L'Art des Bains

L'Art des Bains

Budapest et ses thermes

Le premier conseil que l'on peut donner aux visiteurs de cette belle capitale d'Europe centrale, c'est de mettre dans leur valise leur maillot de bain. En effet, si Budapest a bien une particularité, c'est celle de ses thermes. Toutefois, même si la réputation des bains Széchenyi ou Gellért n'est plus à faire, d'autres moins connus méritent également le détour. Szilvia Czinege, directrice marketing de la société municipale de gestion des bains (Budapest Gyógyfürdôi és Hévizei Zrt.), nous présente ce patrimoine incroyable.


 

JFB : Combien de bains gère votre société ?

Szilvia Czinege : 13 en tout, 8 d'entre eux sont ouverts de manière permanente, les 5 autres ne sont ouverts qu'en période estivale. Il y a bien entendu les bains historiques, les plus connus : Széchenyi, Gellért, Rudas, Kiràly, Lukács. Il y a aussi d'autres bains, tout aussi intéressants mais moins célèbres, comme les bains Dandár,Csillaghegyi, Dagály. Nous gérons également 5 piscines en saison estivale: Palatinus, Római, Csepeli, Paskál, Pünkösdfürdôi. Il n'existe pas d'autre ville au monde qui possède sur son territoire une telle diversité thermale.

JFB : Quelle est l'histoire de ces bains ?

Sz.Cz. : Les bains hongrois ont une longue histoire. On peut distinguer 4 périodes pendant lesquelles les bains ont connu un essor particulier. Sous l'Antiquité d'abord. Le thermalisme était une activité déjà répandue chez la population romaine d'Aquincum (qui signifie littéralement « riche en eaux»). Des ruines des bains construits pendant l'Antiquité sont encore visibles à Óbuda. La 2ème période est celle des croisades. Les bains furent organisés comme des lieux de guérison pour les guerriers. La 3ème période fut celle de l'invasion turque. Ainsi entre 1541 et 1686, les Ottomans développèrent les bains à vocation médicinale. Les bains furent construits à la demande du sultan à l'intérieur des remparts pour des raisons de facilité puisque c'était le lieu de leur siège. Les bains Rudas et Kiràly sont emblématiques de cette période. La réputation thermale de Budapest s'installe pendant la 4ème période, fin du XIXème siècle- début du XXème siècle, où un état des lieux du potentiel économique de l'eau thermale est dressé. De cette époque, on trouve les thermes Gellért de style Art nouveau, achevés en 1918 et les thermes Széchenyi qui sont l'un des plus grands complexes de baignade d'Europe.

JFB : Quelles sont les qualités reconnues à ces thermes ?

Sz.Cz. : On trouve à Budapest pas moins de 118 sources naturelles, 12 eaux thermales et 12 eaux minérales reconnues. Budapest a été nommée station thermale en 1934. Trois ans plus tard, la première conférence en balnéologie s'est réunie à Budapest et la capitale hongroise est devenue le siège de l'Association Internationale des Bains. Aujourd'hui, ces bains ont une vocation avant tout médicinale. On y soigne par exemple les rhumatismes et l'arthrite. Différents soins de balnéothérapie sont proposés : kinésithérapie subaquatique, massages, mais aussi la physiothérapie, luminothérapie.... La température de l'eau des sources varie de 21 à 76°C.

JFB : Trouve-t-on la même qualité d'eau dans tous les bains ?

Sz.Cz. : Non, chaque bain a sa particularité en la matière. L'eau thermale à Budapest de manière générale est riche en calcium, magnésium, hydrocarbonate, sulfure et chlorure. Mais la richesse de l'eau dépend de la profondeur des sources. Plus les sources sont profondes et plus elles sont riches en éléments naturels. Et la profondeur des sources varie par exemple des bains Lukács aux bains Széchenyi (forages plus profonds).

JFB : La balnéothérapie est-elle considérée comme un traitement à part entière par l'assurance maladie hongroise ?

Sz.Cz. : Oui, les traitements fournis dans les thermes sont pris en charge par la sécurité sociale hongroise, leurs vertus médicinales étant reconnues nationalement. C'est vraiment une particularité ici. Les soins thermaux doivent être considérés comme curatifs mais il est important de développer aussi la partie prévention. Plus les gens pourront bénéficier de soins thermaux et plus ils pourront éviter ou ralentir l'apparition de certaines maladies.

