LES FEUX DE LA RAMPE

LES FEUX DE LA RAMPE

Qui n’a pas entendu parler de ces interviews contre la montre dits “à l’américaine” qu’accordent les personnalités du cinéma dans un salon de grand hôtel au moment de la sortie d’un de leurs films à l’étranger ?

C’est un véritable marathon promotionnel organisé par les maisons de production dont la règle du jeu est simple : obtenir un maximum de couverture journalistique en un minimum de temps. Ainsi à l’occasion du Festival du film Français de Budapest, j’ai voulu savoir comment ce type de rodéos journalistiques se déroulait et ai demandé à être accréditée.

Me voilà donc par un beau matin, lancée pleins gaz en direction du Méridien. Bien sûr, ça ne roule pas, bien sûr je suis en retard et bien sûr je n’ai pas la moindre idée de la tête de l’attachée de presse auprès de laquelle je suis censée pointer pour le JFB. Ouf, je finis par la trouver. Elle est logiquement plantée à côté d’un maigre buffet garni essentiellement de café (et non, loupé, rien de bon à manger). Et comme elle est plutôt du genre portable greffé à l’oreille, je réussis difficilement entre deux salves de sonneries à me faire enfin identifier. Szia, Szia ! Elle me remet rapidement une feuille de route qui me donne les horaires de mes interviews. D’entrée de jeu, je remarque immédiatement que je n’aurai que vingt minutes à chaque fois et que me voilà officiellement accréditée sous le petit nom biblique de Mari (orthographié comme ça) et ce, sans aucun intitulé du journal auquel je suis attachée. Qu’importe, j’empoigne d’un air assuré la thermos de café, balaye des yeux la zone d’interviews histoire de bien m’imprégner de ce drôle de petit ballet des courtisans très scénarisé : traducteurs, journalistes, photographes, techniciens télé, attachés de presse…

Un homme, installé au centre de la scène, lève le bras pour me convier à sa table. C’est un producteur-distributeur qui a acheté les films pour la Hongrie et qui parle très mal l’anglais. Une véritable torture qui me voit comme à chaque fois prise en flagrant délit de paresse linguistique locale caractérisée. Je comprends enfin ce qu’il me veut et ce ne sont pas mes beaux yeux. Ai-je bien rapporté les copies de masters que j’avais demandées afin de visionner les films ? Je le rassure : je ne suis pas une pirate vidéo n’a qu’un œil et une jambe de bois. Il m’introduit alors à la ronde. Je serre des mains, on me dit des noms que j’oublie aussitôt, je souris… J’attends comme chez le dentiste.

Et avec presque une heure de retard, ça y est enfin !

Thierry Klifa, le réalisateur du Héros de la Famille, est tout à moi. Enfin pas tout à fait, parce qu’un p’tit tour et puis s’en va. En vingt minutes, quand on n’est pas une pro de l’exercice, il ne peut rien se passer que de très banal. Bonjour ; Au revoir ; Merci ! Entre les deux rien que des propos convenus cent fois répétés aux journalistes des trente pays où il a déjà vendu son film : le tournage dans un esprit de troupe (ici Deneuve, Miou-Miou, Lanvin, Brasseur, Béart, Pailhas, Lemercier… que du beau linge) et bien sûr, l’extraordinaire fusion créative avec son scénariste Christopher Thompson. Bref, ça aurait pu être intéressant surtout que c’est un homme charmant.

Avec mon deuxième client, Aurélien Recoing, ce fut carrément un désastre. Acteur de théâtre et de cinéma souvent engagé dans d’excellents films moins grand public, il était là pour porter un premier long métrage sec, dur et maîtrisé de Gela Babluani: 13 Tzameti. J’avais aimé le film et pourtant je n’ai strictement rien obtenu de significatif de cet acteur complexe et très dialectique dont la masse physique dense vous en impose. J’ai mal attaqué, j’étais la dernière, l’attachée de presse à l’oreille greffée me tournait autour comme un vautour pour que j’en finisse parce que les chaînes de télé avaient déjà trop débordé …

Je n’ai pas insisté. J’ai ramassé mes affaires en me disant que décidément je n’avais rien à me mettre sous la plume mais que, somme toute, cela avait été amusant à observer.

Quant à la prétendue Dolce Vita menée par les journalistes de cinéma, on peut toujours en rêver. De palaces en festivals, de fêtes fantasques en salles obscures, pour se la jouer, il y a visiblement très peu d’élus et beaucoup d’appelés.

Marie-Pia Garnier

NDLR. Patrick Braoudé, Aurélien Recoing, Tierry Klifa & Anne-Sophie Franck furent cette année les invités du festival. A mon grand regret, personne de l’équipe de Transylvania ne s’est déplacé.

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