Comme d’habitude...

Comme d’habitude...

S’il y a bien une chose qui ne change jamais, c’est l’humeur des agriculteurs. Vous l’aurez deviné sans trop de difficultés, ceux-ci ne sont pas contents. En effet, comme le veut la loi de ce marché, le cours des céréales suit celui du pétrole. Tous les cours sont donc à la baisse. Et pour les autres productions, l’avenir semble sombre même si certains s’en sortent encore bien.

Les consommateurs, échaudés par l’augmentation des prix des produits alimentaires, ont modifié leur comportement, ce qui se ressent sur la demande. Avec les niveaux de stocks qui seront, très probablement, en hausse dans l’Union européenne, il est probable que cette tendance ne s’inversera pas pour la campagne qui vient. Les stocks prévisionnels indiquent que, malgré les avertissements, du fait des situations individuelles et des emprunts contractés, les exploitants agricoles n’ont pas réduit drastiquement leur production. Comme le marché n’est pas dans une logique de manque, il est très probable que la campagne 2009/2010 sera une campagne neutre. Avec les dévaluations monétaires en Ukraine et en Russie, la concurrence à l’exportation sera rude.

S’il est exact que l’agriculture hongroise se modernise, du moins les exploitations les plus favorisées, ne vaudrait-il pas mieux sortir d’abord, partiellement au moins, de la logique des aides et subventions, le temps de voir se clarifier l’organisation actuelle de la production? La logique d’indépendance alimentaire poussée à son extrême fausse les lois du marché au point que certains aspects de la PAC (KAP en Hongrie) frôlent l’absurde.

La tendance à la recherche de productions niches et le retour de certains exploitants à la production bio se poursuivent, ces solutions sont les plus pragmatiques pour les petites exploitations hongroises et représentent encore un bon potentiel malgré la crise, c’est la voie à suivre individuellement. Pour les productions «classiques» (il est intéressant de noter que le «classicisme» en matière agricole c’est de produire de manière industrielle à l’aide d’engrais chimique, les Jourdain agriculteurs du XVIIe faisaient de l’agriculture «de pointe» sans le savoir ), la concurrence est inégale et les lois du marché sans pitié, inutile de se voiler les yeux.

La crise du lait (lire l’article sur cette question dans le JFB n°297) illustre le fait qu’il est difficile de vivre le phénomène de la mondialisation tout en refusant de l’intégrer aux politiques agricoles. La seule solution à ce type de contradiction résiderait dans un soutien indéfectible des populations. Ne boire que du lait hongrois AOC permettrait de soutenir la production maison, mais tout le monde sait que ce que veut le consommateur ce sont des prix bas. Le système de stockage des excédents de beurre a démarré avec deux mois d’avance dans l’UE, les aides à l’exportation ont été réactivées, une philosophie en vigueur depuis trente ans qui vise à maintenir artificiellement en vie toutes les productions agricoles dans le cas hypothétique où une guerre nous couperait la route du beurre et que l’ennemi voudrait nous affamer et qui est dépassée. L’UE semble commencer à en prendre conscience, même si la Commission européenne n’ose en tirer les conséquences publiquement et choisit de donner «plus de libertés aux agriculteurs» comme on rend «sa liberté» à un salarié licencié.

Ainsi la Commission affirme que «nous sommes (...) très loin des «lacs de vin» et des «montagnes de beurre», symboles d'une époque où la surproduction chronique tirait les prix à la baisse et rendait de nombreux agriculteurs dépendants des subventions de l'UE. Aujourd'hui, le prix des denrées alimentaires flambe et, dans le monde entier, les agriculteurs peinent à satisfaire à une demande en hausse. La nouvelle lé-gislation de l'UE devrait aider les exploitations agricoles européennes à répondre à cette demande en augmentant leurs exportations». Néanmoins, on va redéfinir les aides et supprimer les quotas, vers plus de libéralisme, parce que même vu de Bruxelles nous allons droit dans le mur depuis des années.

Il existe bien un problème d’équilibre entre la demande et l’offre, et celui-ci change selon les années et les filières – les céréales et le lait en sont des exemples criants, on ne pourra jamais y remédier, autant en tenir compte. La tendance actuelle à une redéfinition des réglementations est, enfin, l’aveu discret qu’il serait temps de réintroduire un peu de l’esprit d’Adam Smith dans l’agriculture.

Xavier Glangeaud

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