JFB : Budapest est-elle considérée à l'échelle européenne comme une capitale thermale ? Accueillez-vous dans vos bains des étrangers qui y viennent uniquement pour des raisons médicales ?

Sz.Cz. : Aujourd'hui, pas vraiment mais c'est notre objectif. Budapest est reconnue mondialement pour la qualité de ses thermes et il devient important de pouvoir y développer le tourisme médical. Notre capitale est déjà réputée pour son tourisme dentaire ou en chirurgie esthétique, pourquoi ne pas valoriser la qualité de nos soins thermaux qui présente un véritable atout. Budapest doit devenir la capitale thermale et médicale européenne. Il faut que les systèmes de sécurité sociale nationaux puissent prendre en charge de tels soins. Aujourd'hui cette question est traitée devant les instances européennes et nous espérons que cela puisse aboutir. En tout état de cause, notre objectif pour les dix prochaines années est de développer notre infrastructure afin d'accueillir dans des conditions idéales un tel public.

JFB : Ce n'est pas le cas aujourd'hui ?

Sz.Cz. : Non, nous n'avons pas à ce jour les services d'hôtellerie indispensables pour accueillir un tourisme médical, en sachant que la durée moyenne de tels soins est d’une semaine. Nous envisageons la création d’un complexe thermes-hôtellerie afin de pouvoir proposer à une clientèle étrangère des services plus complets. Mais ce projet est un projet à long terme. Les bains Lukács et Rudas vont également être rénovés afin d’améliorer et de multiplier leurs services.

JFB : Y-a-t-il une culture des bains en Hongrie ?

Sz.Cz. : Oui, bien sûr. La culture du bain fait partie intégrante de la vie des Hongrois et plus encore des habitants de Budapest. C'est le lieu idéal pour se détendre, se soigner, papoter, jouer aux échecs, parler affaires. A la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, il y avait une vraie culture des bains. Il suffit de voir les photos de l'époque avec des bains remplis de monde. Pendant les week-end, le Gellért offrait des spectacles à ses visiteurs. Toutes les catégories sociales se confondaient dans ce lieu de rencontre. C'était un endroit propice à l'hygiène (les douches n'étaient pas encore généralisées dans tous les foyers !). Les bains étaient donc divisés en plusieurs bâtiments offrant des services diversifiés : d'hygiène simple à des soins plus sophistiqués (pédicure, massages...) et les prix variaient également en fonction des besoins et des envies !

JFB : Que faites-vous pour promouvoir les bains budapestois ?

Sz.Cz. : L’Office du tourisme de Hongrie a lancé une campagne cet hiver avec une série de partenaires. Le slogan était : «si vous passez deux nuits à Budapest, la troisième vous est offerte et vous bénéficiez également d’une entrée dans un des bains». Nous accueillons 3 millions de personnes chaque année dans nos bains, dont 1million rien que pour les bains Széchenyi (environ 60% de touristes et 40% de locaux). Nous souhaitons augmenter cette fréquentation avec l’organisation d’événements multiples. Nous avons ainsi organisé en 2011 à deux reprises (février et novembre), «les nuits des bains». A cette occasion et avec un ticket unique les visiteurs avaient accès à 5 de nos bains. En novembre, dans le cadre de ces nuits spéciales, nous avons eu jusqu’à 3000 personnes. Un vrai succès ! Les bains Kiràly proposent actuellement une exposition sur «la culture des bains» avec des photos et peintures évocatrices. A voir ! De septembre à décembre, ces mêmes bains ont offerts à leurs visiteurs des spectacles et animations culturelles régulièrement, dans le cadre d’un partenariat avec une agence événementielle. Nous souhaitons prolonger de telles initiatives (avec danses, expositions, séances de lecture, ...) et même les généraliser dans les différents thermes de la ville afin de créer une nouvelle dynamique. L’idée est de changer l’approche des bains : vous y allez pour profiter d’un événement culturel et vous découvrez par la même occasion les vertus de ces lieux magiques. Une façon de tomber sous le charme !

 Pour plus d’informations, consulter le site internet : www.budapestgyogyfurdoi.hu

Gwenaëlle Thomas

 

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