Qui sont les milliardaires hongrois?

Qui sont les milliardaires hongrois?

Selon les rumeurs, Robbie Williams et Madonna n’auraient pas seulement donné des concerts dans les plus grands stades de Budapest, mais également lors de certains mariages privés. Mais qui sont ces milliardaires qui peuvent se permettre un tel luxe? Et comment ont-ils gagné leur premier (million de) forints?

Si l'on cherche à énumérer les Hongrois les plus riches, c'est sans doute le nom du financier, spéculateur et philanthrope vivant depuis longtemps aux États Unis, George Soros, qui vient immédiatement à l’esprit. Peut-être les amateurs de tourisme spatial pourraient-ils quant à eux évoquer le nom de Charles Simonyi, également émigré aux États-Unis, devenu célèbre pour avoir développé les logiciels Word et Excel chez Microsoft avant d'entreprendre plusieurs voyages vers la Station spatiale internationale (ISS) en 2007 et 2009. Ceux qui connaissent un peu mieux la Hongrie ci-teraient sans doute également les noms du PDG de la banque OTP, Sándor Csányi, et de l’investisseur immobilier, Sándor Demján.

Le livre Comment devenir milliardaire?, publié cette année par les sociologues Iván Szelényi et Tamás Kolosi, démontre combien les chemins empruntés par les milliardaires hongrois pour parvenir à leur position actuelle sont nombreux et divers. La lecture de cet ouvrage est d'autant plus intéressante lorsque l'on sait que l’un des auteurs, Tamás Kolosi, est lui-même l’un des Hongrois les plus riches actuellement. Celui-ci, fondateur de l’institut de recherche Tárki, a racheté, avec deux compagnons, le réseau de librairie d'État Líra és Lant à la suite du changement de régime, et ce pour un coût bien inférieur à sa valeur réelle. C'est d'ailleurs ainsi que plusieurs milliardaires hongrois ont bâti leur fortune dans les années 1990.

Les deux sociologues ont analysé la liste du Top 100 des hommes les plus riches de Hongrie, publiée chaque année par le quotidien économique Napi Gazdaság. Ces publications mentionnent au total 300 noms depuis l'an 2000. Le livre cite quant à lui 210 personnes dont 154 avaient déjà débuté leur carrière avant le changement de régime. Seulement 56 personnes font partie de la génération suivante. C'est notamment le cas de l’ancien PDG de Wallis Rt et Premier Ministre entre 2009 et 2010, Gordon Bajnai, ou de l’entrepreneur en informatique et ex-dirigeant du parti libéral SZDSZ, János Kóka.

En ce qui concerne la première génération, le passage de l’élite politique communiste à l'entrepreneuriat du nouveau système capitaliste aurait pu sembler évident, mais ce n'est pas le cas. En effet, bien qu’en Russie une forte relation puisse être démontrée entre les anciens députés du Parti et les classes aisées actuelles, en Hongrie – mais également en République Tchèque et en Pologne, ce n’est pas le cas. Tout simplement parce que les hommes politiques de l’époque étaient déjà trop âgés pour se lancer dans l'aventure post-communiste. L’un des rares survivant de cette époque est l’ingénieur László Kapolyi, ministre de l'industrie entre 1985 et 1987, qui a quant à lui bien profité de la transition démocratique et capitaliste. Kapolyi, qui a créé System Consulting Kft en 1989, a en effet contribué à transformer le remboursement de la dette publique russe en importation d’électricité.

Le changement de régime fut cependant, selon Kolosi et Szelényi, «la révolution des adjoints», une sorte d’ascenseur social ultra rapide qui a propulsé même les plus jeunes d'entre eux – vers des sphères dorées. Ils étaient en quelque sorte au bon endroit au bon moment et ont eu accès à des informations capitales afin de construire leur fortune. Sándor Csányi, issu d’une famille très pauvre, a également suivi cette route. Malgré le conseil de son professeur principal en école primaire, il a décidé de suivre des études secondaires puis supérieures en économie. Études au cours desquelles il a commencé à travailler au Ministère des Finances en 1974. A la suite du changement de régime, il a entrepris de réformer la banque OTP lors de sa privatisation.

Ainsi, les fonctions occupées et les relations nouées avant 1989 sont-elles très importantes, comme le démontre le parcours de l’ancien Premier Ministre Ferenc Gyurcsány, qui a tissé son réseau d'influence au cours des années passées parmi les dirigeants du KISZ (l’alliance des jeunes communistes hongrois). Il a ainsi fréquenté de nombreux hommes politiques et futurs entrepreneurs, comme Péter Kiss, Imre Szekeres ou György Szilvássy. Suite du changement de régime, Ferenc Gyurcsány a débuté sa carrière dans le secteur privé avec une société de conseil sur les privatisations. «La nouvelle classe des propriétaires avait deux alliés importants à cette époque: l'ancienne élite qui connaissait le pays et son potentiel et les managers des sociétés conscients de la valeur des entreprises» – avait indiqué Gyurcsány dans une interview accordée au quotidien Népszabadság en 1996.

Une grande partie des milliardaires actuels possédaient de petits ateliers tolérés par les autorités avant le changement de régime et fonctionnant ainsi “semi-légalement”. Ces propriétaires étaient appelés à l'époque les “maszek”, les privés. L’un des plus connus d'entre eux, le grand Manitou des médias de droite et propriétaire du quotidien Magyar Hírlap, l’ingénieur Gábor Széles, avait ainsi déjà fondé sa première société en 1981. L'actuel propriétaire de l'usine d’azote de Pét, László Bige, d’origine roumaine, vendait quant à lui des T-shirts et des chapeaux sur les marchés avant de connaître une ascension sociale fulgurante. En somme, seule une infime minorité parmi les 210 personnes étudiées par les deux sociologues, doivent leur fortune à leurs seules dispositions intellectuelles. C'est notamment le cas des frères Kürti, qui ont créé une entreprise d'informatique, ou d'Ernô Rubik, l'inventeur du Rubik’s Cube.

Force est de constater que les liens sont restés forts entre les politiques et le marché après le changement de régime. Bien que, au cours des années 1990, les entrepreneurs aient profité de nombreux crédits avantageux, depuis quelques années les hommes politiques ont également recours à la générosité des hommes d’affaires dans le cadre du financement des partis politiques. Mais ça, c'est une autre histoire...

Judit Zeisler

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