Jean Christophe Rufin, voyageur de l’Histoire

Jean Christophe Rufin, voyageur de l’Histoire

Jean Christophe Rufin de l’Académie Française présentait à Budapest la traduction hongroise de son ouvrage Le Tour du monde du roi Zibeline (Vad tengereken - Benyovszky gróf kalandos élete) ce Vendredi 26 avril. Médecin, diplomate, et humaniste engagé, il a notamment été président d’Action contre la faim. Ecrivain ambulant, il abreuve son écriture de sa connaissance du monde et de son histoire.

Bien que l’écrivain voyage, il est loin d’être ce touriste oisif, déambulant sans dessein. Jean Christophe Rufin trouve une raison à ses chemins. Nombres de ses pérégrinations ont d’ailleurs été engendrées par ses activités professionnelles, en particulier celle de médecin. Il a également œuvré comme ambassadeur de la France au Sénégal et en Gambie, où certaines de ses rencontres ont alimenté la genèse de personnages exquis. Il l’affirme, le voyage devient grandiose lorsque les civilisations s’entrechoquent et les mondes se rencontrent ; il ne doit pas se résumer à un vagabondage stérile.

Dans ses romans, il utilise les périodes historiques connues de tous, puis les revisite afin d’en faire ressortir de véritables aventures. Jean Christophe Rufin aime et respecte l’Histoire, tout en la modelant avec la pertinence et la sagacité qui le caractérise. Par deux fois, il reçoit le roi des prix littéraires : le Prix Goncourt du Premier Roman pour L’abyssin en 1997, et un deuxième Prix Goncourt pour Rouge Brésil en 2001. Paroxysme de la reconnaissance, il siège depuis 2008 sur le fauteuil « 28 » de l’Académie Française. Son parcours et sa curiosité sont devenus la source d’une intimidante érudition ainsi que d’une imposante collection d’anecdotes, toutes plus pittoresques les unes que les autres.

« Je suis un romancier, pas un écrivain voyageur »

Jean-Christophe Rufin a toujours été un ardent lecteur de littérature de voyage, qu’il considère trop peu reconnue en France. Il avoue avec simplicité avoir tout bonnement « commencé à écrire ce qu’il aimait lire ». Mais, il ne se réclame pas écrivain voyageur pour autant. Bien qu’ami proche de Sylvain Tesson (auteur notamment de Dans les forêts de Sibérie), qu’il reconnait comme l’écrivain de voyage par excellence, Rufin se revendique romancier. Il explore l’espace à travers le temps quand Tesson narre ses propres expériences. Des expériences, ils en partagent régulièrement au grand air, s’adonnant ensemble à la randonnée et l’alpinisme.

Dans sa démarche de romancier, il désire faire pénétrer le lecteur dans un monde qui n’est pas le sien, à une époque dont il ignore tout ce qui est absent des livres d’Histoire. Ses documentations, principalement des lectures d’historiens, sont le pilier de ses œuvres. Jean Christophe Rufin rédige avec un souci de justesse, tout en admettant que la vérité historique est parfois bien difficile à intégrer dans un récit, tant elle parait invraisemblable. Cependant, toute la puissance créatrice de l’auteur réside dans le pouvoir de raconter ce que l’Histoire ignore. C’est bien cela qui contribue à la noblesse de la discipline : elle laisse de si nombreux éléments sans réponse qu’elle ne sera jamais dénuée de mystère. Là intervient alors le don d’imagination de l’artiste, dont le travail devient complémentaire de celui de l’expert.

Le tour du monde du roi Zibeline

Le tour du monde du roi Zibeline qui parait enfin en langue hongroise raconte l’histoire d’un noble hongrois du XVIIIe siècle nommé Auguste Benjowski. Son histoire est connue grâce à ses mémoires, tandis que sa personnalité est désormais comprise grâce au travail Jean Christophe Rufin. Benjowski, dont l’extraordinaire épopée amènera jusqu’au titre de Roi de Madagascar, est avant tout un homme cultivé et clairvoyant. Plus qu’un roman d’aventure, le Tour du Monde du Roi Zibeline est un véritable conte philosophique. A 67 ans, Jean Christophe Rufin continue d’illuminer la littérature française de sa virtuosité. Son dernier ouvrage, Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla, est disponible pour les francophones, depuis le 28 Mars 2019, aux éditions Gallimard.

Hugo Cellarier

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