Ákos Matzon : entre art et architecture, une exposition à la croisée des disciplines
Explorateur de la frontière entre architecture, sculpture et peinture, Ákos Matzon ne cesse de surprendre avec ses œuvres empreintes de symbolisme et de rigueur géométrique.
Plongez avec nous dans sa nouvelle exposition à la Virág Judit Galéria, l’une des plus prestigieuses galeries d’art de la capitale hongroise.
Une immersion dans l’univers de Matzon
Le 5 juin 2025, nous avons eu l'honneur de découvrir l'exposition d'Ákos Matzon intitulée Matzon Á-Z. Guidée par Matzon lui-même, la visite personnalisée nous a offert un aperçu rare de son univers et des rouages de son processus de création. Ses explications, passionnantes et riches de sens, ont permis de mieux saisir la portée symbolique et conceptuelle de ses œuvres.

Un architecte devenu artiste
Ákos Matzon est un peintre et architecte hongrois, né en 1945 à Budapest. Dès l’enfance, il développe une curiosité pour l’art, mais refuse d’abord de suivre les traces de son père, le sculpteur Frigyes Matzon. Il entreprend donc des études en architecture à la BME (Budapest University of Technology and Economics), puis à l’université Pollack Mihály, avec l’ambition de devenir professeur technique.
Il effectue ensuite plusieurs voyages d’études en France, en Allemagne et en Suisse, qui influenceront profondément sa démarche artistique. La pensée du philosophe Pierre Teilhard de Chardin, notamment son concept du Point Oméga, l’inspire tout particulièrement.
C’est à l’âge de 44 ans, à la fin des années 1980, que Matzon décide de se consacrer à l’art. S’inspirant grandement de l’esthétique du mouvement Bauhaus, il commence alors à allier l’architecture à l'art pour explorer des concepts et des réflexions existentielles. Malgré ce changement de carrière, il précisera plus tard que "son âme reste invariablement celle d’un architecte".
Il organise sa première exposition en 1990 au János Xántus Museum de Győr. Récompensé au fil des années, il reçoit notamment la Bourse de la Fondation Pollock-Krasner (New York, 1998) et le prestigieux Prix Mihály von Munkácsy (2010). Ses œuvres sont exposées dans de nombreux musées en Hongrie et à l’étranger, notamment au Musée MADI de Dallas, aux États-Unis.

Exposition Matzon Á-Z
L’exposition actuelle, Matzon Á-Z, est très représentative de la quête artistique de Matzon et de sa vision du monde. Rassemblant des œuvres créées sur plusieurs décennies, elle nous plonge dans un univers singulier où se mélangent dimensionnalité, géométrie et réflexions introspectives.
Durant de la visite guidée, Matzon a évoqué les défis liés à la peinture : comment représenter l’espace, la profondeur, les volumes, sur une surface plane ? C’est dans cette difficulté que s’inscrit sa démarche artistique. En mobilisant son expérience d’architecte, il parvient à surpasser cet obstacle en expérimentant avec divers matériaux et couleurs.

Un aperçu de la deuxième salle - une réflexion structuraliste
La deuxième salle de l'exposition est consacrée à un thème central dans la réflexion de Matzon : les réseaux, le WEB, les systèmes d'interconnexion. Selon lui, notre quotidien serait comme entièrement structuré par des réseaux invisibles - réseaux sociaux, réseaux de pouvoir, réseaux de contrôle, mais aussi réseaux de règles, d’interdits, de normes de conduite. Ainsi, toute existence humaine se déroulerait dans un environnement quadrillé, et d'une certaine manière, contraint. Mais cette « captivité » ne serait pas purement négative : l’absence totale de règles mènerait au chaos, nous a-t-il précisé.
À travers cette série d'œuvres, Matzon interroge la tension entre l'ordre et la liberté, entre le contrôle et l'autonomie.
Un hommage discret
Parmi les différentes séries de l'exposition, un ensemble de collages aux couleurs vives attire l'attention. Composés de quatre à cinq couches superposées de papier perforé, ces compositions s'inscrivent dans le monde du biologique et représentent le mouvement des molécules ainsi que ses millions de variations possibles. Matzon nous explique avoir voulu rendre hommage au travail de la chercheuse biochimiste hongroise Katalin Karikó. Elle reçoit en 2023 le prix Nobel de médecine, aux côtés du chercheur-médecin Drew Weissman, pour leur travail sur le développement des vaccins à ARN messager durant la pandémie du COVID-19.
Cette dédicace silencieuse rend compte de l'admiration sincère que Matzon aborde pour les avancées scientifiques, en plus de traduire son émerveillement face à la complexité du fonctionnement biologique.

Mû par une envie profonde de saisir l'ordre des choses, Matzon tente continuellement de repousser les limites de sa compréhension du monde. Cette quête se traduit à travers des répétitions, des jeux de dimensions et l'usage varié de matériaux, pour finalement, se matérialiser en œuvres authentiques. Son art, situé à la croisée des disciplines, offre matière à réflexion tout en invitant à se questionner soi-même sur son propre cadre d'interprétations et de croyances.
L'exposition et la vente de ses œuvres se tiennent du 5 juin au 29 août 2025 dans la galerie Virág Judit de Budapest, au 30, rue Falk Miksa.
Cassandre Marigny, Manon Guignard & Manon Wermeille
Photos : Cassandre Marigny