Le centenaire de Szentkuthy

Le centenaire de Szentkuthy

Miklós Szentkuthy, «ce géant désinvolte, inclassable», cet écrivain hongrois «qui porte en secret les stigmates du génie», selon les formules d’André Velter publié dans Le Monde, aurait eu 100 ans le 2 juin 2008. Le Musée Petôfi célèbre ce romancier hongrois que le public francophone peut apprécier à sa juste valeur grâce aux nombreuses traductions de ses œuvres jusqu’au 31 mai 2009. On peut y découvrir l’histoire exceptionnelle de sa réception en France.

Certains de ceux qui l’ont connu sont encore parmi nous ont aidé à réaliser une magnifique exposition au Musée littéraire de Budapest. Les talents multiples de l’écrivain y sont présentés. Les organisateurs ont prévu pour le 21 juin à minuit une surprise nocturne: un défilé de mode réalisé à partir des vêtements et des déguisements imaginés par Szentkuthy lui-même! D'autres célébrations s’échelonneront tout au long de l’année dans ce même musée avec publications et colloques dédiés à l’auteur.

En marge de Casanova , c’est en 1939 que «choit» sur le sol littéraire hongrois un aérolithe inattendu, comme le voit Zéno Bianu qui a traduit le roman avec Georges Kassai. C’était le premier volume du Bréviaire de Saint-Orphée, auquel s’ajouteront neuf autres. Mais c’est pour propos blasphématoires que le Tribunal royal de Hongrie condamnait le livre à peine sorti. Bianu explique l’éternelle bêtise de la censure : De quoi nous entretient au juste ce Casanova? De littérature, de métaphysique et de sensualité, toutes choses certes scandaleuses, mais qui ne risquaient guère de mettre à mal le bon ordre social du pays. Szentkuthy réinvestit à sa manière les Mémoires de l’Amant parfait et nous introduit dans les bals masqués de Venise d’antan . On sait le goût de Szentkuthy pour le travestissement. C’est très baroque, comme au théâtre où les décors élargissent leurs scènes ouvrant sur des perspectives de fuite infinie, comme cela se passe aussi dans les récits de Szentkuthy. Du baroque ? Oui, mais on découvre en cette oeuvre gigantesque également les techniques du nouveau roman avant la lettre. L’écrivain Gábor Németh a évoqué les voluptés et les souffrances du baroque mais également Musil comme l'un de ses proches dans l’histoire littéraire. Un «savant dosage de récit et d’étude réalise en son auteur le double de Casanova» écrit Thierry Guinhut à la parution du livre dans la Revue Europe. La revue qui a publié plus tard tout un dossier dédié à l’écrivain. Avant il y avait les parisiens hongrois qui ont publié un numéro spécial de Magyar Mûhely et le rédacteur en chef Pál Nagy a écrit un livre remarquable sur Szentkuthy. Nous l’avons rencontré à cette occasion ainsi que la fille de l’écrivain, Mariella Legnani. Elle a évoqué ses souvenirs du foyer, son goût pour le théâtre, l’héritage paternel. C’est avec nostalgie qu’elle a regardé l’exposition, des objets qui lui rappelaient son enfance et une patrie perdue à jamais.

Son père, même s’il n’a été reconnu officiellement qu'à la fin de sa vie, avait choisi de rester en Hongrie après ses voyages de jeunesse. Il se moquait de la vie politique de tous les jours. Il avait des ambitions beaucoup plus importantes et il a réussi à en trouver « l’unique métaphore »: écrire une oeuvre monumentale dans laquelle il réunit tout ce qui mérite d’être dit au sujet de la création, - depuis Dante jusqu’ à Joyce, son «Catalogus rerum» comme il l’appelait. Ce texte a été évoqué dans le discours de Ferenc Takács devant la plaque commémorative posée sur la maison où Szentkuthy a vécu durant 40 ans et qui est le siège de la Fondation Szentkuthy dirigée par Mária Tompa. francophone. Elle a contribué à faire connaître l’oeuvre de l’écrivain et à terminer notamment l’oeuvre ultime : La confession frivole. Autobiographie d’un citoyen du Temps.

Éva Vámos

Adresse : Petôfi Irodalmi Múzeum, 1053 Budapest, Károlyi Mihály u.16

Ouvert tous les jours, sauf le lundi, de 10h00 à18h00

Références : fort heureusement plusieurs revues et éditions francophones sont à signaler, voir sur la page web de la fondation : szentkuthymiklos.hu et chez votre libraire

 

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