Soirée Edith Piaf sur les bords du Danube

Soirée Edith Piaf sur les bords du Danube

(quand Budapest se met à l’heure de Paris...)

De son vrai nom Édith Giovanna Gassion, Edith Piaf avait par sa mère une origine italienne, avec même un peu de sang marocain-berbère. Voilà une belle ascendance qui, décidément, réussit à la chanson française! (1) Quant au nom d’artiste de „Piaf,”il qu’il lui colle parfaitement à la peau (2).

 

A la différence des autres chanteurs de l’époque, Edith Piaf semble s’être relativement peu produite à l’étranger, mis à part les Etats-Unis et New York et un bref séjour effectué à Berlin. Et pourtant... Encore plus que Bécaud et Montand, elle est très certainement le nom de la chanson française le plus répandu de par le monde.

Un culte que semblent partager nos amis hongrois. Du moins à en croire par le foisonnement des chanteurs et ensembles qui se réclament de son héritage. Telle la charmante et surtout infiniment douée Eszter Kárász que je viens d’avoir la chance d’entendre. L’occasion en était offerte par un concert public organisé sous l’égide de la municipalité locale pour célébrer l’année de son centenaire sur la place Hunyadi, sous l’égide de la mairie du VIème arrondissement de Budapest.

A l’instar des nombreux auditeurs présents, j’avoue ne pas avoir vu le temps passer. Tout d’abord la formation - accordéon-violon-clarinette - à la fois légère et enlevée, idéale pour accompagner la voix sans en alourdir le fond, bien au contraire. Mais aussi et surtout par la présence et le charisme de la chanteuse. Outre le chant proprement dit, nous avons pu admirer son jeu et ces intonatons qui reprennent jusqu’au moindre détail celles de l’original, jusque dans ses plus fines nuances. Même remarque pour la gestuelle admirablement expressive. Et une parfaite diction, bien articulée. A la différence de nombreux autres chanteurs, c’est avant tout elle-même qui se produit, en artiste à part entière, et non en pure imitatrice. Nous faisant, certes, revivre la „môme piaf”, mais avec ses qualités et dons propres.

Par ailleurs, Eszter Kárász a eu l’excellente idée de nous citer entre chaque chanson des passages d’une interview donnée jadis par la chanteuse française. Propos glanés dans un vieux numéro de Paris Match qu’elle a déniché chez les bouquinistes des quais de Seine, numéro sorti à l’occasion de sa disparition (automne 1963) (3). Outre l’intérêt de nous offrir une petite respiration entre chaque chanson, le texte lu par Eszter Kárász était riche en émotion: axé sur un message d’amour et de spontanéité. C’est un message qu’Eszter Kárász a voulu nous transmettre, ce message d’amour profond que nous avait laissé la chanteuse, malheureusement disparue trop jeune. Une chanteuse à qui les épreuves les plus dures n’auront pourtant pas été épargnées (4) et qui, en dépit du sort, ne se lassa pas de nous redire son bonheur de vivre par la chanson.

Preuve du succès de la soirée: de nombreuses personnes présentes fredonnaient les airs chantés, cela se lisait sur leurs lèvres, et visiblement avec bonheur, à en juger par leurs visages radieux. Des chansons dont ils semblent connaître par coeur le texte, peut-être encore mieux que nous autres. Merci à eux, merci à vous, Eszter et aussi aux trois remarquables musiciens que sont András Pagonyi à l’accordéon, Csongor Veér au violon et Janó Nemes à la clarinette.

Merci à vous, donc, public et musiciens, qui nous démontrez ainsi votre attachement à la chanson française, mais aussi - en tous les cas pour ce qui concerne Eszter Kárász – votre amour de Paris à travers elle.

Pierre Waline

(1): cf. Yves Montand, Serge Reggiani, Salvadore Adamo, Nicoletta, Dalida et tant d’autres.

(2): fait peu connu: son prénom est celui d’une infirmière (de l’hopital Thenon où elle est née) qui avait été fusillée par les Allemands

(3): numéro également consacré à la mémoire de son ami Jean Cocteau, mort pratiquement simultanément.

(4): dont la perte prématurée et brutale de son grand amour, le boxeur Marcel Cerdan.

Photo : le Groupe Padam-sanzonest

 

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