Tabán Tabán, il me fait le coup du souviens-toi

Tabán Tabán, il me fait le coup du souviens-toi

Budapest Parcours
Par Emmanuelle Sacchet et l’œil regarde

Le Tabán, encore un de ces endroits dont il faut connaître le passé pour en saisir le présent… S’il évoque quelque chose du Buda d’autrefois, c’est surtout dans la littérature des romanciers du XIXe tel Dezsô Kosztolányi. Sinon, vous aurez forcément frôlé l’orée de ses bois. C’est un quartier tout en longueur pris entre le Mont Gellért et la colline du château, majestueusement bordé par le Danube. La percée du boulevard Attila a définitivement divisé ce quartier déjà détruit en 1930 lors de la planification urbaine de Budapest. Qu’importe, les Hongrois l’aiment par-dessus tout, même s’il ne reste plus que quelques maisons d’origine.
Il faut dire que ces lieux habités dès le néolithique sont chargés d’histoire. Cette verte vallée a attiré les Celtes Eravi au IV s. av. J.C. et les Romains au Ier s. Les Turcs évidemment ont eu à cœur d’édifier les différentes sources thermales - qui nous restent depuis le XVIe siècle. La reconquête chré-tienne laisse le Tabán en ruine. Les Franciscains de Bosnie y établissent une église paroissiale au XVIIe siècle qui existe encore aujourd’hui. A la fin du XVIIIe,  des tanneurs serbes, des Grecs, des Valaques, des Allemands, des Croates, des Slovaques puis des Tsiganes s’y installent, vivant d’artisanat et de viticulture. Mais les crues du Danube, les incendies et les autorités en place auront raison des bicoques de cet antre devenu très (im)populaire. Dans les années trente, un quartier résidentiel remplacera les masures insalubres dont l’activité nocturne des tripots cessera définitivement. Seuls les bains, l’église et le petit cimetière turc seront épargnés. A partir des années 1950, le parc du Tabán devient un véritable centre de loisirs en plein air où l’on organise des évènements à caractère national. C’est là qu’il faut voir palpiter les feux d’artifices, les commémorations de 1956 et surtout les fêtes du 1er mai. Et s’il fallait une seule raison pour se rendre dans le Tabán, cet îlot de verdure suffirait. La rue Kereszt, épicentre des vieux quartiers, est la promesse d’une tranquillité absolue. Les rues Tigris et Czakó donnent cette atmosphère irremplaçable de se croire en province alors que le centre de la ville est à portée de pas. Tout près, les 139 mètres qui culminent à la place Naphegy (le mont du soleil) suffisent à se projeter dans le paysage entre collines et château.


Le boulevard Hegyalja, la nécessaire excroissance débouchant du pont Erzsébet, est venu se lover monstrueusement contre les bains Rác. Fermés depuis six ans, ces derniers n’en finissent pas de muer dans un complexe hôtelier. Ses futures étoiles ne sont pas encore nées tant la rénovation s’avère des plus complexes. Certainement que l’ensemble saura transformer l’atmosphère de Krisztina körút, où il n’y a pas si longtemps encore, se tenait un pan du mur de Berlin, histoire de ne pas réitérer certaines choses.
Après une périlleuse traversée du boulevard Attila, l’on peut rejoindre, sur l’autre versant du Tabán, les places Döbrentei et Szarvas, paradis sur Buda s’il en est. Pour preuve, l’ancestral restaurant du cerf, les cafés aux terrasses bien animées en soirée, le casino dans le kiosque Várkert de l’architecte Ybl (pavillon néo-Renaissance à l’origine station de pompage) ; puis Apród utca, le Semmelweiss Orvostörténeti Múzeum, la maison natale pieusement gardée en l’état du médecin qui découvrit les causes de la fièvre puerpérale.
Que pourrions-nous souhaiter pour l’avenir du Tabán si ce n’est de rester tel qu’il est ? Peut-être la réalisation d’un projet cher à István Széchenyi dans la première moitié du XIXe siècle: construire un funiculaire jusqu’à la Citadelle ! En attendant, nous vous conseillons une petite sieste au pied des hauts murs du château, derrière l’enclos du cimetière turc, dans l’un de ces innombrables recoins de verdure inconnus du grand public.


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