Marie Stuart de Donizetti en première à l’Opéra de Budapest

Marie Stuart de Donizetti en première à l’Opéra de Budapest

Mary Stuart

Si Donizetti est principalement connu et essentiellement joué pour ses opéras comiques, il l’est moins pour ses opéras sérias qui constituent pourtant la partie la plus achevée de sa production. C’est ainsi qu’à part Anna Bolena, ils n’avaient encore jamais été produits sur les scènes hongroises. Il aura donc fallu attendre près de deux siècles pour y voir enfin donné Maria Stuarda, créé à la Scala en décembre 1835 (avec la Malibran dans le rôle-titre). Donné ce soir sur la scène de l’Opéra, orchestre et chœur étant placés sous la direction de Kálmán Szennai. Avec Klára Kolonits dans le rôle-titre, Gabriella Balga (Elisabetta), Melinda Heiter (Anna Kennedy), István Kovács (Giorgio Talbot) et le ténor autrichien Juraj Hollý (en Robert Dudley, comte de Leicester). Dans une mise-en-scène de Máté Szabó.

Librement inspiré de la pièce de Schiller, l’opéra (en deux actes) relate le sort tragique de Mary, reine d’Écosse. L’action se déroule à Londres en 1567. Emprisonnée par sa cousine Elisabeth, reine d’Angleterre, Mary, soupçonnée de vouloir enlever son trône, voit sa cause défendue par Robert Dudley, comte de Leicester, dont la reine Elisabeth est secrètement amoureuse. Leicester conseille à Mary d’adopter une attitude soumise devant la reine. Mais leur entretien tourne à l’orage, Mary allant jusqu’à insulter sa rivale qui - dans un premier temps conciliante - se résout à la condamner à la peine capitale, devinant au passage le penchant de Leicester pour sa cousine. Suit une scène de confession de Mary qui nie toute complicité dans le meurtre de son second époux Henry Darnley, roi d’Écosse, qu'elle attribue à la jalousie d'Élisabeth. C’est protestant une dernière fois de son innocence et accompagnée par Leicester qu’elle marche à la mort. Quoique simplifiée par rapport à la pièce de Schiller, une intrigue, ici résumée à l’extrême, riche en péripéties, qui met en jeu plusieurs intervenants sur fond d’alliance avec la cour de France. Un opéra dans un premier temps donné à Naples sous le titre „Buondelmonte” (octobre 1834), mais, rejeté par la censure, qui fut sensiblement remanié pour être finalement créé à Milan sous son titre actuel (décembre 1835). Il est le deuxième volet d’une trilogie comportant Anna Bolena et Roberto Devreux.

Mary Stuart

Qu’en dit la critique? D’aucuns lui reprochent certaines faiblesses d’inspiration et la facilité de ses thèmes mélodiques, „plus élégiaque que dramatique” (F.R. Tranchefort), applaudissant néanmoins à la grande scène finale „où l’intervention du chœur fournit un beau contrepoint à la souffrance sublimée de l’héroïne, une des incontestables réussites du compositeur” (F.R.Tr.). D’autres mettant en avant le rôle imparti à Mary, „héroïne donizettienne par excellence, tendre, mélancolique qui culmine sur une cabalette pleine de force et de retenue pouvant recueillir autant d’applaudissements qu’une cabalette virtuose jusqu’à la séquence finale avec chœur digne du plus grand Verdi et son bouleversant air du supplice” (P.Kaminski).

Alors?

La mise-en-scène, tout d’abord. Bénéficiant d’une longue expérience et largement sollicité, Máté Szabó, plusieurs fois primé, jouit a priori d’une solide réputation. Réputation totalement justifiée au vu du spectacle qu’il nous a offert ce soir. Insufflant vie à une action en quasi constant mouvement, servi par des décors sobres, mais plaisants, et un jeu d’éclairages en constante mouvance. Rien à redire non plus sur les costumes. Au plan du chant, nous mentionnerons en premier lieu les deux principaux personnages, centres de l’action, Mary et la reine Elisabeth, incarnées par la soprane Klára Kolonits et la mezzo-soprane Gabriella Balga. Toutes deux excellentes, révélant une voix puissante, mais nuancée, à l’aise dans les aigus, aigus d’une grande pureté. L’une et l’autre idéalement campées dans leur personnage. Notamment une Mary émouvante, telle lors de sa rencontre avec Talbot au second acte et surtout dans cette touchante prière entamée avec le chœur de ses suivantes avant son exécution dans la scène finale. Autre temps fort, la rencontre et confrontation entre les deux reines à la fin du premier acte, Côté hommes, j’émettrais une légère réserve quant au ténor Juraj Holly en Leicester, visiblement à la peine dans les aigus, offrant un timbre quelque peu étriqué. Rien à redire sur les autres, ni sur les chœurs fort bien servis, notamment chez les femmes. Et toutes et tous jouant à merveille, s’engageant à fond, visiblement impliqués dans leurs rôles respectifs.

Mary Stuart

Voilà pour l’ensemble. Que dire de plus? Sinon que de louer une partition habilement menée. Mélodies faciles, reproche la critique? Pourquoi pas, si elles plaisent à l’oreille? Ma seule remarque concernerait l’orchestration manquant à mon sens de légèreté par une intervention par trop appuyée des cuivres et timbales (mais peut-être est-ce en partie à imputer à la direction du chef hongrois).

Quoi qu’il en soit, il nous a été donné d’assister ce soir à un beau spectacle servi par une brillante équipe menée par une Klára Kolonits particulièrement bien campée dans le rôle-titre, au demeurant fort applaudie.

Un spectacle parfaitement rodé.

Pierre Waline

Crédit photos: Attila Nagy/Magyar Állami Operaház

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