Les Saisons de Haydn au Palais des Arts de Budapest : Un pur délice !

Les Saisons de Haydn au Palais des Arts de Budapest : Un pur délice !

Un concert récemment donné à Budapest sur instruments anciens nous a offert un moment de pur bonheur (1). Au programme Les Saisons de Haydn, interprétées par l’orchestre Orfeo et le choeur Purcell. Deux formations hongroises qui fêtent aujourd’hui leurs 25 ans.

Et pourtant... les interprétations de haut niveau de ce chef d’oeuvre ne manquent pas, qui ne nous en rendent que plus exigeants. Tels les enregistrements du jeune Karajan ou de Karl Böhm ou encore, sur instruments anciens, ceux de John Eliott Gardiner ou Nikolaus Harnoncourt, pour ne citer que ces quatre entre mille autres.

 

Malgré tout, je crois avoir entendu cette fois-ci Les Saisons, comme jamais auparavant. La clarté et la fraîcheur des instruments aidant, j’avais l’impresssion de me retrouver dans la nature où m’étaient dévoilés mille petits détails passés auparavant inaperçus; tel ce grillon dissimulé sous un brin d’herbe, ce moineau blotti au coeur d’un buisson ou simplement ce léger souffle qui fait frémir une branche.

Car l’oeuvre de Haydn n’est autre qu’une invitation à découvrir la nature au fil des quatre saisons et à rendre hommage à son Créateur. Une musique qui nous en dépeint magistralement les mille facettes. Telle cette brume sombre et glaciale de l’aube qui se disperse peu à peu pour laisser filtrer les premiers rayons du soleil; rayons qui se faufilent d’abord timidement, puis franchement pour culminer dans la fournaise étouffante de midi (début de l’Été).

Une partition particulièrement riche, haute en couleurs qui exige des instrumentistes des sonorités claires et franches, notamment pour les bois, ici admirablement traités et une impression générale de fraîcheur. Idéal pour mieux pénétrer la musique de Haydn. Une oeuvre stimulante qui respire la jeunesse à pleins poumons; et pourtant, que le maître nous servit alors qu’il avait presque 70 ans. Sacré Papa Haydn (2) !

A signaler au passage le fort beau texte dû au baron Gottfried van Swieten, frère de Loge du compositeur. Un texte poétique à souhait, parfois trop idyllique, et pouvant prêter à sourire par sa naïveté excessive (Tout est beau, tout est parfait, tout le monde, il est gentil; merci, doux Seigneur!). Mais bon, c’était le style de l’époque... Une époque (fin XVIIIème) où, après la froideur baroque, la Nature reprenait ses droits. Une époque à la croisée des chemins entre un classicisme bien sage et un romantisme ennemi de l’ordre, entre rationalisme et sensisibilté à fleur de peau. Une époque notamment marquée en Allemagne par le mouvement Sturm und Drang (3).

Pour en revenir à nos interprètes de Budapest, une mention spéciale revient aux excellents solistes (4), dont la jeune et charmante soprane Emőke Baráth à qui nous pouvons promettre sans nous risquer une belle carrière.

Et en appui, un choeur impeccable, répondant au quart de tour. De plus, pour les dames, vêtues de merveilleuses robes des plus élégantes, chacune de coupe et de couleur différente, ce qui nous change de ces sinistres uniformes que l’on impose trop souvent.

Et merci aussi au chef György Vashegyi qui nous a déjà habitués à de telles prestations. Un orchestre et un choeur fondés voici 25 ans, mais que leur chef a su porter au plus haut niveau et désormais reconnu sur la scène internationale.

Décidément, avec cet ensemble et le prestigieux orchestre du Festival, Budapest fait et bel et bien partie des toutes premières places en Europe en matière de musique classique.

Pour notre bonheur...

Pierre Waline

(1): le 11 mai au Palais des Arts (Müpa)

(2): c’est ainsi que l’appelaient affectueusement ses élèves, à commencer par le jeune Beethoven lui-même.

(3): littéralement « Tempête et élan », du titre d’une pièce : mouvement littéraire opposant au rationalisme du siècle des Lumières (« Aufklärung »), les exigences de la sensibilité (« Empfindlichkeit »), le refus des contraintes sociales, la mise en avant du génie populaire face à l’idéal classique. Influença le jeune Goethe.

(4): Emőke Baráth, soprane, Krisztián Cser, ténor, László Kálmán, basse.

 
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