Juste incomplète ou fallacieuse ?

Juste incomplète ou fallacieuse ?

Traduction de la nouvelle constitution

 

C’est à croire que la Hongrie, avec à sa tête Viktor Orbán, s’expose torse nu face à une Union européenne qui depuis un certain temps ne sait plus où donner de la tête avec ce premier ministre qui ose tout. Orbán ne cesse d’étonner en présentant sa nouvelle constitution au Parlement européen.

Cette constitution attise le feu et suscite les plus graves critiques de la part de plusieurs Eurodéputés, ainsi que de vives inquiétudes sur la capacité du gouvernement à préserver la démocratie dans un pays rongé par la dislocation des forces politiques internes et très touché par la crise économique.

Ce texte constitutionnel, à tonalité conservatrice, rappelle d’anciennes traditions identitaires de la nation hongroise. Il est considéré comme «la constitution du 21ème siècle» par son initiateur, József Szájer, président du comité de rédaction, Eurodéputé et vice-président du Parti Populaire Européen.

Débats à huis-clos

A l'image du comité de rédaction de la constitution, composé de seulement trois parlementaires, les débats au Parlement furent sommaires et sans intérêts particuliers : les socialistes et les libéraux ont refusé d'y participer, considérant que cette constitution n'est le travail que d’un groupe restreint, d’un parti qui, sans le cacher, ne misait absolument pas sur une contribution nationale. Et pourtant, même les plus proches de la majorité parlementaire n'ont pas forcément pu intervenir dans ce travail, comme Lajos Bokros, ancien ministre et actuellement Eurodéputé. Ce dernier n'a pas manqué de citer l'ensemble de ses confrères qui ont essuyé les mêmes refus : László Sólyom, premier président du Conseil constitutionnel et ancien président hongrois, Péter Paczolay, président actuel du Conseil constitutionnel, András Baka, président de la Cour suprême, János Kis, ancien président des libéraux hongrois et Ernô Kállai, médiateur pour les droits des minorités ethniques nationales, ont tous critiqué énergiquement le texte qui, selon eux, viole les principes démocratiques. En dehors de la Hongrie, des voix se sont également élevées pour le retrait de ce projet de constitution : Sarah Ludfort (ALDE, Royaume-Uni) a ainsi remis en cause plusieurs parties et dispositions du texte. Cette dernière a affirmé : «cette constitution n’a rien de libérale et pourtant je suis libérable». Elle a insisté sur le fait que certains points sont «matière à de sérieux contentieux» et a conclu que : « ce texte est irresponsable et dangereux ».

Quels sont les points critiquables de la constitution ?

Une des notions importantes de cette constitution est la famille. Se reposant sur ce pilier social fondamental, le projet de constitution insiste sur le fait qu' «une famille fonctionne de la même façon qu’une communauté». Par conséquent, l'institution du mariage devient primordiale et constitue les bases du développement économique et social du pays. Ces premières lignes du préambule ont suscité de profondes inquiétudes pour une partie de la population, en particulier pour la communauté homosexuelle. Cette dernière déclare que ces principes violent la dignité humaine et sont discriminatoires.L’avortement pourrait également être remis en cause sur le fondement des valeurs chrétiennes prônées dans le texte.

Le droit de vote familial, qui permet aux parents de voter pour leurs enfants mineurs, a fait l'objet d'un vaste débat avant d'être finalement retiré du texte de la constitution, étant trop contestable et très contesté !

Une traduction incomplète

Pour défendre son texte contre toutes les attaques qu’il considère comme étant injustifiées, Szajer József insiste sur les sources d'inspiration européennes de la constitution : « cette constitution est en accord total avec les objectifs du Traité de Lisbonne : unis dans la diversité »a-t-il déclaré. Ainsi soit-il, répondent les européens !!! Non, répliquent trois ONG hongroises, à savoir le TASZ (défense des libertés individuelles), l’Institut Eötvös Károly et le Hungarian Helsinki Committee. Les trois ONG ont adressé une lettre au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et aux dirigeants des groupes au Parlement européen afin d’attirer leur attention sur la traduction incorrecte et fallacieuse du projet. Hungarian Helsinki Committee a transmis une nouvelle traduction en anglais démontrant que la version envoyée par József Szájer est inexacte et dissimule certaines intentions du gouvernement FIDESZ-KDNP. D’ailleurs de nombreuses organisations civiles ont rejoint les positions de cette ONG. Cette dernière signale que la rédaction du texte constitutionnel s'est faite dans l'urgence, que ce projet de constitution ne figurait même pas dans les promesses de campagne du gouvernement actuel : le texte a été rendu public le 14 mars et les débats parlementaires n’ont duré que neuf jours, en tout et pour tout. Pour l'ONG parler de « débats » devient chimérique.

Autre point important que Hungarian Helsinki Committee a souhaité mettre en évidence : la consultation nationale organisée pour finaliser le projet. L’ONG affirme qu’une partie des questions posées lors de la consultation n'est pas directement liée au contenu de la constitution.

Par ailleurs, la traduction du texte constitutionnel fait abstraction du droit de pérennité de la constitution entrée en vigueur en octobre 1989, et par conséquent nie l’existence du Conseil constitutionnel. Parmi plusieurs autres éléments non mentionnés dans la traducation, Hungarian Helsinki Committee insiste sur le fait que la prison à vie n’y est pas évoqué et que cette peine n’est pourtant pas compatible avec les attentes des organes compétents du Conseil de l’Europe.

En réalité, la liste des éléments non cités dans cette fameuse traduction semble être très longue. Cette traduction incomplète pousse dès lors à se poser des questions sur les intentions du gouvernement d'Orbán. Les explications fournies par József Szájer ne font pas du tout l’unanimité : «La remise de la traduction préliminaire aux Eurodéputés ne s’est pas faite au nom du gouvernement hongrois mais tout simplement en mon nom personnel, en tant qu’Eurodéputé. J'ai voulu donné à mes mes collègues parlementaires cette première version pour qu'ils aient les premiers connaissance de notre travail», a expliqué József Szájer.

Hamid Hammad

 

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