„Mémoires du Danube” de Thomas Gabriel Leichtner

„Mémoires du Danube” de Thomas Gabriel Leichtner

Memoire Danube

Nous invitant pour un voyage entre la Budapest d’aujourd’hui et celle du temps de son occupation par l’Allemagne nazie en passant par Paris et Vienne, l’auteur nous conte les aventures d’un jeune détective parisien qui va mener une enquête pour le compte de sa cliente : retrouver le père de sa fille. Enquête qui l’amènera, un peu par hasard, à rechercher ses propres racines, aboutissant à la découverte d’un secret de famille.

Roman captivant où l’auteur mêle habilement fiction et éléments autobiographiques. Né à Budapest en 1944, Thomas Gabriel Leichtner (Thomas Degré) rejoignit avec sa mère la France à l’âge de deux ans. Il ne connut pas son père, fusillé et jeté au Danube par les Croix Fléchées (nazis hongrois) trois mois seulement après sa naissance. „Roman personnel, empreint de mystère et d’Histoire, imprégné d’enquêtes et d’autobiographie, où plusieurs destins vont s’entrecroiser et se lier, tout au long d’une investigation qui prend sa source dans l’histoire de l’occupation hongroise par l’Allemagne nazie” (JFB).

L’action débute dans le Paris des années deux mille. Simon, jeune détective, se voit confier par une femme âgée dont il ignore tout, une mission délicate : sur la base d’une simple photographie, retrouver les traces de son ancien amant (András) rencontré en Hongrie dans les années soixante. Seul indice susceptible de l’aider, la fille d’András (Helena) qui réside à Vienne. De fil en aiguille, après mille péripéties, Simon finira par rencontrer András par le biais involontaire duquel il découvrira l’existence de son grand-père naturel, Sanyi. Sanyi qui fut jadis amant de sa grand-mère Anna. Un amour passionné qui se déroulera sur fond d’une ville dévastée (nous sommes fin 1944), en proie aux bombardements pour s’achever par l’arrestation et l’assassinat de Sanyi par les Croix Fléchées. Autre personnage qui nous apparaît en toile de fond, le mari d’Anna, déporté dans un camp de travail. Mariage de raison où, à défaut de passion, Anna respectera ce mari épris, auquel elle n’aura pas le courage d’avouer sa liaison. Personnage enfin très présent, la belle Helena rencontrée à Vienne, puis établie à Budapest, qui jouera un rôle essentiel dans le déroulement de l’enquête. Enquête au cours de laquelle elle se découvrira elle-même une demi-soeur, Marika, fruit des amours de son père avec la cliente de Simon. Helena, dont les rapports avec ce dernier, au départ tendus, se feront de plus en plus intimes, laissant le lecteur deviner la suite…

Traversé par des thèmes tels que la quête d’identité, le pardon, la rédemption, l’acte juste, ce récit nous fait découvrir la ville natale de l’auteur. Tout d’abord sous les bombes et canonnades de cet hiver 44-45, avec ses immeubles éventrés, ses chaussées défoncées et ses ponts coupés, pendant tristement dans le fleuve. Puis la Budapest des années 2010, dans cette Hongrie gouvernée d’une main de fer par Viktor Orbán, un Orbán de plus en plus conservateur, nostalgique de ces années d’avant-guerre placées sous la régence de l’amiral Horthy (dont il lancera peu à peu la réhabilitation). Cette Budapest où nous avons plaisir à retrouver, au fil des pérégrinations auxquelles nous convie l’auteur, maints lieux qui nous sont chers (tel le salon de thé Művész situé près de l’Opéra). Descriptions détaillées justes et fort bien menées. Et pourtant, l’auteur avouera connaître bien mal cette ville où il n’a effectué que quatre brefs passages. Son mérite n’en est que plus grand.

Le grand atout de l´ouvrage réside aussi dans son style. Pur, fluide, élégant, d’une lecture agréable, qui vous tient constamment en haleine. Visiblement, l’auteur, au départ de formation scientifique, a un talent d’écrivain.

A recommander à celles et ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la Hongrie, aux drames de son Histoire récente, mais aussi sensibles aux charmes de sa capitale. Recommandé également aux autres, ne serait-ce que pour leur offrir le plaisir d’une lecture prenante et émouvante - dont on a peine à se détacher.

Un grand merci à son auteur.

Pierre Waline

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