

 

 

 

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