Collage littéraire

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Péter Esterházy accusé de plagiat

L’un des écrivains contemporains hongrois les plus reconnus au niveau international, Péter Esterházy, est accusé de “s’être paré des plumes du paon” dans son œuvre la plus célebre, Harmonia Caelestis.

Un écrivain allemand, Sigfrid Gauch, accuse Péter Esterházy d’avoir repris sans sa permission des chapitres entiers de son roman Vaterspuren dans le roman le plus célèbre de l’écrivain hongrois sur l’histoire de sa famille, Harmonia Caelestis, publié en 2000. Outre Gauch, Esterházy a également utilisé des textes de plusieurs auteurs américains, allemands et hongrois. Ces accusations, formulées pour la première fois il y a 9 ans, ont été reprises par Gauch à l’occasion d’un débat sur un récent scandale de plagiat dont la jeune écrivaine de 17 ans, Helene Hegemann, en lice pour le prix littéraire de Lepizig cette année pour son nouveau livre Axolotl Roadkill, était l’auteure. Dans le cas de Hegemann, il a été découvert que le jeune talent avait repris une grande partie de son oeuvre d’un blog publié sur Internet. (Finalement c’est un Hongrois vivant à Berlin, György Dalos, qui a reçu le prix littéraire allemand, doté de 15.000 euros cette année.)

En ce qui concerne Esterházy, il s’est expliqué dans le cadre d’une émission télévisée allemande en indiquant qu’il avait souhaité réorganiser ces textes dans un nouveau contexte, de la même manière que, dans la construction d’une nouvelle maison, les ouvriers utilisent des briques différentes. La liste – presque complète – des sources de l’auteur a été mentionnée dans les versions anglaises et allemandes de Harmonia Caelestis, bien que la première édition hongroise n’ait pas mentionné ces contributeurs involontaires. Esterházy a par ailleurs remis en question les accusations de Gauch sur plusieurs points. Il est par exemple faux que plusieurs collègues américains ont porté plainte contre Esterházy, comme le soutenait Gauch. Puis, contrairement à la déclaration de Gauch qui évoquait les 23 pages qu’Esterházy aurait repris du livre d’un autre écrivain allemand, Ernst Jünger, il ne s’agit en fait que d’une demi page. Le traducteur de l’édition allemande, Teresia Mora, défend également Esterházy. Elle a rappelé que c’était Péter Esterházy qui lui avait demandé de reprendre la version originale des textes, au lieu de les re-traduire du hongrois vers l’allemand, et ce afin de signaler leur origine.

Il existe par ailleurs un cadre légal au collage littéraire. Bien que, selon le critique littéraire du quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, Lothar Müller, les écrivains cités dans Harmonia Caeletis puissent demander une commission sur les revenus d’Esterházy, l’Alliance des Écrivains Allemands souligne que reprendre des textes d’autrui en mentionnant leur source et ce sans obligation de paiement est une pratique conforme à la réglementation actuelle.

Cependant ce nouveau “remix littéraire” est également critiqué en Hongrie. L’écrivain et rédactrice Zsuzsa Bruria Forgács avait ainsi publié un article dans l’hebdomdaire hongrois Magyar Narancs en 2007 dénonçant la légalité morale des soi-disant “textes revisités” dans l’ œuvre d’Esterházy. Elle réitère ses attaques cette année dans un commentaire sur un article paru sur l’affaire Esterházy en remarquant que la maison d’édition Magvető devrait publier la liste complète des références empruntées. La maison d’édition pourrait la distribuer aux détenteurs de la première édition hongroise, sur présentation du roman, par exemple à l’occasion du festival international du livre qui aura lieu entre les 22 et 26 avril prochain.

Judit Zeisler

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