Le nouveau dîner d’Epicure

Le nouveau dîner d’Epicure

Auguste Escoffier fut un précurseur à plus d’un titre. A la suite d’un diner donné en son honneur, Guillaume II l’aurait félicité en lui disant : « Moi, je suis l’Empereur d’Allemagne, mais vous vous êtes l’empereur des cuisiniers ». La phrase largement reprise dans la presse, l’on dit très vite de lui qu’il était le roi des cuisiniers, le cuisinier des rois… Cela vous rappelle quelque chose ! Escoffier a modernisé et codifié notre cuisine. Son « Guide culinaire » est toujours à ce jour une référence pour tous les cuisiniers qui étudient la cuisine française. C’est aussi lui qui a développé le concept de brigade de cuisine en rationnalisant la répartition des tâches dans l’équipe et en veillant à l’image de marque du cuisinier (propre, méticuleux, non buveur, non fumeur, ne criant pas…). Une image aujourd’hui dénoncée par certains encore récemment dans la presse.

 

Premier cuisinier à devenir officier de la légion d’honneur, précurseur il le fut aussi en étant le premier à collaborer à une marque grand public, la marque Maggi, pour donner des conseils aux maîtresses de maison.

Plus qu’un précurseur, ses idées étaient novatrices.

C’est en 1912 qu’il créa le premier dîner d’Epicure. Son but était de faire rayonner le prestige de la cuisine française à l’étranger. Le même menu, le même jour, dans plusieurs villes du monde, pour le plus grand nombre de convives. Voilà le concept ! Ce fut un très grand succès et il fut décidé que ce diner aurait lieu chaque année. La première guerre mondiale mit un terme brutal à ce beau projet.

Plus récemment, en 2009, la Fondation Escoffier remit au goût du jour l’idée de ces diners sous la forme de diners caritatifs afin de célébrer le talent de nos chefs cuisiniers et pâtissiers, mais en France et ne touchant qu’une petite élite. Pas vraiment l’idée d’Auguste Escoffier selon moi !

C’était sans compter sur la pugnacité d’Alain Ducasse, chef multi étoilés, chef globe trotter (il avoue lui arriver parfois de faire le tour du monde en moins d’une semaine), dont certains disent qu’il est omni présent. Il vient de relancer le vrai concept du diner d’Epicure !

A son initiative et orchestré par le ministère des affaires étrangères, ce jeudi 19 Mars 2015, plus de 1000 diners seront proposés dans les restaurants de plus de 150 pays ainsi que dans nos ambassades afin de célébrer la gastronomie française. Plus de 1300 chefs participent à cet évènement dont beaucoup ne sont pas français mais qui veulent tous faire partager à un large public un vrai « dîner à la française » (concept classé au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco en 2010), tout en restant libres de mettre en valeur leurs propres traditions culinaires.

Les restaurateurs participants ont dû proposer leur candidature et s’engager à respecter un cahier des charges assez précis avec un nombre de plats et quelques ingrédients imposés (comme un apéritif au champagne ou au cognac, un fromage français et un dessert au chocolat).

Un slogan : Savoir Faire, Faire Faire et Faire Savoir. Question de communication ? Certes. Mais même les restaurateurs étrangers avouent que la cuisine française représente un vrai potentiel dont les clients sont toujours friands. D’ou le nombre toujours plus important de jeunes cuisiniers étrangers qui viennent se former dans les écoles de cuisine de notre pays ou qui viennent faire des stages auprès de nos plus grands chefs. Aujourd’hui les brigades des grands restaurants sont souvent très internationales. C’est un savoir faire que l’on exporte, une technicité, des valeurs de qualité, de partage, de générosité, de convivialité, l’amour du beau et du bon. Et cela n’empêche en rien, bien au contraire, l’utilisation de produits locaux. Pas question ici d’envoyer aux quatre coins du monde des produits français et de ne travailler que ces produits, ce qui induirait forcément des coûts très élevés. Il y a aussi une vraie volonté de porter à travers notre gastronomie le mouvement d’une économie raisonnée, de favoriser les cycles courts et les produits issus d’une agriculture durable et même biologique dans certains cas.

Un but avoué : encourager le tourisme et la découverte des richesses de notre pays. Selon Alain Ducasse, la France a toujours eu une côte d’amour mais il nous faut être vigilants, être plus accueillants, valoriser les autres, s’ouvrir sur ces visiteurs étrangers qui font rayonner notre pays par delà les frontières. Traduisons : il faut être plus aimable, plus souriant, parler plus et mieux les langues étrangères, mieux adapter notre offre pour satisfaire cette clientèle étrangère friande de découvrir notre pays. Et la gastronomie est un puissant moteur puisqu’ils sont 60% à reconnaître qu’elle fait partie de leur motivation à venir découvrir notre pays.

Gout de/Good France est une opération de diplomatie culinaire pour le plaisir de tous ceux qui voudront partager ce repas à la Française.

En Hongrie, dix restaurants participeront à cet événement. Quatre sur Budapest (le Babel, Baltazár, Borssó Bistro et le Pierrot) et six en province (dont le Château Visz, le Kistücsök à Balatonszemes, le Chianti à Veszprém, le Bistro Classico à Keszthely, ou le Walter à Perbál). Liste complète des restaurants et des menus sur le site de Goodfrance.com). Certains de ces Chefs de restaurants sont par ailleurs membres de l’Académie hongroise des Bocuses d’Or, Budapest sera d’ailleurs hôte de la prochaine compétition des Bocuses d’Or Europe en Mai 2016.

Une magnifique occasion de fêter la cuisine française partout dans le monde !

Natacha Guégo Haas

 

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