Pour ouvrir le Festival de musique ancienne : un Français (M.A. Charpentier) aux côtés d´un compositeur Autrichien (G.Ch. Strattner)

Pour ouvrir le Festival de musique ancienne : un Français (M.A. Charpentier) aux côtés d´un compositeur Autrichien (G.Ch. Strattner)

haydeneum

Dans un programme de musique religieuse

Fondé voici deux ans à l’initiative du chef hongrois György Vashegyi, le Centre de Musique ancienne hongroise a pour vocation de présenter et promouvoir des œuvres inédites en rapport avec la Hongrie. De l’époque baroque aux préromantiques en passant par l’école classique viennoise, ce qui couvre une période de deux siècles allant de 1630 à 1830. Son nom Haydneum est lié à la personnalité du compositeur autrichien qui passa une grande partie de sa vie au service de princes hongrois, les Esterházy. Parmi les activités du Centre : le montage de festivals, mais aussi l’attribution de bourses et la tenue de masters.

Au rang des festivals, signalons la tenue d’un festival de musique sacrée appelé à se tenir chaque printemps à Budapest (1). Pour cette année a été choisi, pour le concert d’ouverture, un programme dédié à Marc Antoine Charpentier et au compositeur autrichien (natif de Hongrie) Georg Christoph Strattner.  Le premier, M.A. Charpentier, n’est plus à présenter, connu notamment pour l’ouverture de son Te Deum, reprise comme indicatif de l’Eurovision, mais aussi pour sa délicieuse Messe de Minuit. Compositeur prolixe, auteur, à côté de pièces profanes, de nombreuses pièces à caractère religieux, Charpentier fut très apprécié de son temps, notamment à la cour de Versailles. Par contre méconnu du grand public, Georg Christoph Strattner était originaire du Burgenland hongrois. Formé à Preßburg (Pozsony, alors capitale du royaume, actuelle Bratislava), il fut engagé à Stuttgart puis à Weimar où il termina sa carrière au poste de Maître de Chapelle. Également auteur - reconnu – d’œuvres essentiellement liturgiques.

Au programme, trois motets et un oratorio. De Charpentier :  Transfige dulcissime Jesu H.251, Extremum Dei iudicium H.401. De Strattner : In corde dexit fatuus, Ihr Himmelsfeste höret doch. L’ensemble baroque Orfeo et le chœur Purcell étant placés sous la direction de József Gál. Le tout accompagné par neuf voix en solo, dont les sopranes Katalin Szutrély et Csilla Tillai (les autres : deux ténors, deux contre-ténors, trois basses). Concert donné dans le cadre baroque de l’Église de l’Université (Egyetemi templom). (2)

Pour commencer avec Charpentier, le motet Transfige dulcissime Jesu évoquant le Jugement dernier. Œuvre recueillie au ton retenu, entrecoupée de brefs passages vifs. Contrastant avec la pièce qui suivait, In corde dexit fatuus de Strattner. Chantée par des voix d’hommes (ténor, contre-ténors, basses) sans accompagnement de chœur. Offrant, par son orchestration (flûtes à bec) un caractère pastoral qui n’est pas sans évoquer par endroits le climat de la Messe de Minuit. Suivait, du même auteur, un motet chanté en langue allemande Ihr Himmelsfeste höret doch. Offrant une orchestration plus étoffée et un ton plus vif, de caractère narratif, se déroulant comme un dialogue entre les intervenants. En conclusion suivait un oratorio de Charpentier „ Extremum Dei iudicium” (Hymne au Seigneur). Une œuvre plutôt austère, du moins dans l’interprétation qui nous en a été donnée ce soir, sur des tempos généralement lents, entrecoupée de brefs passages animés.

Le tout fort bien chanté, tant par les solistes que par le chœur, lorsqu’il intervenait, soutenus par un orchestre aux belles sonorités, notamment dans les deux pièces de Strattner. Des œuvres que nous découvrions ce soir, mais surtout un compositeur que nous n’avions encore jamais entendu. Non sans surprise. Strattner se révélant ici maître dans l’art de l’orchestration, nous offrant des sonorités hautes en couleurs, notamment dans le rang des vents et des bois. Certes, nous ne saurions parler ici d’œuvres majeures, Non pas destinées à briller dans une salle de concert, mais réservées au cadre plus recueilli d’un espace religieux comme ce fut le cas ce soir.       

Une occasion de plus pour rendre hommage au chef György Vashegyi (qui tenait ce soir la partie de clavecin) qui n’a cessé de nous faire découvrir des œuvres inédites du répertoire baroque, dont il est allé lui-même en exhumer certaines dans les archives, comme ce fut le cas des deux œuvres de Strattner données ce soir. Quant à József Gál qui tenait ce soir la baguette, musicien issu de l’orchestre, juste un mot pour signaler qu’il a entre autres collaboré avec le Centre de Musique baroque de Versailles.

Pour la suite sont inscrites au programme des concerts suivants des œuvres de Michael et Joseph Haydn (dont sa Pauken Messe), mais aussi de compositeurs pratiquement inconnus comme le Hongrois Benedek Istvánffy ou encore l’Autrichien Joseph Werner (prédécesseur de Haydn à la cour des princes Esterházy).

Une manifestation particulièrement bienvenue (dont nous avions rendu compte dans ces colonnes ces deux dernières années). En attendant la suite…

Pierre Waline

(1): un autre festival se tenant á l’automne.

(2): également retransmis sur les ondes.

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