Longue vie aux Hongrois!

Longue vie aux Hongrois!

Depuis le début du XXe siècle, l’espérance de vie à la naissance a augmenté de manière significative dans tous les pays européens. Mais, tandis que dans les pays de l’Ouest de l’Europe cette tendance ne s’est jamais arrêtée, la durée de vie moyenne dans le bloc soviétique a cessé de croître dans les années 1970. Aujourd’hui encore, on peut constater un écart entre l’espérance de vie dans les pays de l’Europe des quinze et celle des nouveaux membres, dont la Hongrie.

Le modèle économique de l’ancien bloc soviétique a entraîné les mêmes problèmes sanitaires dans les pays de l’Europe centrale et orientale. Dans les années 1970, l’es-pérance de vie, surtout celle des hommes, a nettement diminué. La mortalité a en effet considérablement augmenté parmi les hommes âgés de 40 à 55 ans, conséquence de la durée de travail de cette génération. De plus, le faible revenu dont la plupart des ménages disposait a incité bon nombre d’employés à chercher un deuxième travail. Ainsi, en général, les citoyens disposaient de très peu de temps libre et ne pratiquaient guère d’activité physique durant leurs loisirs, ce qui a contribué non seulement à la dégradation de leur condition physique mais également à l’apparition de problèmes psychologiques. La consommation immodérée d’alcool et de tabac est ainsi devenue l’une des principales causes de décès, mais le nombre très élevé de suicides et des maladies dues aux mauvaises habitudes alimentaires ont également contribué à ce taux élevé de la mortalité parmi les hommes. Les enquêtes sociologiques ont démontré que ces causes de décès étaient communes dans la plupart des pays soviétiques, même si l’on pouvait constater des taux de mortalité différents d’une région à l’autre. Par exemple, la Hongrie a été, pendant trois décennies environ, le pays où le taux de suicide était le plus élevé au monde. Le nombre des décès dus à la consommation abusive d’alcool y a toujours été très élevé et reste un problème important à l'heure actuelle.

La lutte contre ces causes de décès s’avère particulièrement difficile parce qu'il existe de très grandes inégalités territoriales et professionnelles. Tandis que l’espérance de vie est proche de la moyenne européenne dans la capitale et la partie nord-ouest de la Hongrie, les régions plutôt défavorisées comme le nord-est ou le sud-ouest du pays affichent un taux de mortalité de 20 à 25% plus élevé que la moyenne nationale. D’autre part, avant même le changement de régime, l’es-pérance de vie variait selon la couche sociale et le passage à l’éco-nomie de marché n’a fait qu’accentuer l'écart entre riches et pauv-res. Le groupe le plus sérieusement touché reste probablement la minorité rrome. Toutefois, puisqu’en Hongrie les statistiques sur les décès ne précisent pas l'origine ethnique du défunt, on ne connaît pas exactement le taux de mortalité parmi les Rroms. Mais selon certaines estimations, l’alcoolisme et le tabagisme sont de deux à trois fois plus répandus au sein de cette minorité que dans le reste de la population: ses membres sont donc plus menacés de décès précoce.

Depuis le changement de régime, les différents gouvernements ont tenté d’améliorer les perspectives des citoyens hongrois, toutefois jusqu’ici sans succès notable. Le programme actuel, “La décennie de la santé” (Az egészség évtizede), a été lancé en 2003 et vise à atteindre une espérance de vie de 71 ans pour les hommes et de 79 ans pour les femmes d'ici 2012. Même si l’objectif n’est pas trop ambitieux (la moyenne européenne est déjà de 77,8 ans dans les deux groupes), le pays est toujours loin de l’atteindre. Les signes ne sont en effet pas très encourageants: la Hongrie dépense toujours un très faible pourcentage de son PIB pour la santé, environ 4%, tandis qu’en République tchèque cette part s’élève à 7% et à 10% en France. A ce manque de financement s’ajoute le fait que, contrairement aux autres pays, une très grande partie des sommes destinées a la santé est dépensée pour les salaires et le fonctionnement des établissements: les communes disposent donc de très faibles moyens pour réaliser des investissements. Or, sans investissement il sera difficile de rattraper le retard du pays quant à l’espérance de vie de ses habitants.

Anna Bajusz

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