Les somnambules

Les somnambules

Mathias Schauwecker à la Galerie Várfok

Formé à l’Ecole des Beaux Arts de Paris, le jeune zürichois Mathias Schauwecker a poursuivi sa carrière de peintre durant un quart de siècle dans la capitale française. Ses toiles et dessins sur papier inspirés d’oeuvres poétiques telles que les haikus et influencés par les grands maîtres de la psychanalyse sont exposés à la galerie Várfok.

Éva Vámos •

Les somnambules font référence au rêve, cet état entre le sommeil et l’éveil, où l’on se trouve dans la pénombre. Comme l'artiste nous le confie lors du vernissage à Budapest, il consacre cette série sur toile très colorée à ce thème qui lui est cher. Une de ses séries de peintures dédiée à godzilla envahissant la ville, exposée à la Galerie Várfok en 2008, s’inscrivait déjà dans un univers fantastique peuplé d’anciens dragons. Depuis la galerie a été agrandie et est devenue un lieu idéal pour accueillir les nouveaux dessins de grand format de l’artiste. Cette galerie sur la route du château royal est l'une des premières galeries privées contemporaines hongroises et travaille avec un cercle d’artistes dont plusieurs sont liés à la France.

Dans les grands espaces, Matthias Schauwecker a réussi à créer une sorte de dialogue entre ses dessins au fusain. Les corps humains tournés et déformés rappellent l’univers de Hieronymus Bosch ainsi que de Egon Schiele – ces formes surprenantes interpellent le visiteur. L’artiste a bien voulu répondre à l’historienne d’art Róna Kopeczky qui l’a présenté devant un grand public lors du vernissage. Le peintre emploie les termes de la psychanalyse, comme la cicatrice, l’introjection ou la déformation, pour nous rapprocher de son univers. Il fait référence à Freud, Lacan et Sándor Ferenczi pour expliquer comment le monde extérieur perce dans l’imaginaire de l’individu. Dans la grande salle sont affichés les textes de Freud et de Lacan sur la déformation du corps et la dépersonnalisation. Pour lui, le corps humain est une abstraction et les images expriment des états-d’âme – il veut faire le lien entre le spectateur et son état psychique. L’art japonais inspire l’artiste dans sa conception du corps humain et il aime comparer l’interprétation de son art à la lecture d’un haiku. Il a dédié d’ailleurs une série d’estampes aux fictions poétiques de Iain Watson : Alchimie – exposée à l’entrée de la galerie.

Ses corps ne connaissent pas les lois traditionnelles de la gravité – il a recomposé les différentes parties du corps d’une manière ludique. Il aime jouer également avec les lettres et les mots. Ce n’est pas par le côté violent et malsain qu’il faut interpréter la série – pense l’artiste.

On retrouve à Budapest une vidéo qui devait servir de décor pour un spectacle de danse contemporaine à l'opéra. Schauwecker avait d'abord été présenté à la Villa Bernasconi à Genève. À l'époque il dessinait des lignes continues qui ne s’arrêtaient pas – les formes humaines et animales se mêlant. Beaucoup de ses dessins reprennent la technique de la superposition. Luc Ferry, qui avait écrit dans le catalogue d'une exposition ayant eu lieu à Paris puis à Londres en 1997, a associé le travail de Schauwecker à la postmodernité.

Cet artiste originaire de Suisse alémanique est devenu méditerranéen au fil des années – après 25 ans passés à Paris il vient de s’installer dans son atelier à Berlin. Il ressent maintenant un certain décalage des sensibilités, comme par exemple dans la réception des expressionnistes allemands en France, pays de tradition plus décorative. Mathias Schauwecker est citoyen du monde, et participe à des événements hongrois par l'intermédiaire de la galerie parisienne Keller, en tant qu'invité d’expositions collectives.

Éva Vámos

Galerie Várfok, Budapest, Várfok utca 11 ouvert jusqu’au 30 juillet du mardi au samedi de 11h00 à 18h00

 

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