Les enjeux du changement climatique vus de Budapest

Les enjeux du changement climatique vus de Budapest

Rencontre avec Christian de Perthuis

La conférence mondiale sur le climat s'est ouverte à Paris ce lundi en présence de 150 chefs d’Etat. Début-novembre (le 4 précisément), soit un mois avant le sommet, Christian de Perthuis, professeur d’économie à Paris-Dauphine et auteur d’un ouvrage consacré aux problématiques climatiques, s’exprimait à l’occasion de l’ouverture de la 13ème édition du mois de l’environnement à l’Institut Français. Il plaide pour une taxe carbone et défend l’idée d’une croissance responsable.

 

Chaque année à la même période l’institut français organise le « mois de l’environnement ». La tenue de la COP21 à Paris met en exergue le problème climatique. Le sommet se concentre principalement sur la réduction des gaz à effet de serre et sur un objectif précis : ne pas dépasser une augmentation moyenne de 2 degrés d’ici 2030.

Le professeur invité a détaillé les enjeux et la complexité de cette conférence. « Ce qui est compliqué c’est que lorsqu’il s’agit de changement climatique, c’est le stock global de CO2 à l’échelle mondiale qui compte, et il y a donc un risque d’opportunisme énorme qui rend difficiles les négociations ».

Contrairement aux COP précédentes (Bali, Copenhague) qui se sont soldées par des échecs, celle de Paris dispose au préalable de données sur les contributions volontaires des pays participants. A la lecture de leur synthèse publiée par les Nations Unies « le constat est simple », nous dit-il, « elles permettent au mieux de ralentir les émissions de gaz à effet de serre et en aucun cas de les réduire et on consommera sur cette base 75% du budget carbone alloué pour ne pas franchir les 2 degrés »

Un constat peu encourageant quant à l'éventuelle réussite des négociations dans la Ville Lumière. Pour le professeur, la solution ne se trouverait pas dans la structure légale des traités mais dans le système économique. « Nous ne payons pas pour les émissions de carbone et en plus, dans de nombreux pays, l’utilisation des ressources fossiles est encore subventionnée ! Il est donc rationnel de les choisir ». Il faudrait donc taxer le carbone émis, poursuit-il.

« Valoriser les paysages et les produits »

Trouver un compromis entre des groupes de pays aux intérêts sensiblement différents semble donc difficile même si l’enjeu est de taille. Pourtant, « nous disposons aujourd’hui d’alternatives de plus en plus nombreuses aux énergies fossiles et les grands pays émergents qui sont ceux qui depuis 1990 sont responsables de l’augmentation des gaz à effet de serre, ont amorcé sur leur territoire des programmes environnementaux », souligne Christian de Perthuis.

Néanmoins, d’autres aspects de l’écologie peuvent être abordés pour s’affranchir du cadre de la réduction des émissions carbone, certes central lors de la COP, mais peut-être un peu limitatif. Une question soulève d’ailleurs le problème du coût carbone de l’élevage et la nécessité d’une réflexion sur nos modes de vie et nous l’avons interrogé sur le réalisme d’une croissance infinie, fut-elle verte.

« Je ne suis pas un décroissant », répond-il, « je suis d’accord sur le fait que le CO2 n’est pas tout.Il y a en effet des questions très coûteuses pour l’environnement par exemple les dégâts du photovoltaïque mais pour moi, cela signifie qu’il faut aller vers une économie où l’on généralise le coût des consommations du capital naturel et plus uniquement les gaz à effet de serre. Pour moi, la vraie limite, ce ne sont pas les stocks mais les cycles naturels de régulation que l’on doit respecter. »

Ce qui, à l'en croire, ne doit mener en rien à une logique de décroissance. « La croissance n’est pas synonyme de croissance matérielle. Elle contient certains services n'utilisant pas de biens matériels. Et puis c’est une croissance beaucoup plus qualitative dans laquelle vous allez valoriser la qualité des paysages et des produits » conclut-il.

Le débat est lancé. Le professeur d’économie a su captiver un auditoire venu nombreux, signe que les enjeux climatiques et écologiques inquiètent et intéressent. Une initiative très à-propos alors que la Tour Eiffel et les discussions se verdissent à Paris. La planète le vaut bien.

Elayïs Bandini

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