EXPO: Le même ruisseau

EXPO: Le même ruisseau

Il y quelque chose de Fluxus au royaume de Gyula Várnai, auquel le musée Ernst consacre une grande et très réjouissante rétrospective. Ne serait-ce que le titre de cette exposition: Ugyanaz a patak (Le même ruisseau), référence (consciente ou non?) à ce mouvement artistique né dans les années 1960 - le mot “fluxus” signifie en effet en latin “flux, courant”, qui cherche, souvent avec humour, à faire exploser les limites de la pratique artistique, à abolir les frontières entre les arts et à construire un lien entre l'art et la vie. Or la démarche de Gyula Várnai semble en effet s'inscrire parfaitement dans cette mouvance. Sa carrière a débuté il y a plus de 20 ans sans qu'il n'ait suivi de formation artistique et son travail, entre perception et vision du monde qui l'entoure, est en outre remarquablement représenté par cette métaphore du ruisseau, toujours le même mais toujours différent.

Mais rentrons dans le vif du sujet, et ce avant même de gagner l'espace d'exposition. En levant les yeux, depuis la rue, vers la devanture du musée Ernst, vous constaterez que la banderole qui en annonce l'entrée se compose d'une multitude de bouchons en plastiques colorés, assemblés avec soin selon un certain “art de la récup'” qui caractérise plusieurs de ces œuvres. C'est le cas notamment d'une série de trois pièces figurant chacune le mot Mintha (Comme si), représenté ici par de petits monticules de terres sur une photographie en noir et blanc, là par une installation de matériaux de récupération dans Le monde des aveugles puis encore à travers un accrochage de vêtements qui forment ce même mot. Mais plus encore, c'est dans les pièces suivantes que se révèle toute la poésie du travail de Gyula Várnai. On y découvre ainsi, plongé dans l'obscurité, un ensemble de lampes de poches suspendues dont les halos de lumières dessinent au sol de délicates fleurs de nénuphar. Fleurs qui donnent d'ailleurs le titre à cette œuvre. Au mur, la radiographie d'un livre ouvert, exposé dans un caisson lumineux, laisse à voir les écrits se superposer à la surface de l'image. Son titre? Livre. La place me manque pour vous décrire les pièces suivantes, comme Nagymezö utca (la rue où se trouve le musée Ernst). La projection de ce triptyque photographique occupe la surface d'un mur entier et représente, bien évidemment, la rue dont elle porte le nom. Troublante installation, doublée d'une bande son parfois tonitruante qui fait vibrer les appareils de projections mais surtout la surface de l'eau via laquelle les images sont projetées, voilant ainsi l'image avant qu'elle ne se fige de nouveau. Bien mystérieuse description me direz-vous, et pourtant, dans cette deuxième partie de l'exposition, les œuvres de de Gyula Várnai s'offrent avec la simplicité du clin d'œil. Si les objets et images exposées, réelles ou virtuelles, nous touchent tant, c'est peut-être parce qu'ils et elles sont extraites d'un quotidien parfois nostalgique (magnétophone, tableau d'école, rideau à fleur...), mais surtout sans doute parce que «l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art» (Robert Filliou).

Frederique Lemerre

 

Ugyanaz a patak (Le même ruisseau)

Rétrospective de Gyula Várnai

Jusqu'au 29 août

Musée Ernst. VIe arrdt.

Nagymező u. 8

www.mucsarnok.hu

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