Tout feu tout flammes

Tout feu tout flammes

A quelques semaines de son départ pour Marrakech, où il vient d’être nommé Directeur de l’Institut français, Jérôme Bloch, Directeur de la programmation à l’Institut français de Budapest, Attaché culturel, tire un bilan très positif de ces trois années passées en Hongrie. Un pays dont il retiendra l’effervescence culturelle et le “frémissement constant”.

L’heure du bilan a sonné à l’Institut culturel français de Budapest. Son responsable des programmes, Jérôme Bloch, quitte en effet les rives du Danube pour les portes du désert marocain, où il prendra ses fonctions en septembre, à la tête de l’Institut français de Marrakech, l’un des plus gros Instituts du Maroc. «Budapest représente également l’un des plus gros Institut d’Europe et l’un des plus importants en terme de rayonnement. Il bénéficie d’une place privilégiée, géographiquement, en plein centre-ville, au bord du Danube, mais aussi à travers son rôle dans les relations franco-hongroises, puisqu’il est l’instrument principal de la coopération entre les deux pays. La culture au sens large est aussi depuis toujours le vecteur le plus fort et le plus harmonieux des liens entre la Hongrie et la France». C’est donc avec le sentiment d’avoir accompli sa mission qu’il porte aujourd’hui un regard rétrospectif sur ces trois dernières années. «A mon arrivée, le JFB m’avait fait l’honneur de consacrer un article à mes objectifs et je suis heureux de constater qu’ils ont, je crois, été remplis, grâce au travail de toute une équipe à laquelle je souhaite rendre hommage ».

Développement des partenariats, plus grande ouverture au public et vers les grandes villes en région, l’un des maîtres mots de ce bilan pourrait être le “décloisonnement”. «Il y a un réel un progrès de ce point de vue par rapport aux années précédentes. Certes l’Institut, qui a récemment fêté ses 60 ans d’existence, avait déjà un très haut niveau, mais il y a eu une évolution positive dans le décloisonnement avec les autres services de coopération de l’Ambassade, dans l’organisation interne et externe de cet établissement, du point de vue des relations franco-hongroises mais aussi avec les autres Instituts culturels présents en Hongrie, ce qui est très important en terme d’accompagnement du processus d’intégration européenne». Les partenariats avec les grandes institutions de Budapest ont ainsi été renforcés. C’est le cas notamment avec le Théâtre National, qui a accueilli la Comédie Française, le Palais des Arts, qui a reçu de grands solistes, chefs et orchestres français, comme l’Orchestre National du Capitole de Toulouse, mais aussi avec le Trafó pour la danse contemporaine, la Mai Manó, Maison de la Photographie, et, au-delà de Budapest, avec le Musée de la Photographie à Kecskemét, pour l’exposition consacrée à Endre Rozsda ou encore le MODEM de Débrecen, qui a accueilli l’exposition Hommage à Van Gogh, et qui propose actuellement une magnifique rétrospective consacrée à Judit Reigl. Les festivals hongrois (Printemps, Automne, Jazz, Titanic, Salon du Livre…) ont continué par ailleurs à accueillir des artistes français ou productions françaises de haut niveau. «Nous avons eu à cœur de programmer des créations très contemporaines et ce dans tous les domaines artistiques: les arts visuels, le théâtre, la danse, le nouveau cirque, notamment grâce à Árpád Schilling récemment invité par le Centre National des Arts du Cirque à mettre en piste le spectacle Urban Rabbits. Sans oublier bien sûr la musique contemporaine. Nous avons ainsi monté deux opérations avec le compositeur Péter Eötvös lors du dernier Festival d’Automne : l’un avec l’ensemble Linéa de Strasbourg et le second avec l’Ensemble Intercontemporain de Paris. Nous avons par ailleurs beaucoup travaillé avec les Alliances Françaises, grâce auxquelles nous avons renforcé nos liens avec les régions, mais aussi avec d’autres partenaires en province comme l’Ecole Supérieure de Eger. Nous avons aussi participé aux festivals de Sopron ou de Szombathely. La programmation de Pécs, Capitale Européenne de la Culture, intègre le CNAC en juillet, Le Bal des Fous en août, mais aussi le Ballet Preljocaj en septembre».

