Don Pasquale de Donizetti à l’Opéra de Budapest

Don Pasquale de Donizetti à l’Opéra de Budapest

Don Pasquale

Créé en janvier 1843 à Paris, au Théâtre des Italiens, Don Pasquale est l’un des derniers opéras que nous a laissés Donizetti. Considéré par d’aucun comme son chef d’œuvre, voire comme un chef d’œuvre absolu, jugement quelque peu excessif, il n’en demeure pas moins qu’avec Don Pasquale, Donizetti a porté à son sommet un genre qui allait par la suite péricliter pour ne se retrouver qu’un demi-siècle plus tard avec Falstaff, l’opéra bouffe. L’œuvre s’inspire d’un opéra donné trente années plus tôt, tombé depuis dans l’oubli, Ser Mercantonio d’un certain Pavesi, ici totalement remanié. La première, malgré quelques réserves émises par la critique, fut d’emblée un franc succès, l’œuvre se voyant reprise dès l’année de sa création sur plusieurs scènes européennes, pour être donnée pratiquement sans interruption jusqu’à nos jours. Ce qui en constitue l’attrait, tout d’abord ce mélange d’épisodes comiques avec des scènes empreintes de sentiment, voire de passion habilement entremêlées. Une partition pétillante où „aux pages du pur bel canto succèdent des morceaux de virtuosité qui confèrent à l’œuvre son entrain dramatique et, par moments, sa folle agitation” (Fr. R. Tranchefort). Nous mentionnerons à cet égard l’ironique duo de Don Pasquale et Malatesta au début de l’ouvrage, l’étourdissant trio de Norina, Malatesta et Don Pasquale au deuxième acte ou encore le duo de Norina et Malatestat qui unit le pathétique à la bouffonnerie à la fin du troisième acte, enfin la sérénade exquise d’Ernesto accompagnée par le chœur, „exemple parfait de l’inspiration mélodique du compositeur„ (Fr.R.Tr.).

L’intrigue. L’action se déroule à Rome. Don Pasquale, vieux garçon fortuné, a pour unique héritier son neveu, le jeune Ernesto. Furieux de voir Ernesto refuser le mariage avantageux que son oncle avait prévu pour lui, Don Pasquale prétend prendre femme, afin que son neveu n’hérite pas de lui. (On apprend au passage qu’Ernesto est amoureux d’une jeune veuve nommée Norina.) Là-dessus se pointe son ami (mais également ami d’Ernesto et Norina) le Docteur Malatesta qui feint d’entrer dans ses vues et lui présente sa (prétendue) sœur Sofronia qui n’est autre que Norina, la fiancée d’Ernesto. Conquis par la jeune fille douce et soumise, Don Pasquale accepte l’offre. Un plan de mariage (fictif) est dressé. Sitôt la cérémonie terminée, la jeune épouse se comporte en véritable mégère hystérique, de surcroît dépensière. Don Pasquale est atterré. Découvrant une liaison entre celle-ci et son neveu, Don Pasquale comprend tout. Dans un premier temps jaloux, Ernesto apprend par son ami le stratagème: Norina n’était pas la sœur du Docteur Malatesta. Après un mouvement d’humeur pour s’être fait duper de la sorte, Don Pasquale consent finalement au mariage des deux jeunes amants, soulagé d’échapper ainsi à une union qui s’annonçait désastreuse. Un sujet somme toute assez classique que l’on retrouve, sous des formes variées, dans d’autres œuvres.

La distribution: Don Pasquale: András, Palerdi. Dottor Malatesta: Zsolt Haja, Ernesto: István Horváth, Norina: Gabriela Hrženjak. Choeur et Orchestre de l’Opéra placés sous la direction de Levente Török, mise-en-scène: Csaba Káel.

Pour commencer, un mot sur l’interprète de Norina, la jeune soprane croate Gabriela Hrženjak. Malgré son jeune âge (27 ans), cette chanteuse dispose déjà d’un large répertoire (1). Confrontée ici à un rôle difficile, elle s’en est fort bien tirée, passant avec aisance de la jeune fille pudique et timorée à l’épouse autoritaire et volage. Tout aussi à l’aise sur le plan du chant face à une partition exigeante. Les autres rôles? Tout d’abord son soupirant, le ténor hongrois István Horváth incarnant le jeune Ernesto. "Jeune"? Pas tant que cela, puisqu’il a vingt ans de plus que sa partenaire (45 ans). De plus, loin d’offrir le physique d’un jeune premier. Mais offrant un jeu bien en place. Par contre, étant ce soir souffrant, c’est son collègue Gyula Rab (de l’Opéra de Munich) qui chanta à sa place la partition. Les autres rôles, Don Pasquale incarné par la basse hongroise András Palerdi et le baryton Zsolt Haja en Docteur Malatesta, également fort bien tenus. Le premier, formé entre autres à Vienne et aux États-Unis, disposant de solides références. Impayables dans le fameux duo (au demeurant bissé) qui referme la page sur le deuxième acte. Une légère réserve, toutefois: dans les passages forte, l’orchestre avait tendance à couvrir les voix. Un orchestre "extraverti", mais nul ne s’en plaindra.

Côté mise-en-scène, Csaba Káel (2), qui nous avait habitués à de belles mises-en-scène, nous a planté ce soir un décor pour le moins surprenant formé de figures géantes entre lesquelles évoluent ses personnages, comme réduits aux dimensions de marionnettes. Faut-il y voir un symbole? (A signaler au passage les interventions du chœur fort bien menées, traitées avec humour.)

Symboles ou non. On nous a offert ce soir un spectacle haut en couleurs et divertissant. Servi par une troupe apparemment motivée. C’est là l’essentiel.

Pierre Waline

Crédit photo : Attila Nagy, Magyar Állami Operaház

(1): se produisant régulièrement dans des rôles aussi variés que la Flûte enchantée (Reine de la Nuit), la Norma, l’Or du Rhin, Didon et Aeneas, Cendrillon (Massenet), Don Carlos, Butterfly ou encore Carmina Burarana sans oublier le répertoire contemporain. Donizetti ne lui est pas non plus inconnu, puisqu’elle s’y est produite dans l’Elixir d’Amour.

(2): par ailleurs directeur du Palais des Arts (Müpa).

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