Budapest: tenue du IVe Festival de musique sacrée (autour du nom de Joseph Haydn)

Budapest: tenue du IVe Festival de musique sacrée (autour du nom de Joseph Haydn)

IVe Festival de musique sacrée

Né en Autriche (à deux pas des plaines hongroises) et Autrichien dans l’âme, Joseph Haydn est souvent considéré par les Hongrois comme l’un des leurs. A juste titre, puisqu’il effectua la plus grande partie de sa carrière au service d’une famille princière hongroise, les Esterházy. Certes, c’est à Vienne qu’il finit ses jours et c’est à Vienne que furent créés ses deux chefs d’œuvre que sont les Saisons et la Création. Mais il n’en demeura pas moins sensible à la musique populaire hongroise sur laquelle il nous a laissé de fort belles partitions. Et, inversement, ayant influencé les musiciens hongrois de son temps.

C’est ainsi qu’établie sous le nom de Haydneum, une institution, s’inspirant en partie du Centre de Musique baroque de Versailles, s’est fixé pour but, au-delà de ses activités centrées autour de la personnalité de Haydn et de son entourage, la découverte ou redécouverte, et promotion d’œuvres inédites en rapport avec la Hongrie. Parmi ses activités (attribution de bourses, tenue de masters) figure le montage de festivals qui se tiennent chaque année au printemps et à l’automne. Tel le Festival de musique sacrée qui se tient cette année du 30 mai au 7 juin. Parmi les concerts programmés, nous en avons retenu trois montés à Budapest en l’église de l’Université (Egyetemi templom). Le premier (30 mai, „Salve Regina”) par l’ensemble Gil Angeli Genève placé sous la baguette de son fondateur Stéphane Macleod. Le suivant (5 juin, „Regina”) par l’orchestre Orfeo et le chœur Purcell placés sous la direction de György Vashegyi. Enfin, le troisième (6 juin, „Cantemus Domino”) par l’orchestre baroque Savaria, animé par son fondateur et directeur musical Pál Németh, accompagnant le chœur de chambre Capella Du Mont dans des œuvres d’Henry Du Mont, le tout sous la baguette de László Gesztesi-Tóth.

Au programme: le 30 mai, Joseph Haydn (Salve Regina, Petite messe avec orgue), Gregor Joseph Werner (Salve Regina en sol mineur, Missa alla Zoppa), Felix Mendelssohn (Salve Regina) et Johann Georg Albrtechtsberger (Salve Regina pour soprane et cordes, Fugue sur le nom de Bach). En solistes. Jone Martinez, soprane, Herlinde van de Strate, alto, Thomas Hobbs, ténor et Stéphane Macleod, basse. Le 5 juin, divers motets par Joseph et Michael Haydn et Gregor Joseph Werner (Missa Divini Amoris). En solistes, Ágnes Kovács et Katalin Szutrély, sopranes, Bernadett Nagy, alto, Zoltán Megyesi, ténor, Zoltán Melkovics et Ákos Borka, basses. Le 6 juin, œuvres (motets, duos, pièces orchestrales) d’Henry Du Mont avec en solistes Nóra Ducza, soprane, Eszter Balógh, alto, Barnabás Hegyi, contre-ténor, László Kéringer, témor, Lóránt Najbauerm baryton, László Jejkl, basse.

L’ensemble Gil Angeli de Genève, une formation dont nous ignorions jusqu’au nom et que nous découvrions ce soir. Fondée en 2005, cette formation est spécialisée dans les répertoires du XVIIe au XIXe siècle joués sur instruments d’époque, Reconnu internationalement, l’ensemble donne plus de quinze concerts par saison à Genève et à l’étranger. Également découverts ce soir, les solistes, issus d’horizons divers, mais jouissant tous d’une solide réputation, se produisant au demeurant régulièrement avec l’ensemble. Pour la deuxième soirée, les intervenants ne sont plus à présenter, déjà cités et loués dans ces colonnes, tant pour l’orchestre (Orfeo), pour le chœur (Purcell) que pour les solistes. Invitée à se produire pour la troisième soirée, la chorale Capella Du Mont a été fondée par un ancien élève au Conservatoire de Lyon, admirateur du compositeur Henry Du Mont (1610-1684) qu’il nous présente - à juste titre… - comme l’une des figures majeures du siècle de Louis XIV (László Gesztesi-Tóth).

