Expo: Retours tardifs

Expo: Retours tardifs

L’art en exil : Retours tardifs est le titre d’une nouvelle exposition dédiée à trois artistes hongrois devenus parisiens. Trois itinéraires singuliers mais tous trois peintres et sculpteurs reconnus avant la guerre puis persécutés à cause de leurs origines juives. Le dessin A l’ombre de la mort est en quelque sorte emblématique de l’ensemble de l’exposition de ces artistes qui ont vécu la montée du nazisme. Avant cela, ils vivaient et représentaient des moments de bonheur dans des paysages ensoleillés ou dans les cafés parisiens, ce dont témoignent également plusieurs toiles accrochées. En effet, un grand nombre des œuvres présentées dans le cadre de cette exposition est né avant les déportations.

Le peintre Sigismund Wittmann est resté libre en luttant dans les rangs des Forces Françaises Libres. Béla Mészöly-Munkás a quant à lui été déporté à Drancy avant de périr à Auschwitz. La sculptrice Edit Kiss-Bán a survécu la déportation mais son destin nous rappelle celui de l’écrivain italien Primo Levi. Tout ce qu’elle avait dessiné dans les camps lui a été pris par les gardiens. Dès la libération, elle a pourtant réalisé un album sur la déportation et un monument érigé à la mémoire des martyrs. Elle s’est donné la mort 20 ans plus tard.

A Paris, une belle exposition avait été consacrée à ce sujet en 1947, inaugurée par Jean Cassou, puis, en 2005, sous le titre Montparnasse déporté. Toutes deux ont rendu hommage à ces artistes martyrs et tombés dans l’oubli dans leur Hongrie natale. Aujourd’hui, ces artistes reviennent symboliquement dans leur pays grâce à la commissaire d’exposition Júlia Cserba ainsi que toute l’équipe du Centre de l’Holocauste. Un beau catalogue leur est dédié avec des dessins, des toiles retrouvées et même de nouveaux tirages de gravures effectués d’après des plaques sauvées. Cette exposition marque un nouveau départ car, tout en retraçant des étapes dramatiques, on y retrouve tous les aspects de la vie, des paysages paisibles et les Montparnos célèbres. Car Sigismund Wittmann est vite devenu un vrai Montparno, signant ses toiles Sigur. Il s’installe dans le même immeuble que Chagall, avec qui il se lie d’amitié, de même qu’avec Arthur Adamov, Lajos Tihanyi et le caricaturiste Ernô Bíró. Arrivé de Berlin en passant par le Danemark, si l’influence du cubisme et de l’Ecole de Paris sont incontestables dans son œuvre, on découvre en même temps des ponts de Berlin et son “monstre” dessiné à l’encre de chine évoque Max Ernst ou Chirico. Adam et Eve chassés du Paradis est une œuvre de Mészöly aux couleurs et aux lumières vives. Puis apparaissent des images sombres – comme un pressentiment des temps tragiques – tant sur ses portraits que dans ses paysages: Piccadilly et la figure d’une pauvre vieille femme, mais aussi le Rabbin et le Tzaddik. Quant à Edith Kiss-Ban, qui la connaissait vraiment ? Après la réalisation de son album sur la déportation et d’un grand monument dédié aux victimes de la Shoah, on ne l’a pratiquement plus revue sur la scène artistique. «She was a mystery», dit-on d’elle à Londres où elle travaillait à l’ Institut d’Anna Freud avant sa mort.

Éva Vámos

 

Retours tardifs

Holokauszt Emlékközpont

1094 Budapest, Páva u. 39.

Ouvert tlj sauf lundi de 10:00 à 18:00 jusqu’au 15 août

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