VIVRE !

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La psychologie du bonheur

La rentrée, comme dans quelques mois la nouvelle année, est l’occasion de bonnes résolutions pour partir ou repartir du bon pied, se fixer quelques objectifs et se tenir au plus important d’entre eux : la “recherche du bonheur”, rien de moins.

 

Loin des théories new ages et autres essais pseudo-spirituels ou vraiment “allumés”, Vivre de Mihály Csíkszentmihályi est l’un des grands classiques de la psychologie du XXe siècle. Salué comme un ouvrage fondateur dès sa parution aux Etats-Unis en 1990, son succès ne s’est pas démenti, peut-être parce que nous y percevons rien de moins que le sens de la vie.

Mihály Csíkszentmihályi, Américain d’origine hongroise, a consacré sa vie à la recherche et l'enseignement de la psychologie. Dans The Psychology of optimal experience, paru aux Etats-Unis en 1990 et transposé en français en 2004 sous le titre Vivre: La Psychologie du bonheur, l’auteur expose quelque trente ans de recherches ainsi que les conclusions auxquelles lui-même ainsi que ses collègues sont parvenus.

Avant tout, l’auteur y expose une définition très complète et très pointue de ce qu’est le bonheur (de la psychologie à la philosophie il n’y a qu’un pas) ainsi que des conseils pratiques pour y parvenir. Mais entendons nous bien, il ne s’agit là nullement de recettes ou formules miracles à appliquer le matin en espérant que les principes actifs agissent durant la journée !

Bonheur et expérience optimale

«Il y a deux mille trois cents ans, Aristote déclarait que, par dessus tout, les femmes et les hommes cherchent le bonheur. Tandis que le bonheur est convoité pour lui-même, tout autre but - santé, beauté, richesse ou puissance - est désiré en tant qu’il est censé nous rendre heureux», ainsi s’ouvre l’ouvrage de Mihály Csíkszentmihályi qui constate que peu de choses ont finalement changé depuis Aristote sans pourtant que l’on soit plus habile aujourd’hui à accéder à cette heureuse condition.

Mais qu’est-ce que le bonheur ?

Pour répondre à cette question, Csíkszentmihályi et son équipe ont interrogé des milliers de personnes, dans une centaine de pays, sur leur niveau de satisfaction personnelle. Il en résulte que «le bonheur n’est pas quelque chose qui arrive à l’improviste; il n’est pas le résultat de la chance; il ne s’achète pas et ne se commande pas; il ne dépend pas des conditions externes, mais plutôt de la façon dont elles sont interprétées. Le bonheur est une condition qui doit être préparée, cultivée et protégée par chacun. Les gens qui apprennent à maîtriser leur expérience intérieure deviendront capables de déterminer la qualité de leur vie et de s’approcher aussi près que possible de ce qu’on appelle être heureux».

Or, si «nous ne pouvons pas atteindre le bonheur en le cherchant consciemment», comment parvenir à ce but insaisissable qui ne peut être atteint par une route directe ?

C’est là qu’intervient la notion centrale du livre : l’«expérience optimale» ou «état de flot» (Flow en anglais). C’est cet état mental que nous connaissons tous lorsque nous sommes absorbés par une tâche de telle sorte que nous oublions le temps qui passe et que nous sommes envahis par une intense satisfaction. Ce n’est donc pas dans la quête de richesse, de gloire ou de beauté que nous pouvons escompter rencontrer le bonheur. Celui-ci ne peut advenir que lorsque l’on est «occupé à une tâche qui sollicite au maximum nos forces et íos talents».

Mihály Csikszentmihályi explique alors combien la socialisation de l’individu l’a rendu dépendant du contrôle social par un système de punitions et de récompenses. Il souligne par ailleurs que le fait de se laisser, au contraire, aller à ses pulsions revient à une autre forme de dépendance (aux besoins corporels cette fois) puisque le plaisir ainsi procuré est ponctuel et ne permet donc pas l’accroissement psychique qui est pour l’auteur au centre du bonheur.

Nous rendre indépendants de nos instincts et nous fixer nous-mêmes nos propres buts et récompenses, voilà ce vers quoi nous devons tendre. Car ce qui sous-tend le bonheur n’est autre que la maîtrise de la conscience.

Bonheur et pleine conscience

 «Contrairement à ce que croient bien des gens (…), les meilleurs moments de la vie n’arrivent pas lorsque la personne est passive ou au repos (même si le repos peut être fort agréable après l’effort). Ces grands moments surviennent quand le corps ou l’esprit sont utilisés jusqu’à leurs limites dans un effort volontaire en vue de réaliser quelque chose de difficile et d’important».

A ce propos, Csíkszentmihályi évoque les recherches de son confrère Martin Seligman qui en est venu à distinguer ce qu'il appelle «la vie agréable» (qui procure autant d'émotions plaisantes que possible) et «la bonne vie», celle dont la personne retire beaucoup de satisfaction en utilisant au mieux ses forces et ses talents. Mais il parle également de «la vie qui a un sens». «Celle-là consiste à mettre ses compétences au service d'une cause plus grande que ses seuls intérêts personnels». Les études de Seligman et les siennes en arrivent à la même conclusion: «La meilleure façon d'être durablement heureux reste de développer ses forces et ses talents au maximum, tout en se sentant lié à son milieu et responsable du monde dans lequel on vit».

Comment s’y prendre ?

Ces quelques explications ne sont qu’un préambule à la lecture de Vivre, où l’auteur, ayant recours à de nombreux exemples concrets qui rendent la lecture fluide et qui s’avèrent souvent proches de ce que nous sommes et connaissons, se propose de répondre aux questions suivantes: Comment maîtriser la conscience (sans laquelle il n’est point d’expérience optimale digne de ce nom) ? Comment l’ordonner de façon à rendre l’expérience vécue riche et agréable ? Comment créer le sens de sa vie ?

Faire de notre existence une expérience optimale constante, tel est le projet de vie - l’utopie diront certains - auquel nous convie Mihály Csíkszentmihályi.

Ce n’est pas à tenter vainement de maîtriser l’environnement que doit être employée notre énergie psychique, mais à diriger notre façon de composer avec lui. Car l’expérience subjective n’est en effet pas un aspect de la vie, mais la vie elle-même.

Frédérique Lemerre

 

Vivre - La psychologie du bonheur de Mihály Csíkszentmihályi ,

Pocket 2005 / 377 pages

 

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