Cinéma européen : l’Union fait-elle la force ?

Cinéma européen : l’Union fait-elle la force ?

MEDIA, EURIMAGES, EUROPA CINÉMAS… ces noms reviennent régulièrement sur les écrans des cinémas européens. Pour enfin comprendre ce qui se cache derrière eux et mieux saisir les liens qui existent entre l’Europe et son cinéma, tentons de cerner les enjeux, les objectifs et les résultats de la politique européenne en faveur du 7e Art.

«L’Europe a plus besoin de son cinéma que le cinéma de l’Europe» notait Wim Wenders, soulignant ainsi que l’existence même de l’Europe passe par la connaissance et la reconnaissance des différentes cultures qui y cohabitent.

Or la création d’un véritable espace cinématographique européen est un vecteur important de cette reconnaissance. C’est là tout l’enjeu des mécanismes de subventions mis en place par l’Union européenne.

Ces initiatives sont nécessaires afin de provoquer des rencontres, des échanges, des collaborations, et favoriser une meilleure circulation des films à travers le continent. La notion de réseau est en effet centrale au sein de toute politique européenne et le secteur audiovisuel et cinématographique n’est en cela pas une exception… sinon culturelle.

EURIMAGES est le fonds du Conseil de l’Europe pour l’aide à la coproduction (90% de son budget y est consacré), à la distribution et à l’exploitation d’œuvres européennes. Mis en place en 1988, il réunit à l’heure actuelle 32 Etats membres. Son but est de promouvoir le cinéma européen en favorisant avant tout la coopération entre professionnels.

Des coproductions existaient déjà avant Eurimages, mais ce fonds a favorisé des associations de pays improbables auparavant, comme la Grèce et la Turquie, associées par exemple à la Bulgarie pour la production du film After Begining de Murat Kadioglu.

MEDIA (Mesures d’Encouragements pour le Développement de l’Industrie Audiovisuelle européenne) est, quant à lui, le grand programme de soutien du secteur audiovisuel dans l’Union européenne depuis 1990 .

Son objectif est de décloisonner les marchés nationaux et de créer ainsi une “industrie cinématographique communautaire structurée et compétitive“.

Contrairement à Eurimages, qui soutient des coproductions, l’aide du programme MEDIA revient quant à elle à des projets qui ont un potentiel de “circulation” à l’échelle européenne. «Quelqu’un qui n’a qu’un seul projet européen ponctuel sans vraiment de stratégie de développement à long terme sur l’Europe est souvent déçu car il a peu de chances d’obtenir un soutien», explique Aurélie Réveillaud, coordinatrice au sein de “l’Antenne Media” de Strasbourg.

Chaque année, ce sont plus de 300 nouveaux projets de films européens qui sont ainsi cofinancés par la Commission européenne.

Par ailleurs, MEDIA cherche à accroître la part de marché des films européens diffusés dans les Etats membres autres que les pays de production. Il finance pour cela le réseau de salles Europa Cinémas.

EUROPA CINÉMAS, mis en place dès 2002, a pour objectif d’encourager les exploitants à programmer plus de films européens. Chaque salle diffusant au moins 25% de films européens non nationaux est ainsi soutenue financièrement. D’autres objectifs, tels que le développement d’initiatives à destination du jeune public ou encore l’accompagnement de la transition vers des projections numériques, sont également recherchés et appuyés.

Cinéma européen ou cinémas européens ?

Mais malgré ces encouragements, il y a encore très peu de mouvements pour les films européens au sein de l’Europe et il existe toujours une très grande différence entre la part des films américains diffusés en Europe (plus de 70%) et le nombre de films européens vus en dehors de leurs marchés nationaux (6%).

Dans ce contexte peut-on vraiment parler de cinéma européen ?

«Il y a trois manières de voir les choses, constate Frédéric Sojcher, cinéaste et enseignant chercheur à l’Université Paris I. Soit on envisage l’existence d’un cinéma européen par opposition au cinéma américain. Soit on envisage le cinéma européen comme une addition de cinémas nationaux. Soit on pense, comme le dit Bertrand Tavernier, qu’il existe une culture européenne qui transparaît dans les films européens. Penser l’Europe n’est pas évident.»

Et traduire cette pensée en termes politiques et économiques l’est encore moins.

Ainsi, les budgets alloués par l’Union européenne à ses programmes de soutien sont restés jusqu’alors insuffisants pour inverser la tendance face au cinéma américain.

«En 1993, lors des discussions sur l’exception culturelle dans les accords du Gatt, le déficit de la balance commerciale entre les États-Unis et l’Europe au sujet des exportations cinématographiques était de 3 milliards d’euros au détriment des Européens. On pensait à l’époque avoir gagné une bataille en classant le cinéma au rang d’exception culturelle. Ce déficit est aujourd’hui de 9 milliards d’euros. Malgré les politiques mises en place.» note Frédéric Sojcher.

Quant aux échanges au sein de l’Europe, ils sont plus d’ordre économique que culturel, et les questions qui se posent aujourd’hui quant à l’avenir politique de l’Union (en particulier constitutionnel) s’appliquent également au cinéma : veut-on simplement une Europe des marchés ou une Europe des cultures ? La seule solution, et de loin la plus complexe, passe donc par une prise de conscience non pas des professionnels du cinéma, mais des citoyens car il est essentiel pour tous d’avoir accès à une pluralité de films. La fameuse loi de l’offre et de la demande en somme.

 

 

Frédérique Lemerre

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