Cinéma bio

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Rencontre avec Jean-Paul Jaud, réalisateur militant

100.000 enfants meurent chaque année en Europe de maladies causées par l’environnement, telle est la sonnette d’alarme tirée par le documentaire Nos enfants nous accuseront.Ce film présente une solution possible à cette dégardation de l’environnement notamment à travers l’exemple de la ville de Barjac qui a choisi d’opter pour une cantine scolaire bio. Un an et demi après sa Première en France, le film a été présenté le 22 avril dans les cinémas hongrois. Nous avons rencontré son réalisateur, le scénariste et producteur Jean-Paul Jaud, à cette occasion.

JFB: Votre film transmet des messages très forts et très importants. Quels étaient les effets escomptés lorsque vous avez entrepris sa production?

Jean-Paul Jaud: J’ai fait ce film parce qu’aujourd’hui il est absolument inacceptable de voir notre patrimoine naturel massacré. L’un des principaux artisans de ce massacre est l’agriculture chimique. Elle tue le vivant, qu’il soit animal ou végétal, mais elle tue surtout les générations de demain. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, comme le dit John Peterson Meyers dans le film, la génération à venir ne sera pas en meilleure santé que ses parents mais au contraire en moins bonne santé!

JFB: En France 300.000 personnes ont vu votre film depuis sa sortie. Avez-vous pu observer des changements comportementaux grâce à votre documentaire ?

J.P.J: La consommation du bio en France a augmenté de 20% en un an. Ce film n’est pas le seul paramètre qui a influencé cette tendance mais il y a contribué, j’en suis sûr. Nous avons également relevé de nombreux témoignages de changement parmi les agriculteurs et les écoles. Même l’École d’Administration Pénitentiaire, dans le Sud-Ouest de la France, a projeté ce film à ses élèves et à ses cadres. Cela signifie qu’ils ont pris conscience de l’importance de l’alimentation, même en milieu carcéral.

JFB: Comment le secteur agro-alimentaire a-t-il réagi à votre film? Avez-vous dû faire face à des attaques?

J.P.J: Oui j’ai subi des attaques, notamment sur Internet mais aussi au cours de débats auxquels participaient des agriculteurs adeptes de l’agriculture intensive. Après ces discussions, ces derniers ont convenu qu’ils souhaitaient pouvoir changer, bien que cela soit difficile. J’ai également été visé par des marchands de pesticides, qui ont affirmé que les chiffres que je mentionne dans ce film sont faux. Or si ces données, basées sur des sources internationales, sont fausses, pourquoi ce film n’a-t-il donné lieu à aucun procès? Pourquoi ces gens qui m’accusent ne m’ont jamais traîné devant les tribunaux?

JFB: Le film a été également critiqué et qualifié de propagande pro-bio.

J.P.J: Ce film ne fait que dire la vérité. Il ne fait que dire pourquoi, depuis un demi siècle, on oblige les mamans à nourrir leurs enfants avec des produits chimiques de synthèse qui génèrent des maladies chroniques comme le diabète, l’hypofertilité, l’hyperactivité, mais aussi le cancer. Cette rupture de l’harmonie avec notre écosystème a provoqué la disparition de 30% des espèces vivantes. Où la recherche d’un profit à court terme pour une toute petite minorité va-t-elle encore nous mener? On sait en outre que la richesse de cette toute petite minorité s’accroit parallèlement avec la pauvreté du plus grand nombre.

JFB: Les sceptiques soutiennent aussi que «le bio est trop cher» et qu’il serait impossible de nourrir la planète à l’aide d’une production bio ou naturelle.

J.P.J: C’est faux. A Barjac 63% des foyers sont non imposables. Alors on gère autrement. Les mamans achètent moins, elles jettent moins. Ensuite, est-ce que le bio peut nourrir la planète? Au mois d’avril 2007, les responsables de la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture – J.Z.) ont publié des études qui prouvent que l’on pourrait nourrir la planète grâce à l’agriculture biologique. Quelque temps après, le président de FAO, monsieur Diouf, a contesté les conclusions de ses propres chercheurs.

JFB: Pourquoi?

J.P.J: Il faudrait le demander aux lobbies.

JFB: Malgré ces difficultés, vous continuez à tourner des films autour de cette problématique: l’agriculture et la biodiversité. Quel est le sujet principal de votre nouveau film, qui sortira cette année?

JPJ: Le personnage principal est une petite fille qui avait 12 ans en 1992. Elle a prononcé un discours bouleversant lors du premier sommet de l’ONU à Rio de Janeiro. Elle est canadienne et s’appelle Severn. 18 ans après, ses paroles ont encore plus d’actualité. Elle essaie de dire: s’il vous plaît, respectez notre biodiversité sinon nous allons disparaitre. Ce nouveau film a été tourné dans trois pays: au Canada, en France et au Japon. Ces trois pays ont un point commun: au nom de l’économie et, de nouveau, au profit d’une minorité, ils ont détruit leurs richesses naturelles. Ces trois pays ont le devoir aujourd’hui de montrer l’exemple.

Judit Zeisler 

Filmographie de Jean-Paul Jaud

• Severn, la voix de nos enfants (2010)

• Nos enfants nous accuseront (2008)

• Les quatre saisons d’Yquem (2001)

• Quatre saisons pour un festin (1999)

• Football: du rêve à la réalité (1998)

• Quatre saisons entre Marennes et Oléron (1997)

• Quatre saisons du berger (1992)

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