Les Noces de Figaro à l’Opéra de Budapest

Les Noces de Figaro à l’Opéra de Budapest

Noces de Figaro

Des Noces, tout a été dit. Rappelons que, créée le 1er mai 1786 au Burgtheater de Vienne, la pièce connut dans un premier temps un vif succès, au point que le public en bissa de nombreux airs. Néanmoins, ayant dû affronter une cabale, la pièce fut retirée au bout de seulement neuf représentations pour n’être reprise que trois années plus tard. C’est à Prague, où elle fut représentée en décembre de la même année, que la pièce connut la consécration qui s’imposait. „Toute la ville ne parle que de Figaro, ne joue, ne sonne, ne chante, ne siffle que Figaro” (Mozart).

Noces de Figaro

C’est Mozart lui-même qui choisit de s’inspirer de la pièce de Beaunarchais donnée deux ans plus tôt à Paris, pour en confier la rédaction du livret à Lorenzo Da Ponte, début d’une coopération qui allait s’avérer particulièrement fructueuse. Grâce à l’entremise de Da Ponte, l’empereur Joseph II, qui avait censuré la pièce de Beaumarchais, autorisa la représentation des Noces. Il est vrai que, tout en suivant l’intrigue de la pièce d'origine, les deux amis en gommèrent les références à la politique et la satire pour se concentrer sur la psychologie des personnages. Personnages tous attachants, à mille lieues des caricatures auxquelles nous avait habitués la comédie italienne alors en vogue (Cimarosa, Martín y Soler, Paisiello). C'est en cela que Mozart innova „introduisant une nouvelle dimension, celle de la gravité des sentiments, de l’humanité” (Fr.R. Tranchefort). Autre innovation, au plan musical, l'introduction de récitatifs où chacun exprime ses sentiments propres, conférant à l'ensemble une sorte de „conversation musicale” (Fr.R.Tr.). Enfin, face aux ensembles traditionnels où chaque personnage tend à se fondre dans la masse, les individualités sont ici préservées, „personnages dont les entrées successives caractérisent pour chacun une situation dramatique propre, ouvrant la voie à des sections musicales nouvelles” (R. Leibowitz, finale du 2ème acte).

La distribution: Figaro: Krisztián Cser, Susanna: Boglárka Brindás, Comte Almaviva: Károly Szemerédy, la Comtesse: Natália Tuznik, Cherubin: Zsófia Kálnay, Marceline: Mária Farkasréti, Bartolo: László Szvétek, Basilio: Arthur Szeleczki, Barbarine: Anija Lombard. Orchestre et choeurs de l'Opéra placés sous la direction de Zsolt Hamar. Mise-en-scène: Judit Galgóczy.

Noces de Figaro

Première remarque: une production présentée dans des décors et costumes d'époque, au demeurant fort beaux. „La folle jounée” (1)… c’est bel et bien une folle soirée que nous a fait passer une équipe pleine de jeunesse et de talent, menée sur un rythme effréné dans une mise-en-scène inspirée (Judit Galgóczy). Chacune et chacun parfaitement en place, tant par la voix que par le jeu, semblant y prendre plaisir. En tête des personnages, le couple Figaro-Susanna (Kr.Cser,B.Brindás) particulièrement attachant. (Une Susanna délicieuse dans le fameux „Deh Vieni, Non Tardar” du 4ème acte.) Mais aussi une comtesse tenant parfaitement son rôle, touchante dans sa dignité d'épouse fidèle (N. Tuznik). Paticulièrement remarquée et applaudie dans son émouvant air du 3ème acte („Dove sono i bei momenti”, confidence amoureuse dune femme délaissée), suivi d'un charmant duo avec Susanna, deux voix en totale symbiose. Et tous les autres en tête desquels le Comte (K.Semerédy) et un Chérubin (Zs. Kálnay) débordant de jeunesse et d'audace. Que dire d'autre? A signaler au passage une belle chorégraphie menée par les élèves de l'École de Danse. Le tout brillamment mené sous la baguette du jeune chef Zsolt Hamar.

Bref, une pleine réussite servie par une équipe jeune et enthousiaste à la joie dun public ravi (nombreux rappels dans une salle comble). Une production qui restera dans les annales (2).

Pierre Waline

(1): sous -titre de l'opéra.

(2): chaque soir du 27 juillet au 5 août.

Crédit photos: Valter Berecz, Magyar Állami Operaház

 

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