Et si l'avenir fuyait la Hongrie ?

Et si l'avenir fuyait la Hongrie ?

Témoignage d'un étudiant Hongrois

Quand le chômage touche 27% des jeunes, que peuvent-ils espérer? La situation à laquelle fait face le gouvernement est de plus en plus inquiétante. Le pays voit ses jeunes diplômés déserter la patrie qui perd en attractivité et compétitivité. En quoi la jeunesse hongroise peut-elle encore croire ? Voici les paroles de Gábor, jeune étudiant de l'université technique et économique de Budapest (BME).

 

 

JFB : En tant qu'étudiant hongrois, comment appréhendez-vous votre avenir dans le monde du travail ?

Gábor : Je ne me projette pas si loin à vrai dire. Mais dans tous les cas je ne m'imagine pas en Hongrie, même si je pourrai trouver un emploi ici. Si je peux envisager de partir, c'est en réalité une chance, car avec la réforme, les étudiants ne pourront plus considérer ceci comme une possibilité. S'ils auront droit à des aides, ils devront signer un contrat qui obligerait tout étudiant à rester en Hongrie, ou à rembourser la somme allouée. Je considère ça comme un prêt et non une aide. Le gouvernement utilise la menace, il devrait davantage penser à revaloriser le travail en Hongrie.

JFB : En quoi la Hongrie a-t-elle perdu de son attractivité ?

Gábor : Un travailleur hongrois va gagner assez d'argent pour vivre ici, mais ce salaire reste très bas comparé à ceux de l'Europe Occidentale. Nous sommes de plus en plus loin des standards européens, et il va être très difficile de rattraper ce retard. Mais ce qui est inquiétant c'est que nous avons maintenant une mauvaise réputation à cause de la situation politique actuelle. Les gens pensent que nous acceptons toutes ces nouvelles réformes alors qu'il y a des contestations, mais les média en parlent peu.

JFB : Quelles seront les conséquences de la réforme de l'éducation dans l'emploi, notamment dans les secteurs de l'économie et des sciences humaines?

Gábor : Cette réforme correspond malgré tout à une réalité qui est que nous n'avons plus besoin d'autant d'avocats, ou d'économistes. L'offre d'emploi est davantage tournée vers les métier de l'ingénierie, l'informatique ou le commerce. Cependant on peut voir dans cette politique une volonté de limiter la formation d'une élite contestataire.

JFB : Est-ce que le contexte social et familial détermine de plus en plus l'avenir professionnel des jeunes? L'ascenseur social fonctionne-t-il toujours ?

Gábor : La réforme favorise l'écart entre les riches et les pauvres. Il est de plus en plus difficile de pouvoir gravir les échelons. Par exemple, dans les milieux défavorisés, il est courant d'entendre des discours décourageant de la part des parents. Ils pousseront davantage leur enfants à trouver un emploi rapidement après le lycée plutôt que de les pousser à faire des études, car en réalité ils n'ont pas les moyens les financer. D'autant plus que les bourses sociales sont distribuées avec pingrerie et le système n'est pas fiable. Il est facile de frauder, et l'administration est libre de mener sa propre dictature en demandant des trentaines de papiers différents et en nous renvoyant sans cesse, pour finalement refuser l'octroi d'une bourse. L'ascenseur est donc de plus en plus en panne en effet …

JFB : Quelles sont les solutions du gouvernement pour palier la crise de l'emploi ?

Gábor : Durant sa campagne le FIDESZ a promis la création d'un million d'emplois, mais je ne vois aucune stratégie cohérente pour résoudre le problème du chômage. Ils veulent soutenir l'économie hongroise en se dressant contre les entreprises internationales, ce qui n'est vraiment pas une solution efficace !

JFB : Qu'imagineriez-vous comme solution ?

Gábor : Le gouvernement de Gordon Bajnai, qui avait été mis en place pendant dix mois pour résoudre la crise, a mené une politique fiscale très stricte et rigoureuse, mais qui a porté ses fruits. Il avait de très bonnes relations avec les firmes internationales, et ne nous faisons pas d'illusions, nous sommes un tout petit pays. Certes nous avons un secteur agricole qui a du potentiel, mais nous avons besoin de nos voisins européens en ce qui concerne le secteur industriel.

Rébecca Devine

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