Les femmes au 6éme étage

Les femmes au 6éme étage

Rencontre avec le réalisateur Philippe le Gyay à Budapest

C’est l’histoire d’un bourgeois un peu endormi, un peu inconscient de lui-même, de ses sentiments, qui va se réveiller en découvrant un monde différent, celui des femmes espagnoles dans les chambres de bonnes de son immeuble parisien et ça va changer sa vie. Cette comédie sociale a fait des millions d’entrées en France. Son réalisateur nous en révèle le secret.

 

 

Ce film évoque l’ambiance d’un monde révolu –  mais c’est une comédie sociale contemporaine. D’où vient ce récit qui a tant séduit les cinéphiles ?

Le film est inspiré d’un souvenir d’enfance lié à la présence des Espagnoles dans des immeubles à Paris. Et même plus que cela, puisque enfant, j’ai moi-même vécu cette histoire, car il y avait une domestique espagnole dans notre maison, et je parlais plus l’espagnol que le français, je récitais des prières et des chansons ; j’étais contaminé par l’espagnol. J’ai souvent pensé que c’est une page de notre histoire intime, familiale qui n’a jamais été traitée au cinéma. A cette époque dans ce milieu ces Espagnoles qui venaient pour servir, étaient méprisées culturellement. C’est seulement maintenant que l’on comprend à quel point ce pays est proche de nous ! Depuis que le franquisme est tombé, qu’il y a eu la fameuse Movida – en terme de culture d’imagination les Espagnols sont très inspirés. Dans mon récit en face de Maria il y a Suzanne, l’épouse qui ne fait rien, mais dans certains milieux on trouve encore ces femmes qui se laissent porter qui n’ont pas d’ambitions personnelles. Elle n’est même pas une bonne mère car elle ne s’occupe pas de ses enfants, elle les envoie en pension. Mais cette provinciale est inquiète, elle essaye de comprendre.

Vos personnages sont à la recherche de leur identité,  ils cherchent le bonheur dans le cadre d’une comédie pleine d’humour…

 L’humour, la comédie, la distance permettent de casser le discours, le commentaire social, à critiquer la bourgeoisie. Parce que l’on arrive dans un monde qui est fermé. C’est vrai que l’on peut dire, mais c’est plus intéressant de montrer des situations avec un personnage qui va peu à peu découvrir un autre monde, sans vraiment s’en apercevoir lui-même. On sent bien qu’il a une attirance pour Maria. Le spectateur voit, mais lui, il ne voit pas, cela se passe malgré lui. Et c’est une chose très importante dans une comédie que le spectateur ait une avance sur le personnage. C’est une façon de contourner le cliché du patron qui est amoureux de la bonne.

Autrement dit c’est un conte de fées où il y a peut-être une Cendrillon ?

C’est vrai, c’est une fable qui au début est réaliste, c’est à dire la manière dont les Espagnoles arrivent à Paris. Elles vont chercher du travail, s’installer  dans des familles.  Tout cela est vrai, mais ce qui est moins réaliste c’est l’intérêt,  l’attachement que ce bourgeois va avoir pour ce groupe qu’il découvre au 6ème étage de son immeuble. J’ai choisi exprès six femmes, c’était très important pour moi d’avoir un groupe de femmes d’âges différents. Je pouvais moduler chaque destin de femme. Inventer une histoire pour chacune. C’est dans leur univers qu’un jour Joubert, le bourgeois, s’aventure là-haut au dernier étage.

Vous avez un casting intéressant avec des comédiennes d’Almodovar – dont Carmen Maura qui a remporté un César de la meilleure actrice dans un second rôle et puis des grandes vedettes françaises. Comment réussir avec des comédiens de différentes cultures ?

C’est vrai. Dans leur tempérament elles sont très différentes, mais Fabrice Luchini est d’origine italienne et Sandrine Kiberlain est d’origine polonaise –  même s’ils sont complètement assimilés aujourd’hui. Je crois que les Espagnols voulaient impressionner les Français et vice versa et cela a créé une stimulation dans les deux sens. J’ai adoré aller en Espagne pour le casting et je me suis plongé dans les rencontres, j’ai choisi uniquement des Madrilènes. Il y avait tout un mélange d’énergies, d’accents, d’âges différents. 

É. V. 

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