Bien sûr, certaines grandes expositions, comme celle consacrée à Gustave Moreau ou celle des dessins du Musée du Louvre au Musée des Beaux Arts, ont été organisées avec notre soutien et celui des sponsors et mécènes, mais pratiquement en direct entre les institutions hongroises et françaises, «signes concrets d’une réelle ouverture européenne». Là encore, souligne Jérôme Bloch, «c’est le résultat de la coopération effectuée depuis des années entre l’Institut et ces institutions. De nombreux cadres culturels ont été formés ou se sont perfectionnés à l’Institut français et travaillent désormais dans toutes les structures avec lesquelles nous avons des partenariats. Cela leur permet de travailler directement avec leurs homologues. Et nous continuons à inviter chaque année des professionnels hongrois en France pour des rencontres, des projets et une meilleure connaissance mutuelle de la scène contemporaine».

L’Institut intervient en revanche davantage sur des projets plus difficiles, plus pointus et afin de faire découvrir de jeunes talents. «Nous avons une mission de service public. L’Etat est très utile là où les choses ne se font pas forcément d’elles-mêmes, soit parce qu’il s’agit de disciplines artistiques moins habituelles pour le public, ou parce que ce sont de nouveaux projets qui peuvent dérouter et surprendre. Nous sommes présents pour cela également». Par ailleurs, «les conférences sur l’architecture, le patrimoine et l’urbanisme, qui ont été montées sous l’impulsion du Conseiller Culturel, François Laquièze, ont reçu un excellent écho. De même, les débats d’idées, les colloques et séminaires sont plus nombreux qu’avant: nous n’avons pas hésité à évoquer Trianon, la Shoah ou la question des minorités, Roms notamment. L’accueil du public a été très positif et nous avons même parfois été surpris du succès de certaines programmations audacieuses».

L’Institut a maintenu, malgré la crise, un niveau de manifestation élevé, avec 150 manifestations par an. Quant au public, il a rajeuni et s’est même multiplié. «Il est vrai que nous avons organisé beaucoup d’événements hors-les murs, mais nous avons aussi fait venir en retour de grandes institutions vers l’Institut, comme l’Académie Liszt par exemple, et programmé un concert un vendredi sur deux depuis janvier, et même chaque vendredi en mai et juin, une collaboration qui se poursuivra en 2011, année Liszt».

Outre ces manifestations qui bénéficient d’une grande visibilité, le travail de l’Institut s’inscrit également dans bien d’autres domaines. Ainsi le nombre de traductions soutenues par l’Institut a-t-il augmenté au cours des trois dernières années, «ce qui est très important pour le rayonnement de la langue et de la littérature françaises en Hongrie», précise Jérôme Bloch. «L’Institut demeure la meilleure école de langue française en Hongrie et son foyer de diffusion le plus professionnel, reconnu d’ailleurs comme tel». Le centre de cours de l’Institut français, qui forme actuellement 600 fonctionnaires hongrois à la langue française dans le cadre de la préparation à la future présidence hongroise du Conseil européen, accueille cette année 3000 élèves.

«Il existe en outre désormais un véritable festival de la francophonie, organisé par le très efficace service de coopération linguistique et éducative et le centre de langue, qui englobera le cinéma en reprenant les Journées du Film. Cette opération sera menée conjointement avec une dizaine d’ambassades francophones pour maintenir cet événement en Hongrie». Moins visible, le travail de soutien, de conseil et de consultation de l’Institut s’inscrit également dans le cadre de la coopération franco-hongroise. «Nous cherchons à valoriser la Hongrie auprès des programmateurs français. Nous nous sommes par exemple investis à partir du festival de jazz pour faire connaître cette excellence de la Hongrie au-delà des frontières du pays, pour y attirer les artistes de l’hexagone. Nous avons ainsi participé à l’édition de plusieurs disques incluant des musiciens de jazz français».

“Vitrines en miroir”, “Dialogue des arts et des idées”, “Echanges artistiques et culturels”, “Diplomatie d’influence”, “Rayonnement de la France”, la place nous manque pour développer ces conceptions de la diplomatie culturelle chères à Jérôme Bloch. Mais une chose est sûre, il peut partir le cœur léger vers d’autres horizons.

Frédérique Lemerre

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