Sans titre

Sans titre

Exposition "Sans titre"

Sous-titre : Exposition Margit Balla

Non, il ne s’agit pas de son titre mais bien d’une réalité : l’exposition n’a pas de nom. Pourtant, celle-ci essaie par ce moyen d’exprimer et donc par extension de nommer bien des choses. Margit Balla d’ailleurs, la créatrice de l’exposition, explique par le prisme du texte de présentation de son œuvre que chaque hongrois est un mix, comme l’est en réalité son travail, de plusieurs flux. Chacun d’entre eux allient plusieurs matières qui, une fois mélangées, donnent un tissu unique, au même titre de l’exposition mêlant peintures, dessins et photographies. L’artiste tente ainsi par ce choix de titrage de nommer qu’il est tout bonnement impossible de nommer une entité par un simple mot, cela reviendrait certainement à la réduire… Mais encore faut-il le remarquer et ça, c’est au spectateur de le faire.

C’est en tout cas ce que semble sous-entendre la poétesse Zsófia Balla lors de son discours d’introduction : « le spectateur décide de ce qu’il voit ». Mais… Attention. Zsófia Balla et Margit Balla ne sont ni de la même famille artistique ni de la même famille biologique. Le premier fait de sa plume son talent alors que la deuxième l’exploite à partir de son pinceau… Donc certes, elles usent du même nom pour se produire mais n’usent pas pour autant du même art afin de produire leur créativité mais attention… Ce n’est pas tout. L’introduction prononcée par Zsófia Balla a en réalité un double but ou du moins, une double nature. En effet, celle-ci ne sert pas qu’à introduire l’exposition dans le musée « Csányi5. » En fait, l’objectif est également d’introduire la vision artistique de Margit Balla en l’exposant à la centaine de personnes présente pour l’occasion. Cependant, cette dernière s’est recluse bien loin du micro tout au long de la présentation. C’est à Zsófia Balla que revient la lourde tâche d’exprimer par la parole ce qu’exprime silencieusement l’art de sa collègue et amie Margit Balla. Mais, comment expliquer ce choix ?

Question complexe n’est-ce pas ? D’autant plus que la réponse se trouve dans l’intitulé même de cette décision ; ce choix ne s’explique pas car il est, par nature, inexplicable. C’est d’ailleurs ce pourquoi la conception artistique de l’auteure est traduite par la femme de lettres Zsófia Balla : l’idée est d’imaginer que l’art s’exprime par l’art. Et pour s’en rendre compte, des indices sont disséminés à plusieurs moments du vernissage. Premièrement, l’allocution de l’essayiste se conclue par le vers de Rainer Maria Rilke « Szét ne szórja a szó azt, amit belül őrzünk » signifiant en français : « Ne répandez pas par le mot ce que nous gardons à l'intérieur, » étrange pour un texte explicitant toute la partie immergée de l’exposition… D’autant plus que ce n’est pas tout. Après cette dernière phrase, un jeune musicien, âgé d’une dizaine d’années, vient remplacer la septuagénaire au-devant de la scène en reprenant un air de violon. Une autre forme d’art vient donc de s’ajouter aux deux premiers… Afin de les aider à s’exprimer peut-être ? S’agit-il là encore d’un indice ? Difficile de l’expliquer.

Âmes sœurs

Pour apporter des éléments de réponse, rien de mieux qu’un tour dans l’exposition. En son sein, réalisations artistiques comme photographies se confondent et n’ont pour autant rien à voir entre elles. Au premier regard, les dessins peints transpirent parfois de couleurs. D’autres fois, leur confection en noir et blanc caractérise des figures froides, sèches, tandis que les photographies conservent quant à elles leur nature sobre par le nombre limité de couleurs capturées. Autre point de divergence, les clichés immortalisent toujours des monuments, des statues, fixes par définition, alors que les peintures dépeignent elles une idée de mouvement ou tout du moins d’action. Pour autant, Zsófia Balla reste catégorique : « Les deux mondes sont liés aux yeux du peintre et du photographe. » Pour en prendre véritablement conscience, il est nécessaire de s’appuyer sur la suite de sa prise de parole. « Dans cette exposition à double technique, nous pouvons remarquer comment les images peintes, dessinées et photographiées sont liées. Les formes réelles des photographies sont inhabituelles, comme les dessins. Ce n'est pas «l'histoire» qui se déroule sur la photo, mais, par exemple, la posture des filles asiatiques qui sont toujours autonomes dans un bel environnement. » dit-elle en montrant du doigt une pellicule. « […] Il vous apprend à percevoir d'une autre manière » - continue-t-elle ensuite avant de poursuivre par - « Pour apprendre à voir : espièglerie, humour, ironie et compassion, sérénité et avertissement compréhensible évoquent des sentiments communs en ses œuvres et en chacun de nous. » En d’autres termes, la femme désigne la subjectivité comme point d’amorce créant les similitudes entres les œuvres et ainsi par extension, leur caractère objectif. C’est ce qui fait de ses deux catégories d’art des catégories jumelles, sœurs même, selon Zsófia Balla. Au même titre que la relation unissant l’essayiste à son amie artiste : « Au début de mon discours, j'ai déclaré que nous n’étions pas des sœurs. Mais Margit Balla l’est devenue, non pas à cause de son origine mais à cause de la façon dont elle voit ses photos. » explique-t-elle d’une manière poétique, certainement pour démontrer que le lien unissant les deux femmes est comme l’exposition : inexplicable dans le sens ou la nommer reviendrait à la restreindre. C’est donc certainement pour cela que cette exposition porte ce titre. A retrouver à l’adresse suivante : 5 Csányi utca, 1077 Budapest Collection de l'histoire locale juive de Erzsébetváros

Noé Kolanek

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