Ne pouvant rendre compte ici de l’ensemble des trois soirées, nous nous contenterons d’en mentionner quelques temps forts. Mais tout d’abord, le cadre: offrant une somptueuse décoration enrichie d’un buffet d’orgue imposant, l’Église de l’Université est surtout réputée pour son excellente acoustique, l’une des plus recherchées de la capitale. D’emblée, soulignons la qualité des trois concerts, tant pour les œuvres choisies que pour leurs interprètes. Qualité recherchée par son fondateur György Vashegyi visant à en faire chaque année l’un des temps majeurs de la vie musicale hongroise en matière d’art sacré.

Au premier concert, le plaisir de réentendre la Petite Messe de Haydn et de découvrir celle, non moins charmante et pleine d’entrain, de son aîné Joseph Werner qui le précéda à la cour des princes Esterházy. A retenir dans la Petite Messe, le long et touchant Benedictus, ce soir admirablement servi par une jeune soprane à la voix purement angélique (Jone Martinez). Également à retenir, ce „Slave Regina” de Mendelssohn, œuvre jusqu’ici totalement ignorée, empreint d’une grande douceur et de tendresse. Le tout servi par un ensemble de cordes de dimensions réduites, d’où émergeait une violoniste solo au son d’une grande pureté. A noter que le chef, tout en dirigeant, assurait la partie de basse dans les passages chantés. Une première soirée, donc, parfaitement réussie, riche en découvertes.

Même réussite pour la soirée suivante (Michael-Joseph Haydn, Joseph Werner) offrant une formation, un chœur et des solistes de haut niveau, notamment la soprane Katalin Szutrély. Et ici encore avec une découverte: la Missa Divini Amoris de Werner. Un programme bien fourni, jugeons-en: De Werner, outre sa Messe, introduction aux oratorios Saul et David et Adam, Salve Regina en ré mineur, Regina coeli en do majeur et un Offertoire en style madrigal Cana Domini. De Joseph Haydn Offertoire Non nobis domine, Ave Regina coelorun. De son frère Michael, enfin, Offertoire Quicumque. Le chef Vashegyi nous proposant ainsi une large palette reflétant la vie musicale en Hongrie sur la seconde moitié du XVIIIe siècle. Initiative apparemment fort appréciée du public. Pour marquer la fin du concert, c’est la Missa Divini Amoris qui aura constitué le clou de la soirée. Une œuvre accomplie où le compositeur fait la part belle aux deux sopranes, qui interviennent quasi constamment en duo en alternance avec le chœur et les autres solistes. Deux sopranes, Katalin Szutrély et Ágnes Kovács aux voix idéalement complémentaires, en parfaite symbiose.

Pour clore la série, nous était proposée une soirée exclusivement consacrée à des œuvres du compositeur français d’origine belge Henry Du Mont. Encore insuffisamment reconnu de nos jours, Henry Du Mont jouit en son temps d’une grande renommée, reconnu aux côtés de Lully comme une figure majeure à la cour de Louis XIV. Maître de musique de la Reine et Sous-maître de Chapelle du Roi, Henry Du Mont nous a laissé une production abondante, principalement (mais pas uniquement) dédiée à la musique religieuse. Ce qu’en dit la critique: „Son œuvre fait preuve d’une grande science du contrepoint et d’une remarquable modernité” (wikipédia). Les pièces inscrites au programme, „petits et grands” motets, duos. Un concert qui se démarquait des deux précédents nous ramenant un siècle en arrière pour une ambiance à la fois plus recueillie mais en même temps non dépourvue d’une certaine solennité par les interventions du chœur. Du Mont, un compositeur que l’on compare parfois à Dietrich Bruxtehude (en „version française”), un style qui, sous certains aspects, annoncerait de loin un Marc Antoine Charpentier ou encore un Mondonville. Quoi qu’il en soit, le concert - se clôturant sur un splendide Magnificat - qui nous a été proposé ce soir nous a largement convaincus. Concert admirablement servi tant par le chœur, les solistes et l’orchestre, mais c’est surtout le chœur, par ses interventions, qui nous a impressionnés.

Pour conclure: avec ces manifestations, la preuve nous est une fois de plus donnée, si besoin en était, que la place de Budapest figure aujourd’hui parmi les principaux centres de la vie musicale en Europe, tant par le nombre et la diversité, que par la qualité des programmations qui y sont proposées.

Pierre Waline

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