Festival du film francophone de Budapest, les prix de la rédaction

Festival du film francophone de Budapest, les prix de la rédaction

Le mois de la francophonie de Budapest, fâcheusement écourté par la pandémie mondiale du Covid-19, mérite que l’on s’y replonge. Le Festival du film Francophone qui a ouvert, le 26 février dernier, le mois de la francophonie a rassemblé de nombreux spectateurs autour de vingt-trois films. La programmation haute en couleurs a retenu l’attention de la rédaction qui a sélectionné les meilleures œuvres cinématographiques. De l’humour, de la poésie, de belles histoires, rien de tel pour s’évader en ces temps de confinement.

Film le plus théâtral : Chambre 212

Christophe Honoré signe le film le plus inattendu du festival. Le Français réalise un film audacieusement théâtral sur grand écran. Et c’est du jamais vu !  De la prononciation articulée comme sur les planches au rythme parfait en passant par les décors et les travellings, Chambre 212 est l’un de ses plus beaux films, si ce n’est le meilleur. Le réalisateur des Bien-Aimés et des Chansons d’amour aborde d’une façon nouvelle l’amour, usé, d’un couple. Contre toute attente, le film évite l’excès cliché de mélancolie et est ponctué de notes d’humour bien placées. Le quatuor Chiara Mastroianni, Benjamin Biolay, Vincent Lacoste et Camille Cottin porte au sommet un scénario magistral. Chiara Mastroianni s’illustre tout particulièrement dans ce rôle réjouissant qu’elle interprète sans fausse note.

 

 

Film le plus poétique : L’extraordinaire voyage de Marona

Ce film d’animation s’ouvre sur le banal accident d’une voiture qui renverse une chienne. L’histoire anodine vécue par de nombreux foyers se transforme aussitôt en un conte poétique. Marona, la chienne au crépuscule de sa vie, se remémore sa vie et ses « humains » qui l’ont accompagnée. Le public est embarqué dès lors dans un tourbillon de couleurs, de formes et de personnages. Anca Damian, la réalisatrice, use avec brio de différentes techniques et s’approprie des mouvements picturaux qui transforment une histoire qui paraîtrait sans intérêt en une épopée enchanteresse. Lorsque le générique et la réapparition des lumières dans la salle sonnent la fin de ce voyage, difficile de se défaire de Marona et de son univers.

Film le plus fou : Le Daim

Et c’est encore un chef d’œuvre de l’absurde que nous propose Quentin Dupieux pour son dernier film avec deux belles têtes d’affiches : Adèle Haenel et Jean Dujardin.  Jouant à nouveau avec les limites du spectateur, c’est dans un paysage de montagne entre la désolation et la beauté que nous suivons Georges [Jean Dujardin] sombré dans les limites de la folie dans sa relation avec son blouson de daim à franges, décidément mythique, et la réalisation de son film pour son « grand projet ». Dupieux reprend les codes des films de thrillers américains du siècle précédent, dans sa pesanteur et l’intérêt porté aux néons. Le Daim emporte son spectateur avec plaisir dans un univers où la logique de notre société n’a plus de sens, un film beau et absurde comme on les aime.

Film le plus engagé : Un homme est mort

L’adaptation de la BD éponyme de Kris et Etienne Davodeau, publié en 2006 sorti chez Futuropolis, revient sur une période de la France que les livres d’histoire et la mémoire commune a oublié : les mouvements ouvriers dans les villes détruites par les bombardements alliés. Ici, ce sont des hommes et femmes vivants dans des baraquements, dans une ville dévastée, et qui doivent reconstruire Brest en travaillant durement sans droits ni paye convenable. Dans ce film d’animation on ressent la douleur de ces hommes, pour qui les patrons sont l’ennemi. Et les flics aussi, ceux qui vont tirer sur la foule et tuer l’ouvrier Edouard Mazé en 1950. Mais cette histoire revient aussi sur la relation entre le cinéma et le mouvement ouvrier, notamment autour du personnage de René Vautier. Un réalisateur engagé anticolonialiste (censuré suite à son court-métrage Afrique 50 qui sera diffusé clandestinement) et communiste. Ce film Un homme est mort, le titre est tiré du poème de Paul Eluard, est considéré comme l’acte de naissance du cinéma d’intervention sociale. Et est d’autant plus important dans les mémoires, vu que toutes les copies ont désormais disparu. Un homme est mort est un bon long-métrage d’Olivier Cossu qui donne envie de se plonger dans l’histoire des mouvements sociaux des années 1950, et de relire à nouveau l’œuvre complexe et engagée d’Etienne Davodeau.   

Sandra Merlet et Manon Martel

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